• ·3 poèmes de Joubert JOSEPH

    TROIS POEMES 

    de 

    Joubert JOSEPH 

    *

    Joubert JOSEPH ,écrivain , poète-diseur,  auteur-compositeur et interprète  est né à Port- Margot le 29 avril 1997, l'une des plus belles communes du nord d'Haïti . Il est guitariste depuis l'âge de 13 ans, et commence à écrire des poèmes dès ses 15 ans. Il est l'auteur de plusieurs recueils de poèmes inédits.

     

    1

     

    24 mai 2016

     

    O mon inconnue

    La chaleur de ton corps

    Un élixir

    Pour les papillons errants

     

    Ton nom habite

    La Rue Louis Cupidon

     

    O mon inconnue

    Les voyelles du poème

    Ont un goût de sexe

     

    Chaque parcelle de silence

    Me dessine ton visage

     

    O mon inconnue

    Je te cherche partout

    Avec mes mains assoifées

    De la densité de tes fesses

     

    Et tes pas rythment

    Les battements de mon coeur

     

    O mon inconnue

    Tu es un séisme

    Seul mon sexe subit

    Les secousses de ton passage.

     

     

    *

    2

     

     

    QUEL EXORCISME POUR LA CHAIR ?

    12 janvier 2016

    -

    -

    Entre les lignes de mes mains

    Je navigue

    Pour retrouver

    La mémoire d'un pays

    Au souvenir trempé de larmes

    Des enfants qui pleurent

    Entre 2010 mots

     

    Ma plume déambule

    Vomissant de l'encre

    Telle la nuit pissant

    Aux seins des étoiles

    Entre 12 témoins

     

    J'ai déposé mes rêves d'enfance

    Pour exorciser la peur

    Des pères et mères sans repères

    Qui pleurent leurs misères

    Je porte ma phrase fissurée

    Par un tremblement de voyelles

    Et mon poème devient blessure

    Pour exacerber ma douleur.

     

    *

    3

    30 juin 2016

     

     

    O mon inconnue

    L'architecture de tes cuisses

    Ne cesse de me bercer l'esprit

     

    Je rode

    Dans le jeu subversif

    De tes yeux-diamants

    Montre-moi la route

    Qui mène à ton nombril

     

    O mon inconnue

    Montre-moi la route

    Qui mène à tes seins

     

    Ton sourire suffit

    Pour vivifier les fleurs brûlées

    Par la chaleur du mal

    Et ta bouche pour provoquer

    Des tremblements de coeur

     

    O mon inconnue

    Depuis la découverte de ta photo

    Je ne cesse de t'admirer

    Mes yeux vont sans doute mourir

    D'une overdose 

    De ton visage.

     

     

     

     

     


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  • Joubert JOSEPH : 

    Préface de D.O.Tron  aux 15 POEMES POUR UN MILLION D'  ETREINTES de Joubert JOSEPH

     

    Préface de D.O.Tron  aux 15 POEMES POUR UN MILLION D'  ETREINTES de Joubert JOSEPH :

     

    Haïti, île de rêve ou île de cauchemar ? Les deux sans doute, l'île a deux faces  comme toute notre planète et cette espèce humaine qui y prolifère. Haïti île  fertile en poètes, en peintres, en musiciens, comme pour conjurer les malédictions des séismes , des corruptions, des esclavagismes, de la déforestation. 

     Parmi ces inspirés , Joubert JOSEPH. On connaissait Joseph JOUBERT, qui ne publia rien de son vivant mais que son ami Chateaubriand fit lire après son décès . Mais voilà que s'est levée une nouvelle semence d'étoile dans la galaxie des poètes des Caraïbes , de Corse  et de Navarre où scintillent les proférations de Davertige, Metellus, Christian Présent, Raynaldo Pierre-Louis, Claude Sterlin-Rozema ,Patrick Quillier, Françoise Roy, Jay Cee ,  Dominique Ottavi, Bernard Gueit et bien d'autres en convergence catalytique d'affinité et de conscience. 

    Cette nouvelle étoile en gestation se prénomme Joubert  , son nom de famille est JOSEPH. Le yogi Taimni affirmait naguère que les âmes libérées des illusions matérielles de l'incarnation deviennent des semences d'étoiles. Je dirai que le poète, dès qu'il cesse  d'être polarisé par son narcissisme et l'approbation mondaine, se joint à cette procession où l'identité animale et  sociologique peut se transformer  en celle d'un  astre naissant .

    Afin de conjurer le mauvais sort de l'Histoire présente de l'humanité et de ses turpitudes, j'ai perpétué sur le net la HORDE  CATALYTIQUE POUR LA FIN DE L'ANTHROPOPHAGIE, le groupe artistique mythique qui m'avait fait chaman  à 20 ans sans jamais m'écouter en profondeur , et c'est sur les pages de cette Horde que je vis un jour atterrir les poèmes de Joubert JOSEPH . Il joignait alors ses révoltes à celle des autres membres du groupe . C'est qu'il ne manque pas dans la société humaine de motifs de se désoler , de se trouver seul, poubellisé , privé de fertilité matérielle .... 

    Puis le jeune poète guitariste se transforma en chantre hédoniste de l'amour et de la sensualité :''Ton ombre est une tente /Là ou tous les flâneurs /Veulent venir se cacher /Pour que le soleil de la misère ne les éclaire pas ''

    Désormais ses poèmes devinrent des chambres d'enregistrement de ses idylles, et ses rencontres intimes avec la Femme se révélèrent des voies d'accès au livre extatique de l'Univers :'' Tu étais si belle/avec la nuit/dans tes yeux/les étoiles éparpillées/sur ton visage''. C'est à la femme idolâtrée qu'il confie le soin de lui révéler le secret de sa transmutation cosmique : ''Fais moi parler la langue des étoiles'' . Et c'est par l'érotisme que le poète cherche à guérir de son mal-être :''J'ai soif d'un baiser humide/Pour cicatriser les blessures de la solitude''

    Les poèmes de Joubert JOSEPH deviennent alors des stèles mémorielles d'une sexualité enivrée et explicite, comme s'il voulait perpétuer  le présent des étreintes après leur épuisement, sans doute pour mieux les retrouver ... Il célèbre  la femme , ses caresses, ses gémissements, et jusqu'à ses poils ...

    Cette exaltation contagieuse  de la fusion amoureuse aurait-elle rendu aveugle le poète sur le désastre de la condition humaine? Non, il s'agirait plutôt , à l'échelle individuelle, d'une tentative d'exorcisme , tant nous ne pouvons compter que sur notre propre conscience et nos propres élans  pour rendre la planète un peu vivable . Il reste lucide sur les limites de l'identité charnelle  : ''Faut il revenir vers toi  /pour goûter encore/à la méchanceté inconsciente/de tes 20 ans ?'', ou encore : ''Mais faut il revenir/dans ton enfer/avec des blessures/aux entrailles ?''

    Le poète ne peut échapper à la problématique  existentielle de nos incarnations humaines, où  sur le plan matériel, jouissances et douleurs semblent corollaires. L'amour physique parait alors ne pouvoir fournir que des indices, des reflets de la règle du Jeu de l'Amour Cosmique  : '' Je suis en quête d'une métaphore/dans la densité/de ton sein gauche.''

    C'est ainsi que la poésie se transforme en une tentative de  magie bienveillante ,en un artisanat alchimique inspiré par un ange gardien ,sorte d'antidote aux sorcelleries criminelles qui flattent et vampirisent les égos : '' J'entends une voix lointaine disant/''ce pays est un devoir à rédiger''

      Et c'est par ce rayonnement spirituel où la dignité se conquiert par l'humilité d'un perpétuel apprentissage que le poète peut déchiffrer dans la présence de la femme une  ''signature des étoiles '' et la lui révéler, et qu'il peut affirmer : ''Je porte en moi/une pétition à signer/avec les doigts de l'invisible''.

     

    Dominique Oriata TRON

     

    docteur ès Etudes Théàtrales de l'Université de Paris

    La préface ci dessus a  été dactylographiée le 1er septembre 2015 sur l'île Aimeho (appelée aussi Moorea), dans l'Océan Pacifique. Par ailleurs le recueil de Joubert JOSEPH, qui en détient le copyright, n'est pas le choix des quelques poèmes déjà publiés dans Arevareva. Il s'agit d'un nouvel ouvrage , et nous mentionnerons comment il sera disponible dès que l'auteur le rendra public.

