• Boris Gamaleya est un poète français né le 18 décembre 1930 à Saint-Louis de La Réunion .Victime de l'ordonnance prise par le Premier ministre Michel Debré en 1960, l'ordonnance Debré, il est contraint de migrer en France métropolitaine et devient enseignant en région parisienne. Il milite alors contre l'instigateur de la mesure devenu député de l'île et contre toutes ses créations suivantes, au premier rang desquelles le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer, qui organise l'émigration des Domiens vers le continent à compter de 1963. De 1963 à 1980, 1 630 enfants ont été envoyés depuis La Réunion dans des départements de métropole en perte de vitesse démographique, cette affaire est connue sous le nom des enfants de la Creuse. Revenu à La Réunion un an avant la publication du Vali et après une grève de la faim, il y lance bientôt une revue engagée appelée Bardzour qui collecte les contes de tradition orale et publie des chroniques sur le créole réunionnais, entre autres choses.

     

    Boris Gamaleya : Sono Mundo et deux fragments

     

     

     

    1

    Mondo Sono

     Pour entendre l'auteur lire ce poème , cliquer sur  http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/gamaleya_mondo-sono.html 

    *

                     exercice précis               

                   perds-toi en Somnolence               

              L'aiguille force les ondes courtes jusque dans leurs petits serrés. Elle nasille, fait la grosse mouche énervée (ou la mozarelle râpée) s'emberlificote dans des bouchons de hoquets, tronçonne d'hétéroclites collisions, tombe sur l'Imaginary Landscape n° 4 pour douze postes de radio de John Cage, trébuche, déraille, se reprend . . .  Enfin comme un ange qui aurait délaissé la voile du Trisagion pour le parapente, elle descend apaisée et s'arrête subjuguée. Du fond de quelque Circassie, une voix s'élève:

     

              . . . proschaï . . . poïmi . . . prosti . . .

                   (adieux . . . comprends . . . pardonne . . . )

     

              Bien sûr!

              L'étoile de la Sourate peuple les pentes de coqs d'anthologie.

    Ne pars pas et que l'œuvre dans son meilleur trait se renouvelle.

     

              ............

              oi oi

              fond halluciné d'un quartier chaud

              un rire

                                                      et tout se brise

              Stridence ondulante d'une vieille canalisation dans la salle de bains d'un lêve-tôt.

              Au petit jour, la tondeuse du voisin . . .

              Le ciel est clair et pourtant l'esprit glisse sur une pente savonneuse. Et l'aiguille n'a pas tout dit . . . fa sol la do ré fa . . . le papillon dansant redevient chenillette . . . tali-tata . . . au théâtre des étoiles chante encore Nusrat Fateh Ali Khan

     

     

     

     

    ____

    2

    Ombline, ou le volcan à l'envers

     Pour entendre cet extrait dit par l'auteur, cliquer sur :  http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/gamaleya_ombline.html

    *

    Le récitant :

     

    Enfin, il nous est donné de pouvoir être

    tout cela. Une plaine de sable en surplomb

    du Cratère. Le vent glacé. Ses voix de fond.

    « Pahoé oé o Pahoé oé é ».

    Le brouillard monte mystifier les remparts.

    Je devine la lune comme un feu où nos souffles

    se mélangent. Elle prépare dans son caldère

    l'araignée d'or, la mère Kale du temps.

    Mais n'allons pas trop vite, liberté,

    il manque une lampe à ta fournaise...

     

    Simangavole

     

    Marron va cime vole – ne tirez pas sur la lune – 

    ne marchons pas trop vite...

     

    Matouté

     

    Une âme pulse à l'horizon – ma mémoire ouvre un

    œil – est-ce une île ? une étoile ? Une pointe

    d'oiseau...

     

    Le Chœur

     

         ... La porte acérée de la nuit !