     


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  •   

    Quelques poèmes de Joubert Joseph, poète haïtien du 21ème siècle et membre du groupe artistique international ''Horde catalytique pour la fin de l'anthropophagie''.

     

    Joubert JOSEPH : MEMOIRE D'UNE GUERISON et autres poèmes

    ___

     

     © Joubert Joseph

     

    *

    MÉMOIRE D'UNE GUÉRISON

     

    Je me souviens de cette chambre

    Que nous avons remplie

    De nos sueurs

    Et de silences palpables

    Nous avons fait transpirer les mots

    Au creux d'un désir fauve

    Je me souviens de cette chambre

    Oú nous avons tant pleuré

    Au rythme de l'amour

    Je ne puis remplir les vides

    Que ton absence crée

    Dans mes veines

    Avec le doute

    Et le chagrin

    Je t'aime

    Comme un éclair perdu

    Aux tréfonds du ciel

    Tu m'as fait toucher

    Des choses interdites

    Et tu m'as montré

    Sur ton corps

    Le secret du paradis

    Comment vivre

    Avec les cicatrices

    D'une femme qu'on aime?

    Ne pars pas mon amour

    J'ai tant d'histoires

    À écrire

    Avec ma langue

    Sur le bout de tes seins.

     

    15 Juin 2015

    Joubert Joseph

     

    LE MAL DE LA TERRE

    ou LA SOUFFRANCE D'UNE ILE

     

     

    Ce jour là, le vent creusait l'horizon avec ses griffes dans la nudité de la nature

    La respiration de la mer flouait les vagues affolées sous le ciel noir

    c'était le soleil qui peignait ses reves dans l'innocence des étoiles

    la grève avait déjà bu nos larmes

    et le sable laissait sur nos visages les entrelacs ocrés du désespoir

    un arbre déambulait en silence avec le secret de l'éternité caché sous sa chevelure

    Ô mon ile bleue que sont devenues tes forets remplies d'oiseaux et de bougainvilliers

    la terre gémit sous l'enclume , mais l'homme est sourd et ses cris ne sont que poussière,

    elle craque sous le galop des chasses légendaires

    un jour viendra où les nuages denses danseront avec la lune entrelacés pour exorciser nos maux

    et nous nous servirons de nos mots pour fuir cet univers

    tels des chiens errants laissant derrière nous la terre offensée,

    outragée depuis la nuit des temps.

     

    Joubert Joseph et Denise Bernhardt le 18 Mai 2015

     

    *

    GREVE

     

    ....................................................................

    Un matin

    après avoir rompu

    avec mon sommeil

    je prends part

    à tremper mes pieds

    dans la tristesse du jour

    je vois les rues remplies de maux

    mots sauvages

    la rivière chante

    une chanson en putréfaction

    néanmoins le soleil marche

    sur les pneus enflammés

    sur les barricades

    aux figures de protestation

    les tessons de bouteilles dansent

    dans la densité des rues

    et j'entends une voix lointaine disant

    ce pays est un devoir à rediger

    midi moins cinq

    la nuit envahit le jour

     strip-tease de nuages

    au bord de la mer

    naissance de nouveaux astres

    dans la précocité de la nuit

    tete calée mon ame s'évade

    je me souviens des lampadaires

    qui n'ont aucun respect

    pour l'obscurité

    disparition de l'horizon

    la grève est lancée.

     

    Joubert Joseph

    *

     

    INTIME

     

    ..................

    Chaque matin

    Je me lave les yeux/

    Avec des vers

    Qui coulent

    Comme une chanson

    à double sexe

    Je ne lis plus

    En plein jour

    Pour coiffer mon âme

    Je lis dans des moments/

    Qui n’ont pas de nom/

    Pour coffrer le stress

    Dans mon cœur

    J’oublie mon ombre/

    Sous le jupon d’une nuit

    En plein midi/

    Métissage de rêves

    Dans les fentes de mes doigts

    Chaque soir

    Je serre la main

    De la lune

    Je baise les étoiles

    Sans maux

    Je coince les nuages

    Avec mes mots

    Au cœur de ma poésie errante. 

     

    Joubert Joseph

     

    *

    BONNE FETE À DENISE BERNHARDT

     

    O poète

    Je t'apporte

    une multitude d'îles-mots

    Au creux de mes mains

    Métaphores infinies

    Luisant sur ton visage

    Et dans la danse de tes prunelles

    Mon silence n'est qu'espace

    Espace pour noyer l'invisible

    Dans la lueur de tes maux

    À ta guise O poète

    Je t'apporte mille sourires verrouillés

    Pour exorciser ma peur

    Peur de te dire

    BONNE FETE.

     

     

     

    *

     

     

     


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  • André Remacle : JE RIS, précédé  par :  VOYAGES

    J'ai retrouvé deux poèmes d'André Remacle dont celui -ci m'avait donné une copie dans les années 60. En les publiant ici, je suis presque sûr de ne pas les égarer .Lire les romans et recueils de poèmes d'André Remacle, auteur notamment du ''Temps de vivre'' dont Bernard Paul fit un film où joua r Marina Vlady et Moustaki une chanson (consulter  la fiche Wikipédia d'André Remacle, ci dessus avec son épouse Rosette) .

    André Remacle : JE RIS, précédé  par :  VOYAGES

    André Remacle : JE RIS, précédé  par :  VOYAGES

    André Remacle : JE RIS, précédé  par :  VOYAGES

    André Remacle : JE RIS, précédé  par :  VOYAGES

     

     

     

     

     


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  • A partir de 1984 je vis à Tahiti, puis Moorea. A cette époque là les quotidiens de Tahiti sont très accueillants à la poésie, donc c'est là que je publie mes poèmes continuellement diffusés ainsi à des dizaines de milliers d'exemplaires chaque fois. J'en publie aussi  de plus longs aussi dans la revue Eden, que je diffuse à 200 exemplaires environ avec un des premiers ordinateurs Macintosh et une imprimante. Ensuite , lorsque j'arrête cette diffusion, j'en  publie dans la revue Poètes en Pareu, qu'anime alors mon ami Tutuuehitu, le romancier du "Trésor des îles Marquises",livre publié  aux Editions Latines. J'ai aussi à l'époque une synthétiseur. J'enregistre alors mes poèmes sur des cassettes  sous forme de recueils, je dis les poèmes sur la musique que j'ai improvisée sur un synthétiseur . Je produis aussi de nouvelles versions de mes anciens livres . C'est à partir du tirage imprimé de l'ensemble de ces recueils qu'a été fait le choix de l'anthologie des 108 poèmes clefs  aux  Editions de la Bartavelle .En janvier 2011 , j'ai pu retrouver les maquettes de ces recueils, les master tapes étiquettés EDIT 1,2, 3, etc... malheureusement la rouille s'est attaquée aux bandes magnétiques , elles ne sont pas très audibles, et dans le processus de numérisation s'ajoutent des sons parasites que je n'ai pu éliminer. Donc les fichiers audio dont je donne les liens ci dessous ne peuvent être considérés que comme des archives, qui gardent une trace des publications de ces années là . Avant de partir à Tahiti, j'avais créé avec mon frère le Mîme Freddy l'association Ateliers sans frontières. C'est le nom d'éditeur que j'inscris alors sur les jaquettes de ces cassettes , comme sur celle où j'ai enregistré le Manifeste du Pluriculturalisme en 1986. J'accompagne ces liens de photos biographiques  prises  approximativement à l'époque mentionnée de l'écriture ou de la publication de ces recueils.  

    Dominique Oriata TRON

    D.O.Tron : recueils des années 80 et 90 , archives numérisées

    *

    SOLEIL

    1985

    1

    http://www.wat.tv/audio/soleil-face-archive-1987-peinture-68af5_2hlcv_.html

    2

    http://wlww.wat.tv/audio/soleil-face-archive-1987-peinture-68b1b_2hlcv_.html

     

    *

    POEMES POUR UNE DEMOCRATIE PLANETAIRE

    1987

    face A

    http://www.wat.tv/audio/pour-democratie-planetaire-face-68b71_2hlcv_.html

    face B

    http://www.wat.tv/audio/poemes-pour-democratie-planetaire-68bjl_2hlcv_.html

    *

    J'AI VU !

    1988 

    face A

     http://www.wat.tv/audio/ai-vu-face-archive-1988-68he3_2hlcv_.html

      

    face B

    http://www.wat.tv/audio/ai-vu-face-archive-1988-68hfh_2hlcv_.html

     

    *

    AIMANT

    1989 

    section1 

    http://www.wat.tv/audio/aimant-version-1989-section-61vqf_2hlcv_.html

    section 2

    http://www.wat.tv/audio/aimant-section-66ien_2hlcv_.html

     

    *

    L'AMI NOUVEAU

    1990

    face A1

     

     

     

    http://www.wat.tv/audio/ami-nouveau-face-a1-archive-1990-68o4t_2hlcv_.html

     

    face A2

     

    http://www.wat.tv/audio/ami-nouveau-face-a2-archives-68osz_2hlcv_.html

     

     

    face B, version 1

      http://www.wat.tv/audio/ami-nouveau-face-archives-1990-68oa1_2hlcv_.html

     

    fece B, version 2 , celle au format de la cassette publiée

     

    http://www.wat.tv/audio/ami-nouveau-face-autre-version-68p4b_2hlcv_.html 

    *

     

    NAITRE A LA DANSE COSMIQUE

     2 ème version ,1991

    face A

    http://www.wat.tv/audio/naitre-danse-cosmique-face-68p0j_2hlcv_.html

    face B 

    http://www.wat.tv/audio/naitre-danse-cosmique-face-68ssr_2hlcv_.html

    *

     

     

    DANS L'OEIL DU CYCLONE

     1991

    face A

     

    http://www.wat.tv/audio/dans-oeil-cyclone-face-version-68wzd_2hlcv_.html

     

    face B 

    http://www.wat.tv/audio/dans-oeil-cyclone-face-archive-68x1z_2hlcv_.html

    *

    LES FLEURS DU BIEN

     1992

    face A

    http://www.wat.tv/audio/fleurs-bien-face-archives-1992-68x45_2hlcv_.html

     

    face B 

    http://www.wat.tv/audio/fleurs-bien-face-archives-1992-68x5v_2hlcv_.html

    *

     

     _______________

    PHOTOS DE CETTE EPOQUE :

     

    Le mariage avec Christine , le 16 août 1984 , à la mairie de Punaauia, commune où vécut Gauguin. A cette époque là, Nim venait de naïtre en Afrique , à Elog Batindi le 11 Mai 1984  . Les témoins du mariage sont André et Sabrina Teae , le maire est je crois , Ronald Temauri :

     

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

     

    Près du cimetière, la maison où nous habitions à la Pointe des Pêcheurs, qui devint par la suite terriblement urbanisée ...

     

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

     

     

    *

    entrée de la grotte des Lavatubes à Tahiti , à travers une cascade :

     

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

     

     

    Je travaillais à l'époque dans  les salles et les jardins du Lycée La mennais, sur la colline derrière la cathédrale :

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

     

     *

    A Bora Bora, invités sur le "motu Tane" par Colette et  Paul Emile Victor, nous avions trouvé sur un ilôt désert voisin, une chatte avec deux chatons que nous avons emportés et adoptés, l'une d'elle a survécu jusqu'au siècle 21.

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

    *

     

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

     

    *

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

    *

     

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

     

    *

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

    *

    déménagement en 1989 à Moorea, à Tiki Tapu :

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

    *

    l'atelier face au lagon à Tiki tapu :

     

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

    *

    danse sous le badamier au bord du lagon :

    D.O.Tron : recueils des années 80 , archives numérisées

     *


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  •  

    Siècle 21 : Dominique Gabriel Nourry  :Dominique Gabriel NOURRY : Les Colombes et autres poèmeset Dominique Oriata Tron Dominique Gabriel NOURRY : Les Colombes et autres poèmes dont certains chantés par D.O.Tron

     

    On trouvera ces poèmes et bien d'autres sur le blog de Dominique Gabriel NOURRY http://www.dici-dance.com/blog/index-428799.html .

     

    *

    LE GARDIEN DE LA PORTE SECRETE

    http://www.wat.tv/audio/gardien-porte-secrete-par-6d9hj_2hlcv_.html

    __

    Encens d'amour

    Dominique Oriata TRON chante  ici , le 7 avril 2013 , deux poèmes de Dominique Gabriel Nourry, qu'il a  trouvé cohérent de mettre à la suite, ATTENTE D'UNE FEMME et TISSU D'AMOUR, que l'on retrouvera ci dessous . cela créait une progression dans le chant , et il a pris le  titre  "Encens d'Amour"  dans un des poèmes , après avoir hésité avec "Perspective de Femme".Il a enregistré son chant, sa guitare, sa flûte de pan et ses petites percussions avec un micro Skype et le logiciel  gratuit Audacity. Dominique Oriata TRON  est l' auteur également du dessin ci dessous, son  opus 220, qui a besoin qu'on clique dessus pour perdre son flou. Quant à la photo ancienne elle n'avait malheureusement  pas d'autres indications que celles qui sont inscrites sur son tirage, lorsqu'elle a été trouvée sur le net. La photo de Tron avec l'Ibis a prise le 1/4/2013 avec la webcam de l'ordi sur lequel les chants ont été enregistrés, en Afrique Equatoriale. 

     

    ou

    http://www.wat.tv/audio/domnourryencens-amour-66iiv_2hlcv_.html

    Dominique Gabriel NOURRY : Les Colombes et autres poèmes

     

     

    Dominique Gabriel NOURRY : Les Colombes et autres poèmes , certains chantés par D.O.Tron

     

    *

    Les colombes 

     

      Le chant et la mise en musique du poème "Les Colombes" et le dessin ci dessous, opus 458 sont de Dominique Oriata TRON , ainsi que le jeu acoustique  à la guitare, à la flûte de pan et aux percussions

    Pour le chant du poème , cliquer sur :  http://www.wat.tv/audio/dominique-gabriel-nourry-colombes-63cwb_2hlcv_.html

     

     

    Dominique Gabriel NOURRY : Les Colombes et autres poèmes

     

     

     

    Ton visage qu' apprivoise la nuit

    lentement se défait

    sous les néons de l' absence

    tu sais

    que certains mots

    sont aujourd' hui

    imprononçables

     

    habite-les

     

    puisqu' ils tissent

    déjà

    ce corps cadavre

    qui t' oubliera

     

    mais voici

    à l ' aube

    je tiens des arbres

    et des fleuves

    et des pics qui

    d' un trait d' ombre

    tranchent la plaine

     

    telle est ma force

    et mon devenir

     

    car

    le sais-tu

    même dans les cimetières

    les colombes

     

    roucoulent

     

     

     

    *

    La  femme

     

     

     

     

    Attendre une Femme 

    c' est attendre

    sue le monde naisse

    dans

    l' antichambre

    de la Création 

     

    c'est tenir

    au centre

    du

    corps

     

    ce big-bang

     

    dont

    s' éclatent

    les

     

    cosmos .....

     

    c'est longuement

    prier

     

    devant la fleur

    pour qu' elle

    s'

    épanouisse 

     

    et

    se

    con

    cen

    trer

     

    dans le plus

    intime

    du

     

    Désir 

     

    car l' Univers 

    en

    sa

    parfaite

     

    Harmonie 

     

    ne

    saurait

    être

     

    Idole 

     

    lorsque

    je

    brûle

     

    en ton rai de Lumière 

     

    l' incandescence

    de

    mon

     

    encens

    d'

     

    Amour !!!

     

     

     

     

     

     

    *

     

    TISSU D'AMOUR

     

     

     

    Au bout de ta langue

     

    une étoile hésite

     

    et se déshabille

     

    je tombe dans l' abyme

     

    de ta perspective

     

    avec des mots qui n' ont

     

    qu' un lointain rapport

     

    avec la Poésie

     

    mais constituent cette Poésie

     

    du corps

     

    sang sperme larmes

     

    qu' infiniment je quête au bout des lignes

     

    de ma Vie

     

    et de la Tienne

     

     

     

    tissu d' Amour où en suis-je

     

    où es-tu

     

    mous savions-nous presqu' îles

     

    nous que fouettaient les vents d' hiver

     

     

     

    qui est

     

    l' en

     

    droit

     

    qui est

     

    l' en

     

    vers

     

    de cette jonchée de plaisis

     

    dans le cataclysme des draps

     

    de soie

     

    qui est l' envers

     

    qui est l' endroit

     

    tu n'es plus que le revers

     

    de mes doigts

     

     

     

    et je te cherche

     

    te cherche encore

     

    lorsque déjà je t' ai trouvée

     

    ce n' est jamais assez

     

    jamais assez Toi

     

    jamais assez mo

     

    pour que l' on se confonde vraiment

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    souviens-toi de la caverne

     

    où je t' ai aperçue

     

    dans les coulisses du

     

    29/12/2012

     

     

     

     

     

     

    *

     

     

     

    POEME DU SOLSTICE

     

     

     

     

     

    O sapin !