     

     

     

     

     

    ____

    3

    Fragment 

    *

    émeutier ruisselant du rire des grenades

     

    du long spasme feuillu des brises saccagées

     

    les conques célèbrent l’adieu du flibustier

     

    ton sang est un envol d’aubes et de jungades

     

    il a éclos le ciel ancien qui te ressemble

     

    annonce millénaire essaim des astéries

     

    où fluent les grands singes de sable et les orphies

     

    une île impure fume au seuil noir de mon temple

     

    prince du matin clair filante javeline

     

    que loue le bleu vali les vierges citronniers

     

    et le spleen du dodo la gloire de l’aimée

     

    car voici qu’ont brouillé les banyans leurs racines

    _____________

     

     

      Note de Dominique Oriata Tron : Le présent  blog est la continuation du blog Editions A l'écoute,  arrivé à saturation vu qu'au delà de son remplissage actuel le site Blog4ever demande de payer, or je suis endetté à cause de problèmes administratifs artificiellement créés par des fonctionnaires  pour qui mes choix de vie menaceraient la civilisation des blancs   , ou leurs privilèges . Donc désormais  j'archiverai sur arevareva.eklablog.com    toutes sortes de textes que j'ai aimé lire , pour les relire, et je les effacerai  sur simple demande de l'auteur. Pour des explications détaillées  de ces problèmes voire des actions solidaires , consulter d'abord  les Editions à l'écoute , hors commerce, telles qu'elles ont rayonné de novembre 2012 à janvier 013  http://oriata.blog4ever.com/blog/index-515069.html  Pour mon blog central   ART CATALYTIQUE, cliquer sur : http://tronoriatadominique.over-blog.com/ , et pour d'autres poèmes : http://tron.eklablog.com/ 

     

     

     

     

     

     


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    http://trianarts.com/jacques-darras-nombrar-namur-3-de-arqueologia-del-agua/

     

    Jacques Darras :  

    Jacques Darras :

     

     

    Baudelaire avait vu clair.
    Poète c’est désormais moine ou soldat.
    Lui choisit retraite au monastère de l’aphasie.
    Trop baroque.
    Trop jésuitement baroque à son goût sans doute encore pour lui-même.
    Pas assez janséniste.
    Trop Pascal défroqué.
    Trop divisé entre les pôles opposés de sa double postulation.
    Le 4 février 1866, à l’église Saint-Loup à Namur, tournant la tête
    vers l’étrange plafond sculpté en caissons vermiformes,
    Hémiplégie, le pulmonaire explose à la tête.
    Hémiplégie et aphasie.
    S’effondre Baudelaire et son poème.
    S’effondre avec lui la charpente.
    La clé de notre poésie.
    L’ogivale colonne lui retombe aux vertèbres.
    Tassement.
    Écrasement.
    L’accident de travail n’est remarqué, n’est déclaré par personne.
    « Aujourd’hui j’ai senti un singulier avertissement,
    J’ai senti passer sur moi le vent de l’aile de l’imbécillité »
    Ne quittons plus Namur.
    Nous y sommes.

    Versant poème français exposé au Nord.
    A la Germanie.
    Versant des catastrophes glaciaires hyperboréennes.
    Versant coup d’aile de cygne aléatoire mallarméen.
    Guettant avec l’immobilité de Gracq Julien dans sa forêt les armées
    romantiques pour lorsqu’elles dévaleront en vagues de sapins
    depuis la Thuringe.
    Guettant guetteur mélancolique souffle cou coupé.
    Guettant à Stavelot avec l’artilleur au nom d’eau minérale.
    Guettant le retour d’Arthur le grand quondam et futurus rex.
    Guettant son retour par les enluminures orientales de l’ancienne
    Meuse.
    Divertissant notre attente hémiplégique française.
    Avec des frôlements d’aile de l’imbécillité.
    Frôlements d’aile de grandes chauves-souris nocturnes qui ont nom la
    Parpue, la Darelette, L’Épigrue, la Cartive, la Meige, l’Émeu
    avec du pus dans les oreilles, la Courtipliane avec sa démarche
    d’eunuque etc.
    Frôlantes succions de grands fossiles de poulpes rhétoriqueurs congelés
    dans les houillères wallonnes comme d’un conservatoire
    d’animaux boschiens faisant la promotion de leur trou buccal ce
    trou cylindrique et bordélique foré au forcené dans mon babilaire
    foireux d’impénitent babbelaar.