     

     

     

    s'exclame

     

    le

     

    lapin

     

     

     

    qui

     

    dit

     

    et

     

     

     

     bondit

     

     

     

    que

     

    j'

     

     

     

    aimerais

     

     

     

    comme

     

    toi

     

     

     

    siéger

     

     

     

    dans

     

    la

     

     

     

    permanence

     

     

     

    au

     

    milieu

     

    des

     

    arbres

     

    et

     

    des

     

     

     

    hommes

     

     

     

    et

     

    des

     

     

     

    astres

     

     

     

    déchus

     

     

     

     

     

    moi

     

    le

     

    vent

     

    du

     

     

     

    Temps

     

     

     

     

     

    me

     

    bouscule

     

     

     

    me

     

    bascule

     

     

     

    et

     

    m'

     

     

     

    emporte !!!

     

     

     

     

     

    je

     

    suis

     

    la

     

     

     

    proie

     

     

     

    sautillante

     

     

     

    de

     

    toutes

     

    les

     

     

     

    illusions :

     

     

     

    je

     

    désire

     

    la

     

    première

     

    lapine

     

    qui

     

     

     

    passe

     

     

     

    et

     

    je

     

    gobe

     

    les

     

    discours

     

    des

     

     

     

     

     

    orateurs

     

     

     

     

     

    et

     

    je

     

    crois

     

    à

     

    la

     

    vertu

     

    au

     

    progrès

     

     

     

    aux nouvelles relogions

     

    athées

     

    aussi

     

     

     

    meurtrières

     

     

     

    que

     

    les

     

     

     

    anciennes

     

     

     

    qui

     

    d'

     

     

     

    ailleurs

     

     

     

    reprennent

     

    du

     

    poil

     

     

     

    de

     

    la

     

     

     

    bête

     

     

     

    et

     

    de

     

     

     

    fourrure

     

     

     

    pol

     

    aire

     

     

     

    recouvrent

     

     

     

    même

     

    les

     

     

     

    ordinateurs

     

     

     

    moi-même

     

     

     

    je

     

    ne

     

    suis

     

    qu'

     

     

     

    une

     

    ombre

     

     

     

    un

     

    être

     

     

     

    fabriqué en série

     

     

     

    membre remarquable d'une de ces innombrables élites qui pululent dans les terriers

     

     

     

     

     

    si

     

    seulement

     

    l'on

     

    ne

     

    m'

     

    avait

     

     

     

    reproduit

     

     

     

    que

     

     

     

    charnellement !!!

     

     

     

     

     

    hélas

     

    tout

     

    en

     

     

     

    moi

     

     

     

    idées sentiments raisonnements

     

     

     

    n'est

     

    que

     

     

     

    reproduction !!!

     

     

     

     

     

    ô

     

    cher sapin

     

     

     

    enseigne-moi

     

    la

     

     

     

    sagesse

     

     

     

    des

     

    hautes

     

     

     

    montagnes

     

     

     

    raconte-moi

     

    encore

     

     

     

    l'homme

     

    qui

     

    marche

     

    dans

     

    la

     

     

     

    neige

     

     

     

    et

     

    qui

     

    désire

     

    se

     

     

     

    coucher

     

     

     

    mourir

     

     

     

    mais

     

    avance

     

    tout

     

    de

     

     

     

    même

     

     

     

     

     

    parce que

     

    ceux

     

    celles

     

    qui

     

     

     

    l'

     

     

     

    aiment

     

     

     

    pensent

     

    qu'

     

    ils

     

     

     

    avancent

     

     

     

     

     

    dis-mi

     

    sapin

     

     

     

    que

     

    moi

     

     

     

    misérable boule de fourrure

     

    que

     

    convoitent

     

    les

     

     

     

    chiffonniers

     

     

     

    " po d'lapins pos "

     

     

     

    je

     

    compte

     

    autant

     

    que

     

    le

     

    grand

     

     

     

    soleil

     

     

     

    puisque

     

    j'ai

     

     

     

    le

     

    savoir

     

    au

     

    fond

     

    de

     

    moi

     

     

     

    le

     

    savoir

     

    et

     

    la

     

    vie

     

    qui

     

    me

     

    fait

     

     

     

    palpiter

     

     

     

    la vie

     

    et

     

    mon Coeur

     

     

     

    qui

     

    bat

     

     

     

    qui

     

    bat

     

     

     

    qui

     

    bat

     

     

     

    si

     

    fort

     

     

     

    pour

     

    ceux

     

     

     

    pour

     

    celles

     

     

     

    que

     

    j'

     

    aime

     

     

     

    et

     

    pour

     

    l' humanité

     

    toute

     

     

     

    entière

     

     

     

    que

     

     

     

    même

     

    éphémère

     

     

     

    j'ai

     

    toute

     

    ma

     

     

     

    place

     

     

     

    sous

     

    la

     

     

     

    Lumière

     

     

     

    qui

     

    bientôt

     

     

     

     

     

    reviendra !!!

     

    *

     

    YOUKI

     

     

     

     

     

     

     

    Youki s'endort

     

    dans la ville figée

     

    Youki s'endort

     

    une fleur de pierre à la main

     

    Youki s'endort

     

    loin des cris des combats des supplices

     

     

     

     

     

     

     

    je ne sais rien d'elle

     

    je ne sais rien de son destin de son visage de ses souvenirs

     

     

     

     

     

     

     

    je sais que dans son sommeil

     

    elle fut écrite

     

    par un homme usé combattant

     

    je sais qu'elle fut écrite

     

    par un poète aux yeux de somnambule

     

     

     

     

     

     

     

    il est possible de plier les bords du rêve

     

    d'y glisser des baisers

     

    certains mots voyez-vous ont des lèvres

     

    certains mots ne se laissent pas

     

    abuser

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Youki marche

     

    dans les rues piégées

     

    Youki marche

     

    en évitant les ombres

     

    Youki marche

     

    et sa main cherche la main qui ne tient plus sa main

     

     

     

     

     

     

     

    je ne sais rien d'elle

     

    mais il arrive que certains matins je la croise

     

     

     

     

     

     

     

    elle a pris le voile des veuves

     

    elle a pris l'allure de toutes les passantes

     

    elle a pris le temps de me regarder moi qui ne la connais pas

     

     

     

     

     

     

     

    il est possible de plier les bords du rêve

     

    d'y glisser des baisers

     

    certains mots voyez-vous ont des lèvres

     

    certains mots ne se laissent pas

     

    périmer

     

     

     

     

     

     

     

    Youki est vivante

     

    et lui est mort

     

    un poème cousu dans son manteau de déporté

     

     

     

     

     

     

     

    Youki s'endort

     

    et je veille - je veille

     

     

     

    Je pense à toi Desnos

     

     

    *

     

    LE VAGABOND

     

     

    Dominique Gabriel Nourry:

     

    Là où le chemin

    s'

    étoile

     

    le vagabond

    s'

    arrêta

     

    pour relacer

    sa

     

    chaussure

     

    et

    consulter

    une

    montre

     

    depuis longtemps

     

    perdue .....

    ----------------

    Suite du poème, par Dominique Oriata TRON

    et en observant son poignet

    ainsi que 

    l'orientation de ses poils 

    ondulant à peine 

    sous 

    la brise

    le vagabond décida :

    c'est l'heure de l'Eternité

     

    les marginaux ce sont

    ceux qui n'ont ni le temps 

    ni pitié

    ils n'ont même pas de boussoles

    Ils marchent à côté de leurs pieds

     

    alors sur un banc il s'assit

    et pendant sa sieste se fit dévaliser

    de plusieurs liasses de billets

    qu'il avait depuis longtemps oubliées 

    dans le fond de son 

    cartable d'écolier

     

    il ne s'en aperçut même pas

    lorsqu'un moineau vint le réveiller

    en se posant sur son front

     

    et l'oiseau 

    qui avait tout vu

    se mit à babiller :

    "eh bien voilà

    maintenant te voici comme moi même 

    et comme tu t'étais rêvé

     

    Il ne te reste plus 

    qu'à t'envoler ! "

     

    alors le vagabond se 

    sou

    vint 

    et compris

    il se 

    leva en chantant

    et n'avait 

    plus honte

    de mendier

    du 

    jus de raisin

    ou du cidre

    pour sa pomme

    d'Adam

     

    *

     

     

     

     

    *

     

    LE 23 MARS JE RESTERAI CONNECTE VINGT-QUATRE HEURES

     

     

     

     

     

     

     

    Amis

     

     

     

    de Paris Librairies

     

    vous ne manquez pas

    de fonds

     

    puisque

    vous

     

    submergez

     

    nos places

     

    de vos

    niaises

     

    affiches !!!