    ___

    Bennasar : Figura en rojo

     

    Bennasar : Figura en rojo

    ___

    “Nombrar Namur”

    (Fragmento)

     

    Baudelaire lo había visto claro.
    Poeta quiere decir monje o soldado a partir de ahora.
    Él escogió el retiro en el monasterio de la afasia.
    Demasiado barroco.
     Demasiado jesuíticamente barroco para su gusto, incluso para el
    suyo.
    No lo bastante jansenista.
    Demasiado Pascal secularizado.
    Demasiada escisión entre los polos opuestos de su doble
    postulación.
    El 4 de febrero de 1866, en la iglesia de Saint-Loup de Namur,
    al alzar la cabeza hacia el extraño techo de artesonado
    gusaniforme.
    Hemiplegia, lo pulmomar explota en la cabeza.
    Hemiplegia y afasia.
    Se derrumban Baudelaire y su poema.
    Con él se derrumba la armazón.
    La llave de nuestra poesía.
    La ogival columna le cae sobre las vértebras.
    Apisonamiento.
    Aplastamiento.
    El accidente laboral no es advertido ni denunciado por nadie.
    «Hoy he sentido una señal singular,
    He sentido en mí el viento del ala de la imbecilidad».
    No abandonemos ya Namur.
    Aquí estamos.

    Vertiente de poema francés orientado al Norte.
    Hacia Germania.
    Vertiente de las catástrofes glaciares hiperbóreas.
    Vertiente batir de ala de cisne aleatorio mallarmeano.
    Acechando con la inmovilidad de Gracq Julien12 en su bosque a
    los ejércitos románticos cuando se desparramen en oleadas
    de pinos desde Turingia.
    Acechante acechador melancólico aliento cuellicortado.
    Acechando Stavelot con el artillero de nombre de agua mineral.
    Acechando el regreso de Arturo el grande quondam et futurus rex.
    Acechando su regreso a través de las ilustraciones orientales del
    viejo Mosa.
    Entreteniendo nuestra espera hemiplégica francesa.
    Con un frotar de alas de imbecilidad.
    Frotar de alas de grandes murciélagos nocturnos que tienen por
    nombre la Parpue, la Darelette, L’Épigrue, la Cartive, la
    Meige, l’Émeu con pus en las orejas, la Courtipliane con su
    caminar de eunuco, etc.
    Frotantes succiones de grandes fósiles de pulpos retoricistas
    congelados en las hulleras valonas como si se tratase de un
    conservatorio de animales boscosos promocionando su
    cavidad bucal ese agujero bucal cilíndrico y burdélico
    horadado enconadamente en mi chunga balbbuceadora de
    balbuciente imppeniteente.

    Jacques Darras

    Versión y edición de Miguel Veyrat

    ___

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    Nathalie Cougny : 

    Nathalie Cougny : Toucher mes seins

     

    Toucher mes seins,

    Serrer ma taille,

    Embrasser les matins,

    De nos vies qui déraillent.

     

    Vivre le plein de nos vides,

    Emplir nos bouches avides,

    Fermer les yeux sur l'existant,

    Nous livrer à ce contretemps.

     

    Je t'aime pour tout l'amour qu'on ne pourra pas se donner,

    Tout ce qu'on aimerait vivre et que le temps a emporté.

    Je t'aime pour tout ce qu'on devra délaisser,

    Les soupirs, les regrets, l'infini des années.

     

    Je t'aime dans ces instants à protéger,

    Enfermant nos corps de cette vérité,

    Le manque, terrible poison aux peurs abandonnées,

    Dans le lointain de la vie qui a trop espéré.

     


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  • Consulter la vidéo du poèmes sur http://bgueit.overblog.com/peuples-de-la-mer

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    Bernard Gueit : 

    Bernard Gueit : peuple de la Mer

     

     

    Nous descendons des Dieux.

     

    Peut-être ce souvenir de puissance

     

    Cet orgueil, cet inconnu aussi en nous

     

    qui nous pousse en avant

     

    Nous cherchons à comprendre ce petit bout d'étoile fêlé au coin du front

     

    Nous sommes les peuples de la mer

     

    habitués à nous battre avec l'écume

     

    la parole des vents

     

    à aimer les très grands poissons

     

    Nous portons le souvenir de l'eau au front

     

    un très vieil hippocampe,

     

    une pieuvre au regard vert

     

    Nous nous sommes apprivoisés tout seul

     

    Qui nous l'aurait appris ?

     

    dans la douceur des vagues

     

    ce très ancien remue-ménage au fond des eaux

     

    Nous en faisons une maison de voyage

     

    et nous voguons toujours vers l'Ouest

     

    comme pour fuir notre naissance

     

    ou faire le tour de nous-mêmes, de bout en bout,

     

    Voguons !

     

    Nous commençons seulement

     

    à parler

     

    par nous mêmes

     

    et pour nous-mêmes

     

    Nous nous faisons peur

     

    avec ces mots pas encore à nous

     

    ces bruits du coeur

     

    ces images remplies de sang

     

    Un jour

     

    nous passerons sous la lumière

     

    et nous vaincrons

     

    les taureaux d'ombre

     

    Un jour les étoiles

     

    se rapprocheront de nous

     

    à nous toucher

     

    dans leurs bras bleus scintillants

     

    Nous commençons seulement

     

    à compter les jours

     

    qui nous séparent du début

     

    et nous rapprochent de la fin

     

    Alphabet nous avons écrit

     

    sur les murs

     

    des chants sacrés des paroles funèbres

     

    Nous avons porté nos morts

     

    à bout de bras jusqu'à l'éternité

     

    l'éternité du désert

     

    où le temps ne passe plus

     

    qu'à dos de chameau parfois

     

    Où le vent charrie nos souvenirs si anciens

     

    qu'ils retombent en poussière

     

    Survivent les images

     

    dans nos livres de pierre

     

    de reines si belles et si mystérieuses

     

    retournées à leur paradis en secret

     

    On les croise parfois encore en rêve

     

    quand elles rêvent de leur terre de sable

     

    Alphabet tu montes au ciel

     

    et en redescends aussitôt les mains vides

     

    Alphabet le début du monde

     

    balbutié par un enfant

     

    abandonné sur le Nil

     

    Le fleuve cette fracture qui s'écoule

     

    Le fleuve et sa présence humaine du fond des âges

     

    Le fleuve et son âme dorée dans les remous

     

    Le fleuve et ses bonds dans les roseaux

     

    Le fleuve au ressac intérieur

     

    à la houle souterraine

     

    Le fleuve qui parle comme un homme en crue

     

    Le fleuve et son discours impétueux

     

    sa parole généreuse

     

    Le fleuve noyé dans ses pensées

     

    Le fleuve et ses débordements de larmes

     

    ses émotions incontrôlées

     

    ses éclats de voix ses écailles de lumière

     

    Le fleuve à la gaieté jaillissante parfois

     

    sa cour d'oiseaux

     

    ses poissons sages pêchés sous l'arc-en-ciel

     

    Le fleuve dans l'éternelle jeunesse du fleuve

     

    l'eau de l'instant vers l'océan éternel

     

    Les rivières meurent parfois dans la gorge

     

    jamais les fleuves

     

    aiguisés par le puissant aimant de la mer

     

    Les fleuves aux joues d'algues vertes

     

    creusées sous les yeux des berges

     

    Les fleuves et leur lit d'impatience sous la lune

     

    Désormais Dieu est parmi nous

     

    un morceau de notre coeur

     

    une étoile de mer échouée dans nos corps translucides

     

    et sa parole est de corail

     

    Désormais il faudra justifier toutes les guerres

     

    et la durée du travail

     

    Petite fourmi en exil

     

    tu comptes les grains de sable

     

    tu voudrais déplacer les montagnes

     

    ne compte que sur ta voix

     

    Derrière la cigale et son souffle

     

    petite fourmi qui s'essouffle

     

    ton drapeau est celui des sans voix

     

    Quels cris derrière la montagne ?

     

    Où sont les combats, les coqs, les armées ?

     

    Dans quel lit s'établissent les présages ?