     

     

    " le 23 mars

    déconnectez

    VOUS "

     

    en 68

    Ami décerveleur

     

    c' était foutu :

     

    le Pouvoir

    était

    dans

     

    LA RUE !!!

     

     

    en 2013

    il est temps

    que tu te

    déniaises

     

    même

    si

    tu es devenu

    encore

    plus

     

    bête

     

     

    LE POUVOIR EST SUR LE NET

    LA PLANETE EST SUR LE NET

     

    nous sommes

    ici

    par la vilonté

    des

     

    Internautes

     

    et

    nous n' en

    sortirons

    plus

     

    malgré

    vos mines hautes

    et

    parfois

     

    vos bruits de bottes !!!

     

     

    ne nous faites pas la leçon

    une fois

    de plus

     

    avec vos impératifs !!!

     

    - seul mode de la

    conjugaison

     

    que vous connaissiez !!!

     

    combien

    de piles

    de

     

    Hessels

     

    se sont entassés

    sur

    vos présentoirs

     

    histoire

    certainement

     

    de ne pas nous laisser

    l' embarras

    du

     

    choix !!!

     

     

    trop aimables !!!

     

     

    et

    la plupart

    des

     

    Editeurs

     

    aujourd' hui

     

    doivent

    savoir

    qu'

    ils

     

    ne sont pas

     

    dans

    l'

    esprit

     

    de MA COLLECTION !!!

     

     

    ils peuvent

    se

    garder

     

    leurs censeurs

    leurs ascenseurs

     

    et

    les

    renvois

     

    indigestes

     

    qui

    vont

     

    avec !!!

     

    croyez-vous

    que

    vous allez

    continer

     

    vos processus

    de

    marchandisation

     

    " Rentrée Littéraire ? "

    - désolé je n' étais pas sorti !

     

    prix qu'on gourre

    à

    ne

    jamais

     

    lire

     

    vous avez fait

    et

    défait

     

    des modes

    qui

    ont

    saccagé

     

    la Littérature

     

    Structuralisme Sémiotique Oulipo etc....

     

    vous avez flatté

    le goût

    bobopuliste

     

    pour la basse Politique !!!

     

     

    chaque année

    voit

    son nouvel Auteur

     

    Copain de Coquin

     

    qui

    est

    forcément

     

    A LIRE !!!

     

    EPOUSTOUFLANT !!!

     

     

    petit monde

    des

     

    Petits Maîtres

     

    le 23 mars

    et

     

    tous les autres jours

     

    NE NOUS ALIENEZ PLUS !!!

     

     

    je remercie

    les

    Libraires

     

    qui

    organisent

    des

     

    Lectures

     

    dans

    leurs

     

    locaux !!!

     

    mais pourquoi

    si

     

    souvent

     

    des lectures

    de

    ceux

    ou

    celles

     

    qui ont su baisser

    leur pantalon

     

    au moment venu ???

     

    j' ai même

    entendu

     

    dans une librairie gauchiste

     

    un Snob

    se revendiquant

    Anarchiste

     

    se flatter

    de

    se

    laisser

     

    CORRIGER

     

    par son Editrice

    qui

    n'

    était

    pas

     

    -au niveau sensible ou intellectuel !-

     

    UNE BOMBE !!!

     

     

     

     

    en conséquence

    le 23 mars

     

    je vous conseille

     

     

    chers petits chefs

     

    d'

    abandonner

    l'

     

    impératif

     

     

    et

    de

    vous

    plonger

     

    dans le CONDITIONNEL

     

    mode infiniment

    plus

    complexe

     

    et

    donc

     

    mieux adapté

    au

     

    Réel !!!

     

     

    MOI JE RESTERAI CONNECTE TOUTE LA JOURNEE !!!

     

     

    pour citer ces Classiques et surtout CES ROMANTIQUES

     

    que vous méprisez tant

    puisqu' ils

    viennent

    du Peuple

     

    écrivent pour le PEEUPLE

     

    expriment

    plus

     

    facilement

     

    des sentiments

    que

     

    des sophismes orientés

    et

    navrants !!!

     

     

    je couvrirai

    ma

    page

     

    mes écrans

     

    des cris des élans des Amours

    des

     

    Poètes du Monde Entier

     

    de ceux que

    l'on

    écoute

     

    quand on a

    le ventre

     

    creux

     

    même

    si

    on sait

    à peine

     

    lire !!!

     

     

    car la poésie

    je ne l' aime pas

    seulement

     

    au printemps

     

    un peu beaucoup passionnément

     

    la Poésie

    moi comme tant d' autres

    dans l' espace

    et le temps

     

    ME FAIT VIVRE

     

    de la naissance à la mort !!!

     

    - et plus si Infinités !!!

     

     

     

    mais

    comme

    je sais lire

     

    chers Clercs si attaché aux comptes clairs

     

    -mais pas aux contes clairs !!!

     

    je relis vos bienveillants conseils

     

    moi

    l' homme du peuple

    ignare

     

    qui

    n' ai

    servi

    que

    de

     

    bouche-trou

     

    dans les banlieues

    qui

    vous

    font

     

    peur

     

    mais

    qui parfois

    lisent

     

    plus et mieux que vous !

     

     

    je lis voyez-vous

    certains

    de vos livres

     

    moi

     

    quand un ami précieux

    retient

    mon

     

    attention !!!

     

     

    et vous ?

     

    combien lisez-vous de blogs

    par

    semaine

     

    ô Moralistes Défenseurs de la Culture

    si

     

    désintéressés ???

     

     

    puis-je

    vous

    rappeler

     

    qu' à la fin du XXe siècle

    l' image

     

    tentait

     

    de prendre TOUTE LA PLACE ???

     

    que

    le

    net

     

    même pour le plus naïf

    chat

     

    éloigne

    des

    ineptes

    jeux

    télés

     

    ou

    videos ???

     

     

    vous supposez

    que

    se déconnecter

     

    suffit pour rêver !!!

     

    là voilà bien votre belle

    intelligence

     

    vous ne devez pas rêver

    souvent

     

    vous-même !!!

     

    l' incroyable

    manque

    d'

    imagination

     

    de votre appel

     

    aussi vide

    que les indignations

    de

    supermarchés

     

     

    montre

    que

    vous avez

     

    les pieds bien sur terre

     

    surtout

    lorsqu' il

    s'

    agit

    de

     

    commerce !!!

     

     

     

    ensuite

    vous me proposez

    de

    rencontrer

     

    mon voisin de palier !!!

     

     

    mon voisin

    de

    palier

     

    n' a pas le temps

     

    et puis

    il

    a

    voté

     

    d' inesthétiques et ruineux

    ravalements

    de

    nos

     

    façades

     

     

    qui

    ont

    décidément

     

    construit

    entre lui

    et

     

    moi

     

    un mur

    beaucoup plus

    infranchissable

     

    que

    cet

     

    écran !!!

     

     

    juste en face

    de

    mon portail

     

    s' est établi

     

    sans nul souci

    de

    l'

     

    Ame du quartier

     

    un Club de Sport

     

    dont

    les sauteurs

    me

    considèrent

    avec

     

    hauteur !!!

     

    ah ! Dieu ! que ce Socialisme est JOLI !!!

     

     

    mes véritables voisin-e-s

    sont

    mes Ami-e-s

    facebook

     

    ou celles et ceux

    qui

    lisent

    mon

     

    blog

     

     

    ils se trouvent

    partout

    sur la planète

     

    je me sens plus proche d' eux

    que

    de la plupart

    de

    mes

     

    " voisins de palier "

     

    même

    en cas

    de coup dur

     

    -comme en ce moment-

     

    je

    les

    sens

     

     

    je sens qu' ils ont un Coeur

    comme

     

    moi !!!