     

    L'histoire est à vos pieds

     

    comme un loup docile

     

    Elle mord dans le futur de vos doigts

     

    et dévore vos projets

     

    Un loup immense couché dans son ombre

     

    qui prédit l'avenir

     

    en hurlant à la lune

     

    Le ciel est à ce point saturé d'images, celle du loup historique couché dans son ombre, celle des étoiles en fuite à la pointe du jour, celle des entrailles, celle des femmes tziganes, celle des guitares en feu près des roulottes, celle des pleurs crépitant dans la braise, celle des miroirs, celle des chevaux fumants noirs sous la pluie, celle des musiques qui tanguent doucement, celle des chants murmurés bas en rythme, psalmodiés dans le vent, accompagnés des vagues, O Marins, O Sirènes, O Nous tous égarés.

     

    Les éphémères se serrent l'un contre l'autre. Même le vent hésite à briser cette image. La poésie a des images réelles, des rochers posés devant la mer, depuis des siècles.

     

    Des siècles qui apprennent la patience et les langues étrangères de marins perdus dans les tempêtes. Les éphémères se serrent l'un contre l'autre, leur peau exulte une histoire tragique, Frères et soeurs punis des Dieux, sous le soleil de la vie.

     

    Les éphémères se serrent l'un contre l'autre, même le temps ne peut rien contre cette image, cette force intime, cette tendre résolution, cette clarté des évidences...

     

    Les éphémères se tiennent par la main pour des milliers d'années. Partis d'eux mêmes, du fond du coeur, ils s'arrachent aux temps immémoriaux, à la colline, aux rochers, à la mer, au souvenir de leur naissance, à leur superstition.

     

    Ils prennent connaissance et conscience d'eux-mêmes

     

    Ils se mettent à rêver debout

     

    à parler aux arbres

     

    à peindre pour leurs descendants

     

    De la peur ils ne retiennent que la course en avant

     

    De la tempête ils écrivent la voile

     

    De la condamnation, ils expriment le sursaut

     

    De la nuit, ils ne reconnaissent que l'amour...


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  • Vous allez demander: Où sont donc les lilas ?

    Et la métaphysique couverte de coquelicots ? 

    Et la pluie qui frappait si souvent 

    vos paroles les remplissant 

    de brèches et d'oiseaux?

     

    Je vais vous raconter ce qui m’arrive.

     

    Je vivais dans un quartier

    de Madrid, avec des cloches,

    avec des horloges, avec des arbres.

    De ce quartier on apercevait

    le visage sec de la Castille

    ainsi qu'un océan de cuîr.

     

    Ma maison était appelée

    la maison des fleurs, parce que des tous côtés

    éclataient les géraniums : c'était 

    une belle maison 

    avec, des chiens et des enfants.

     

    Raoul, te souviens-tu ?

    Te souviens-tu, Rafael ?

    Federico, te souviens-tu

    sous la terre,

    te souviens-tu de ma maison et des balcons où

    la lumière de juin noyait des fleurs sut ta bouche ?

    Frère, frère !

    Tout

    n'était que cris, sel de marchandises, 

    agglomérations de pain palpitant,

    marchés de mon quartier d'Arguelles avec sa statue 

    comme un encrier pâle parmi les merluches : 

    l'huile arrivait aux cuillères, 

    un profond battement

    de pieds et de mains emplissait les rues, 

    métros, litres, essence 

    profonde de la vie,

    poissons entassés,

    contexture de toits cernés d'un soleil froid dans lequel

    la flèche se fatigue,

    délirant ivoire des fines pommes de terre, 

    tomates recommencées jusqu'à la mer.

     

    Et un matin tout était en feu

    et un matin les bûchers 

    sortaient de terre 

    dévorant les êtres vivants, 

    et dès lors ce fut le feu, 

    ce fut la poudre, 

    et ce fut le sang.

    Des bandits avec des avions, avec des maures, 

    des bandits avec des bagues et des duchesses, 

    des bandits avec des moines noirs pour bénir 

    tombaient du ciel pour tuer des enfants, 

    et à travers les rues le sang des enfants

    coulait simplement, comme du sang d'enfants.

     

    Chacals que le chacal repousserait,

    pierres que le dur chardon mordrait en crachant, 

    vipères que les vipères détesteraient!

     

    Face à vous j'ai vu le sang 

    de l'Espagne se lever

    pour vous noyer dans une seule vague 

    d'orgueil et de couteaux!

     

    Généraux

    de trahison :

    regardez ma maison morte, 

    regardez l'Espagne brisée :

    mais de chaque maison morte surgit un métal ardent 

    au lieu de fleurs,

    mais de chaque brèche d'Espagne 

    surgit l'Espagne,

    mais de chaque enfant mort surgit un fusil avec des yeux, 

    mais de chaque crime naissent des balles 

    qui trouveront un jour l'endroit 

    de votre coeur.

     

    Vous allez demander pourquoi votre poésie 

    ne parle-t-elle pas du rêve, des feuilles, 

    des grands volcans de votre pays natal ?

    Venez voir le sang dans les rues, 

    venez voir

    le sang dans les rues, 

    venez voir le sang 

    dans les rues !

     

     extrait de Résidence sur la Terre, Editions Gallimard , 1969, traduction de Guy Suares, revue par Mélina Cariz

     

    __________________________

    : J'AI FAIM DE TES CHEVEUX

     

     

    J'ai faim de tes cheveux, de ta voix, de ta bouche, 

    sans manger je vais par les rues, et je me tais, 

    sans le soutien du pain, et dès l'aube hors de moi 

    je cherche dans le jour la bruit d'eau de tes pas. 

     

    Je suis affamé de ton rire de cascade, 

    et de tes mains couleur de grenier furieux, 

    oui, j'ai faim de la pâle pierre de tes ongles, 

    je veux manger ta peau comme une amande intacte, 

     

    et le rayon détruit au feu de ta beauté, 

    je veux manger le nez maître du fier visage, 

    Je veux manger l'ombre fugace de tes cils, 

     

    J'ai faim, je vais, je viens, flairant le crépuscule 

    et je te cherche, et je cherche ton coeur brûlant 

    comme un puma dans le désert de Quitratùe.

     

     

     *

     

    Ode à une Beauté Nue 

     

    Avec un coeur chaste

    Avec des yeux purs je célèbre ta beauté

    Tenant la bride du sang

    De sorte qu'il puisse jaillir et tracer ton contour

    Où tu es couchée dans mon Ode

    Comme dans une terre de forêts ou dans la vague déferlante

    Dans le terreau aromatique, ou dans la musique de la mer

     

    Beauté nue

    Également beaux tes pieds

    Cambrés par le tapement originel du vent ou du son

    Tes yeux, légers coquillages

    De la splendide mer américaine

    Tes seins de plénitude égale

    Faite de lumière vivante

    Tes paupières de blé qui battent

    Qui révèlent ou recèlent

    Les deux profonds pays de tes yeux 

     

    La ligne que tes épaules ont divisée en pales régions

    Se perd et se marie dans les compactes moitiés d'une pomme

    Continue pour trancher ta beauté en deux colonnes 

    D'or brun, de pur albâtre

    Pour se perdre en les deux grappes de tes pieds

    Où connaît un regain ton arbre double et symétrique,

    Et s'élève feu en fleur, lustre ouvert

    Un fruit qui se gonfle

    Au dessus du pacte de la mer et de la terre

     

    De quelle matière

    Agate, quartz, blé,

    Ton corps est-il fait?

    Enflant comme pain au four 

    Pour signaler argentées des collines

    Le clivage d'un seul pétale

    Suaves fruits d'un velours profond

    Jusqu'à demeurée seule

    Etonnée

    La délicate et ferme forme féminine

     

    Ce n'est pas seulement la lumière qui tombe sur le monde

    et se répand à l'intérieur de ton corps

    Et déjà s'étouffe 

    Sous tant de clarté

    Prenant congé de toi

    Comme si tu étais en feu à l'intérieur

     

    La lune vit dans le dessin de ta peau

     

    *

     

     

    Les vies 

     

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.

     

    Les vies (Las vidas, 1952)

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.Les vies (Las vidas, 1952)

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.Les vies (Las vidas, 1952)

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.