     

     

    ils elles

    m' adressent

    des

    messages

     

    personnels

     

    et certain-e-s

     

    même

    se

    déplacent

     

    pour venir

    me

    rencontrer

     

    dans

    l'

    un

    de mes réels

     

    - n'est-ce pas , Poète Parhal

    dont

    m'

    éblouit

    le

     

    talent ? -

     

     

    lorsque

    ça va

    mal

     

    mes voisins

    de

     

    palier

     

    doivent

    être

     

    comme beaucoup

    de

     

    Parisiens

     

    dans

    l'expo-qu'il faut voir -

    devant

    lefilqu'il ne faut pas manquer

    ou

    bien

     

    dans votre Librairie

     

    - pas pour

    acheter

     

    Victor Hugo ou Racine

     

    mais le dernier roman

    chic

    et

    cynique

     

    ou

    les secrets

    de

    quelque

    malversation

    politique

    opportune !

     

     

     

    ensuite

    chère affiche

     

    vous m' incitez à flâner

     

    voyez-vous

    bien que les passants

    pressés

    me

    bousculent

     

    pendant que je vous lis

     

    flâner j' adore !!!

     

     

    mais

    toutes ces années

    je devais conjuguer

     

    travail alimentaire

    plus

    quatre heures par jour

    de

     

    transport

     

    plus mon désir d' écriture

    sans prétention

     

    mais

    perpétuellement

    revendicatif

     

    plus

    mon devoir et plaisir

    de

    transmettre

    des

     

    poèmes

     

    surtout des autres

    surtout du passé

     

    partout

    dans

    les bars

    cabarets

    théâtres

     

    plus

    le temps

    si

    essentiel

    des

     

    Amours

     

    je n' avais guère le temps de flâner !!!

     

     

    dommage

    je suis d' une insatiable

    curiosité

     

    mais

    voyez-vous

     

    pour l' instant

     

    mis

    en

    état

    de

     

    KO

     

    mais non de chaos !

    psychologique

     

     

    je

    me

    promène

     

    dans les rues de mon quartier

    et

    des

     

    autres quartiers

     

    et des autres pays !

     

     

    mais

    aussi

     

    sur le net !!!

     

    que de merveilles

    j' y

    découvre

     

    d' un clic

     

    je satisfais

     

    l'

    amorce

     

    du sujet qui m'intéresse

     

    - merci google !!! -

     

    et

    ça

    m' incite

     

    a courir

    dans

    la

    librairie voisine

     

    pour

    commander

    un

    ouvrage

    plus

     

    complet

     

    - s' il n' est pas

    comme c'est souvent le cas

    obsolète

     

    zappé !!!

     

     

    dernier achat

    de

    ce

     

    type :

     

    Arthur Cravan , précipité

     

    de

    Bertand LACARELLE

     

    - qui n'est pas un voisin de palier !

     

     

    ensuite

    il m'est conseillé

    de partager

     

    un moment avec ceux que j' aime !!!

     

     

    en tant qu' habitant du Monde

    ceux que j' aime

    sont

    souvent

     

    inaccessibles

    sans

     

    écran !!!

     

    celle

    que

    j'

    aime

     

    aussi !!!

     

     

    mais

    cher Paris Librairie

     

    j' accepte

    les

     

    dons !!!

     

    un billet d' avion

    serait

    le

     

    bienvenu !!!

     

     

    et

    vous

    avez

    des

     

    revenus

     

    vous

    qui

    éditez

     

    de

    si

    coûteuses

     

    si peu

    goûteuses

     

    affiches !!!

     

     

    et pour finir l' APOSTROPHE

     

    de manière

    magistale

     

    mais

    indigne

    de

     

    Georges MOUSTAKI

     

    vous m' enjoignez

    de

    prendre

     

    LE TEMPS DE VIVRE !!!

     

     

    de vivre quoi ?

    vos proses sarcastiques ?

    le regard méprisant des Ecrivains du Sérail

     

    les émois et moi et moi

    d' une Critique avide ?

     

     

    je vous en prie

    cette vie-là

    gardez-la pour

    vous !!!

     

     

    copier des poèmes sur facebook

    ne

    m' empêche

    pas

     

    de me promener sur des plages

    ni

     

    de faire l' Amour

     

    le temps des Elans Romantiques

     

    n' est pas celui

    que

     

    proposent

     

    vos pamphlets

    essouflés

     

    ou

    vos

    romans

     

    aux phrases

    si

     

    concises

     

    qu'

    on

    n'

    en

    mémorise

     

    que les points !

     

     

    ..... surtout

    s'ils

    sont

    de

     

    suspension !!!

     

     

     

    grâce au net

    j' ai vécu

     

    les plus beaux évènements

    de

    ces

    dernières

     

    années

     

     

    David Law  Bérény Notemboom  Canella ....

     

     

    si j' énumère

    je

    vais

    faire

     

    un grand nombre de jaloux

    et

    de

     

    jalouses !!!

     

     

     

    et puis

    chaque

    moment

     

    que je passe sur le net

     

    avec les un-e-s ou les autres

     

    C' EST DE LA VIE DE LA VRAIE VIE

     

    DE CETTE VIE MERVEILLEUSE

     

    où sont rarement

    présents

    les

    irritants

     

    problèmes

    d'

     

    intendance

     

    qui font de la vie offerte

    un mauvais roman

     

    naturaliste !!!

     

     

     

    alors

    pour

    VIVRE INTENSEMENT

    POUR AIMER

     

    POUR M' EMERVEILLER

     

     

    assis

    sur la pile de livres

    que

    je

    n'

    arrive

    pas

    à

     

    ranger

     

    dans mon étroit

    appartement

     

    de

    saltimbanque

    sans

     

    compromis

     

     

    LE 23 MARS JE ME CONNECTERAI VINGT-QUATRE HEURES SUR VINGT QUATRE !!!

     

    *

     

    MAGELLANI

     

     

     

    Audacieux Internaute

     

    qui

     

     

     

    frôle

     

     

     

    les îles lointaines

     

     

     

    où règnent

     

    les

     

     

     

    gracieuses Pinays

     

     

     

    séduisantes Sirènes

     

     

     

    sais-tu

     

    que

     

     

     

    Magellan n' a pas fait lui-même

     

     

     

    le Tour du Monde

     

     

     

    Magellan est mort à Cébu

     

     

     

    vaicu

     

    par Lapu lapu

     

     

     

    redoutable guerrier

     

    de

     

    Mactan

     

     

     

    qui digérait mal

     

    dit

     

     

     

    l' histoire

     

     

     

    le pain béni

     

     

     

    sa statue se dresse

     

    égale

     

    à

     

     

     

    celle

     

     

     

    du Navigateur

     

     

     

    je

     

    le

     

    dis

     

     

     

    ainsi que j' ai dit

     

     

     

    en

     

    ma

     

     

     

    jeunesse

     

     

     

    les origines secrètes

     

    de

     

     

     

    Perceval

     

     

     

    et Magellan

     

    savait

     

     

     

    bien avant Galilée

     

     

     

    que

     

    la

     

     

     

    Terre

     

     

     

    était

     

     

     

    ronde ronde ronde

     

     

     

     

     

    comme

     

    le

     

     

     

    savaient

     

     

     

    dix-huit siècles

     

    auparavant

     

     

     

    les disciples de Pythagore

     

     

     

     

     

    Magellan est mort à Cébu

     

     

     

    souvent

     

    je

     

    rêve

     

     

     

    de toutes ces îles

     

    impossibles

     

     

     

    dont

     

    jamais

     

     

     

    on ne m' a parlé

     

     

     

     

     

    je

     

    ne

     

    suis

     

     

     

    même pas

     

     

     

    capable

     

    d'

     

     

     

    imaginer

     

     

     

    la Vie

     

     

     

    que

     

    l'

     

    on

     

    mène

     

     

     

    là-bas

     

     

     

    je me laisse

     

    fasciner

     

     

     

    comme

     

    se

     

    laisse

     

     

     

    par la flamme

     

     

     

    séduire

     

    le

     

     

     

    phalène

     

     

     

     

     

    si j ' allais très loin très loin

     

     

     

    j' essaierais

     

     

     

    d'

     

    oublier

     

     

     

    tous mes codes et tous mes repères

     

     

     

    j'

     

    essaierais

     

    de

     

    me

     

     

     

    taire !!!

     

     

     

    nous nous imaginons

     

    avoir

     

    tout

     

     

     

    vu

     

     

     

    parce

     

    nous sommes farcis

     

    de

     

     

     

    documentaires

     

     

     

    ne

     

    savons

     

    plus

     

     

     

    regarder

     

     

     

    parce que

     

    de

     

    nos

     

     

     

    Libertés

     

     

     

    nous

     

    avons

     

    fait

     

    des

     

     

     

    jumelles

     

     

     

    qui

     

    bornent

     

    la

     

     

     

    perspective

     

     

     

    et

     

    grossissent

     

    i

     

    nu

     

    ti

     

    le

     

    ment

     

     

     

    certains détails

     

     

     

    qui

     

    servent

     

    si

     

    bien

     

    nos

     

     

     

    préjugés

     

     

     

     

     

    toute

     

    honte

     

    bue

     

     

     

    malgré ses armes

     

    im

     

    pa

     

    rables

     

     

     

    Magellan

     

    est

     

    mort

     

    à

     

     

     

    Cébu

     

     

     

     

     

    toutes les Vérités sont bonnes à dire

     

     

     

    mais

     

    nous

     

    n'

     

    aurons

     

    pas

     

     

     

    le Temps de les dire

     

     

     

    car

     

    elles sont

     

     

     

    innombrables

     

     

     

    et

     

    souvent

     

    se

     

     

     

    contredisent !!!

     

     

     

    autour de quoi dis-moi

     

    tourne

     

    le

     

     

     

    Soleil

     

     

     

     

     

    autour de quoi

     

    la

     

     

     

    galaxie ?

     

     

     

    l' Univers

     

     

     

    est-il

     

    une

     

     

     

    spirale

     

     

     

    qui

     

    traverse

     

    le

     

     

     

    Temps

     

     

     

    cette Illusion ?

     

     

     

     

     

    peu importe :

     

     

     

    pour trois cailloux

     

    les singes nus

     

    tombent

     

    à

     

     

     

    genoux

     

     

     

     

     

    pour

     

    un

     

    tas

     

    de

     

     

     

    poussière

     

     

     

    in

     

    cul

     

    te

     

     

     

    se font la guerre

     

     

     

    comme

     

    dans

     

    les

     

    anciens

     

     

     

    millénaires

     

     

     

     

     

    moi je veux savoir

     

    le Nom

     

    de

     

    cet

     

     

     

    ancien Sage

     

     

     

    qui

     

    se

     

    tua

     

     

     

    sous prétexte

     

     

     

    que

     

    ses

     

     

     

    yeux éteints

     

     

     

    lui

     

    interdisaient

     

     

     

    de

     

    voir

     

    les

     

     

     

    étoiles !!!

     

     

     

    comment

     

    marchent

     

    les

     

     

     

    Belles

     

     

     

    de

     

    Cébu

     

     

     

    se souviennent-elles

     

    de

     

     

     

    Lapu lapu

     

     

     

    mieux

     

    que

     

    nos

     

     

     

    jeunes femmes

     

     

     

    qui

     

    pour

     

    son

     

    Amour

     

     

     

    Adultère

     

     

     

    ne

     

    craignit

     

    pas

     

    le

     

     

     

    déshonneur

     

     

     

    tout chevalier qu' il

     

    était

     

     

     

     

     

    Magellan est mort à Cébu

     

     

     

    et

     

    moi

     

    je

     

     

     

    m'

     

    égare

     

     

     

    dans des écrans

     

     

     

    des

     

    sites

     

    m'

     

     

     

    accueillent

     

     

     

    comme

     

    des

     

    gares

     

     

     

    désaffectées

     

     

     

     

    ne

     

    passeront

     

     

     

    plus jamais les trains.....

     

     

     

     

     

    je

     

    me

     

    souviens

     

     

     

    qu' en mon adolescence

     

     

     

    innocente

     

     

     

    guidé

     

    par

     

    l'

     

     

     

    UNESCO

     

     

     

    j'

     

    ai

     

    interrogé

     

     

     

    des Gardes Rouges Chinois

     

     

     

    sur

     

    les

     

    Religions de leur Pays

     

     

     

    leur réponse

     

    fut

     

    brève

     

    polie

     

    lapidaire

     

     

     

    et

     

    c' est pour ça

     

    que

     

    je

     

    les

     

    ai

     

     

     

    promené

     

     

     

    dans

     

     

     

    Carnac

     

    en

     

     

     

    Bretagne

     

     

     

     

    s'

     

    alignent

     

     

     

    les menhirs préhistoriques

     

     

     

     

     

    je

     

    ne

     

    sais

     

     

     

    d' où ils viennent

     

     

     

    dans

     

    quelle Cébu

     

     

     

    s'

     

    est éteint

     

     

     

    le

     

    premier

     

    Shaman

     

     

     

    qui

     

    les

     

     

     

    cueillit

     

     

     

    je

     

    sais

     

    très

     

    peu

     

     

     

    de choses

     

     

     

    mes connaissances

     

    ne

     

    sont

     

    pas

     

    à

     

    la

     

     

     

    hauteur

     

     

     

    de mes rêves

     

     

     

    et

     

    chaque

     

     

     

    Poème

     

     

     

    que

     

    j'

     

     

     

    écris

     

     

     

    c'est une main

     

     

     

    qui

     

    se

     

    tend

     

     

     

    vers le plus Lointain

     

     

     

    vers ceux

     

    vers celles

     

    même

     

     

     

    qui

     

    ne

     

    sachant

     

     

     

    cette langue

     

     

     

    ne

     

    peuvent

     

    le

     

     

     

    déchiffrer

     

     

     

     

     

    mais

     

    un jour ou l' autre

     

     

     

    sans

     

    le

     

    savoir

     

     

     

    le rencontreront

     

     

     

    car

     

    incontestablement

     

     

     

    l' Image

     

     

     

    à

     

    la

     

    forme

     

    d'

     

    une

     

     

     

    Sphère ....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    *

     

    Le nouveau Sisyphe

     

     

    Le nouveau Sisyphe

     

     

    doute vivement

    qu' il existe

    le

     

    sommet d' une montagne

     

    digne

    d'

     

    être escaladée

     

    d' ailleurs

    il se demande

    quelle

     

    montagne terrestre

     

    est visible

     

    depuis

     

     

    Vénus  !!!

     

    encouragé pourtant

    par la Ligue

    des

     

    Philosophes

     

    supporters

    de toutes les grandes causes

    et

    des

     

    monstrueux effets

     

    il avise

    le

    premier

     

    caillou

     

    venu

     

    le pousse de son index menu

     

    tout

    en

    se

    mettant

     

    l' auriculaire

     

    il

    se

     

    doit !!!

     

     

    et puis

    il

     

    murmure

     

    pour

    se

    faire

     

    un alibi

     

    tu es pierre

    et cette pierre

     

    je la pousserai

     

    sur la pente du Temps

     

    qui monte monte monte

     

    toujours

     

    merveille des Messies et de l ' Histoire et du PPPPProrès !!!

     

     

    mais

    le

    même caillou

     

    jusqu' au bout

     

    c' est fou

    comme ça lasse

     

    quand

    on

    n'

    est

     

    plus très sûr

     

    qu' il existe

     

    un

    bout !!!

     

     

    le

    nouveau Sisyphe

    décide alors

    d'

    essayer

     

    quelque nouveau caillou

    qu'

    il

    pousse

     

    cette fois

    du

     

    genou

     

    pour

    ne

    pas

     

    s' abimer les mains !!!

     

     

    mais

    c' est un caillou mou

    comme

    une

     

    montre de Dali !!!

     

     

    ça roule mal !!!

     

     

    le nouveau Sisyphe

    avise

     

    un galet pour faire

    des

     

    ricochets .....

     

     

    miracle de l' Astrophysique :

     

    le galet reste immobile

    et

    c'

     

    est

     

    notre Héros

    qui

     

    ricoche .....

     

     

    l' étonnant

    c'

    est

     

    qu' il n' en sait rien

    le

     

    pauvre !!!

     

    ne

    lui

    dir

     

    rien

     

    parle-lui de mode de jeux de musculation

     

    distrais-le

     

    ne

    le

     

    perturbe

     

    pas !!!

     

    d'

    ailleurs

     

    ce

    personnage

    est

     

    insignifiant

     

    sur

    le

    flanc

     

    d' une vraie montagne

    un point

     

    c' est

     

    tout !!!

     

    ne lui dis pas :

     

    ça le déprimerait

    trop

     

    moi

    je ne déprime

    pas

     

    je cultive des perles précieuses

     

    en

    toute

    connaissance

     

    des vagues à l' Ame

     

    elles

    me

     

    murmurent

     

    dans la nuit des écrans

     

    de mots troublants

    susceptibles

    de

    tenir

     

    en échec

     

    les trous noirs gobeurs de Soleils

     

    et

    je

     

    descends tout doucement

     

    vers

    la

     

    vallée secrète

     

    que

     

    les Poètes

     

    peu soucieux

    des

     

    cimes

     

    éveillent

    en

    leurs

    rimes

    intimes .....