     

    *

     

    Fable de la sirène et des ivrognes

    (Fábula De La Sirena Y Los Borrachos, 1958)

     

     

     

    Tous ces messieurs étaient là-bas

    Lorsqu’elle entra complètement nue

    Ils avaient bu et commencèrent à lui cracher dessus

    Elle ne comprenait rien, elle sortait à peine du fleuve

    C’était une sirène qui s’était égarée

    Les insultes couraient sur sa chair lisse

    L’immondice couvrait ses seins d’or

    Elle ne savait pas pleurer c’est pourquoi elle ne pleurait pas

    Elle ne savait pas s’habiller c’est pourquoi elle ne s’habillait pas

    Ils la tatouèrent avec des cigarettes et des bouchons brûlés

    Et ils riaient jusqu’à tomber sur le sol de la taverne

    Elle ne parlait pas car elle ne savait pas parler

    Ses yeux étaient couleur d’amour lointain

    Ses bras bâtis de topazes jumeaux

    Ses lèvres se coupèrent dans la lumière du corail

    Et tout à coup elle sortit par cette porte

    À peine entra t-elle dans le fleuve qu’elle fut propre

    Elle resplendit comme une pierre blanche dans la pluie

    Et sans se retourner elle nagea à nouveau

    Elle nagea vers jamais plus vers la mort.

     

    *

     

    Belle

     

    Belle,

    pareil à l’eau qui sur la pierre fraîche

    de la source

    ouvre son grand éclair d’écume,

    est ton sourire,

    belle.

    Belle,

    aux fines mains, aux pieds déliés

    comme un petit cheval d’argent,

    fleur du monde, marchant,

    je te vois moi,

    belle.

    Belle,

    avec un nid de cuivre enchevêtré

    dans la tête, un nid

    d’une brune couleur de miel

    où mon coeur brûle et se repose,

    belle.

    Belle,

    aux yeux trop grands pour ton visage,

    aux yeux trop grands pour la planète.

    I1 y a des pays, des fleuves

    dans tes yeux,

    ma patrie se tient dans tes yeux,

    je vagabonde à travers eux,

    ils donnent sa clarté au monde

    partout où s’avancent mes pas,

    belle.

    Belle,

    tes seins sont pareils à deux pains

    - terre froment et lune d’or -,

    belle.

    Belle,

    ta taille

    mon bras l’a faite comme un fleuve

    mille années parcourant la douceur de ta chair,

    belle.

    Belle,

    rien n’a le charme de tes hanches,

    la terre en quelque lieu caché

    a peut-être, elle,

    la courbe de ton corps et son parfum,

    en quelque lieu peut-être,

    belle.

    Belle, ma belle,

    ta voix, ta peau, tes ongles,

    belle, ma belle,

    ton être, ta clarté, ton ombre,

    belle,

    tout cela est mien, belle,

    tout cela, mienne, m’appartient,

    lorsque tu marches ou te reposes,

    lorsque tu chantes ou que tu dors,

    lorsque tu souffres ou que tu rêves,

    toujours,

    lorsque tu es proche ou lointaine,

    toujours,

    ma belle, tu es mienne,

    toujours.

     

    ___

    LA MUERTA

    La morte

     

    Si brusquement tu cesses d’exister,

    Si brusquement tu ne vis plus,

    Moi je vivrai.

     

    Je n’ose pas,

    Je n’ose pas écrire:

    Si tu meurs.

     

    Moi je vivrai.

     

    Car là où on ne laisse pas parler un homme

    Ma voix s’élève.

     

    Là où le bâton s’abat sur les Noirs,

    Je ne peux pas, moi, être mort.

    Si l’on met en prison mes frères

    Il faudra qu’on m’y mette aussi.

     

    Quand la victoire,

    Non ma victoire,

    Mais la grande victoire

    Arrivera,

    Même muet je devrai parler:

    Je la verrai, serais-je aveugle, s’avancer.

     

    Mais non, pardonne-moi.

    Si toi tu ne vis plus,

    Si toi, ma chérie, mon amour,

    Si toi

    Tu meurs,

    Toutes les feuilles tomberont sur ma poitrine,

    Il pleuvra sur mon âme nuit et jour,

    La neige brûlera mon cœur,

    J’avancerai avec du froid, du feu, la mort, la neige,

    Mes pieds voudront marcher vers le lieu où tu dors,

    Pourtant

    Je resterai vivant,

    Puisque tu m’auras aimé en toutes choses

    Indomptable

    Et que tu sais bien, mon amour, que je ne suis pas seulement

    Un homme

    Mais tous les hommes.

     

     

     

     


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