    *

    PHOTOGRAPHIES DE DOMINIQUE GABRIEL NOURRY :

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  •  

    Alexandre Gerbi : Les organes pertinents

     

    Les organes pertinents

    à Dominique Oriata Tron

    (auteur des images ci dessous, opus 204, 465 ,275,710)

     

     

    Epilogue improbable des épluchures survenues,

    l’action des grandes pierres reluisait dans le noir.

    Comment parvenir à l’informe,

    comment désexciter la bolée ainsi offerte ?

    Comment rasséréner l’inopiné des choses ?

    Tout continua, longtemps.

     

    Et puis un matin,

    alors que l’eau tournait dedans l’écluse,

    le champ du ciel s’emplit d’un élixir talé,

    d’une paresse semblable aux plateaux ajourés

    qui parfois couvrent l’abyme.

     

     

     Alexandre Gerbi : Les organes pertinents

     

    Plusieurs mâts avaient surgi.

    D’en-haut d’eux, l’adéquate puissance

    fomentait d’hallucinants vertiges.

     

    Et visions.

    On eût cru l’ajouré converti en épigone

    dans la simple clarté des vagues.

    Lentes.

     

    Pourtant enfin revinrent les glaces.

    Pour rire ?

    Que nenni,

    vous qui savez la patience du Paradisier sensé,

    la croissance inéluctable dans l’azur et la chaleur,

    le torrent, la bonté des plantes, la source cachée

    d’où changent, cataractent, rugissent les aurores libérées.

     

    Ô

     

    Alexandre Gerbi : Les organes pertinents

     

    A présent dans le calme,

    par l’amour ourdi d’impénétrables murmures,

    perché sur la cime du plus beau des arbres,

    hulule l’oiseau chanteur.

     

    Ses plumes étincellent et s’ouvrent en myriades de pôles,

    comme des sentiments ourlés.

    Ses yeux luisent d’un éclat serein.

    Tu vis en lui.

    La Vie.

     

    La Vie même te constituait,

    ce que tu appelleras le vif.

    Ce vif que tu propages à la toile

    – comme à la flûte ou aux cordes –

    contemplée

    et par toi, en toi, contemplante.

     

    Cette plante tressée en monde,

    en toi, en jours, jaillissait donc, soudaine.

    Infinie d’horizons et profondeurs.

    Galbée comme le firmament.

    Festin de saumon cru et d’algue estimée,

    d’étamines et de pistils pris au sérieux,

    d’étoile suspecte, d’air infini…

    Jusqu’à retirer du sépulcre oublié, enfin,

    la prudente ligature…

     

    Parachever le fléau qui nous outragea,

    pour mieux l’abolir…

    Caresser l’oblongue danse des machines

    et, par sa grâce, supplanter la forêt

    qu'infusent les artères sèches,

    les lacets gorgés de sèves,

    pour mieux l’entourer, la boire,

    enfin s’en féconder…

    Seriez-vous égarés !

     

    Alexandre Gerbi : Les organes pertinents

     

    Alors encore s’y remettre, au turbin,

    garantir les ondes,

    amalgamer les outils pressés,

    sonder les souches.

    Parcourir la terre et labourer tout en chantant,

    retourner un humus parcouru d’insectes minuscules,

    de poissons d’or, d’argent, de grenouilles

    géantes naines et de sauterelles décomposées…

     

    Seulement ainsi

    combleront les mousses et les feuilles

    l’antique pari.

     

    Et sous cette oriflamme regarnie,

    les fleurs et leurs enfants enjamberont la pareille.

     

     

    L’inoculée et l’Alhambra

    fascineront les tours

    et balaieront les épuisements,

    clameront l’advention du cobalt,

    du sparadrap et des toisons,

    le miracle du champ, l’écaille des murmures.

     

    Les organes pertinents.

     

    Alexandre Gerbi : Les organes pertinents


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  • Robert DESNOS :la Peste & autre poème

    La peste. 

     

    Dans la rue un pas retentit. La cloche n’a qu’un seul

    battant. Où va-t-il le promeneur qui se rapproche

    lentement et s’arrête par instant ? Le voici devant

    la maison. J’entends son souffle derrière la porte.

     

    Je vois le ciel à travers la vitre. Je vois le ciel où les

    astres roulent sur l’arête des toits. C’est la grande

    Ourse ou Bételgeuse, c’est Vénus au ventre blanc, c’est

    Diane qui dégrafe sa tunique près d’une fontaine de lumière.

     

    Jamais lunes ni soleils ne roulèrent si loin de la

    terre, jamais l’air de nuit ne fut si opaque et si

    lourd. Je pèse sur ma porte qui résiste…

     

    Elle s’ouvre enfin, son battant claque contre le

    mur. Et tandis que le pas s’éloigne je déchiffre

    sur une affiche jaune les lettres noires du mot « Peste ».

     

    ___

    J'AI TANT REVE DE TOI

     

     

     

    J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

    Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant

    Et de baiser sur cette bouche la naissance

    De la voix qui m’est chère?

     

    J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués

    En étreignant ton ombre

    A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas

    Au contour de ton corps, peut-être.

    Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante

    Et me gouverne depuis des jours et des années,

    Je deviendrais une ombre sans doute.

    O balances sentimentales.

     

    J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps

    Sans doute que je m’éveille.

    Je dors debout, le corps exposé

    A toutes les apparences de la vie

    Et de l’amour et toi, la seule

    qui compte aujourd’hui pour moi,

    Je pourrais moins toucher ton front

    Et tes lèvres que les premières lèvres

    et le premier front venu.

     

     

    J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,

    Couché avec ton fantôme

    Qu’il ne me reste plus peut-être,

    Et pourtant, qu’a être fantôme

    Parmi les fantômes et plus ombre

    Cent fois que l’ombre qui se promène

    Et se promènera allègrement

    Sur le cadran solaire de ta vie.


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  • Serge Pey : Le chorésophe & autres poèmes

     http://www.sergepey.fr/index.html

    LE CHORÉSOPHE, Rituel des Renversements

     

    Il faut inverser le connu

    Le dehors nous fait passer au dedans

    Le dedans au dehors

    Le multiple à l'unique

    Le diamètre au centre

    Le dispersé au concentré

    Il faut inverser aussi l'inconnu

    Il faut inverser l'inverser

    Ouvrir un angle 

    ne sert qu'a trouver 

    le point qu'il ne peut mesurer.

     

    ___

     

    AVERTISSEMENT D'INCENDIE

     

     

    __

    DE LE LIBERTE

     

     

    ___

    CLAIRVOYANCE DIALECTIQUE

     

     

    ___

    COMMENT ENTRER DANS UNE MAISON

     

     

    ___

    LA VERITE

     

     

    ___

    MOT D'ORDRE

     

     

    ___

    POEME DE NEGOCIATION

     

     

    ___

    THEOREME DE GODEL

     


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     http://www.paperblog.fr/5575705/bertolt-brecht-poemes/#Ql6tleFButM3wFZo.99

    Bertold Brecht  : Nos défaites ne prouvent rien

     

     

    Quand ceux qui luttent contre l’injustice

    Montrent leurs visages meurtris

    Grande est l’impatience de ceux

    Qui vivent en sécurité.

     

    De quoi vous plaignez-vous ? demandent-ils

    Vous avez lutté contre l’injustice !

    C’est elle qui a eu le dessus,

    Alors taisez-vous

     

    Qui lutte doit savoir perdre !

    Qui cherche querelle s’expose au danger !

    Qui professe la violence

    N’a pas le droit d’accuser la violence !

     

    Ah ! Mes amis

    Vous qui êtes à l’abri

    Pourquoi cette hostilité ? Sommes-nous

    Vos ennemis, nous qui sommes les ennemis de l’injustice ?

     

    Quand ceux qui luttent contre l’injustice sont vaincus

    L’injustice passera-t-elle pour justice ?

    Nos défaites, voyez-vous,

    Ne prouvent rien, sinon

    Que nous sommes trop peu nombreux

    À lutter contre l’infamie,

    Et nous attendons de ceux qui regardent

    Qu’ils éprouvent au moins quelque honte.

     

    *

    poème aux jeunes.

    Je vécus dans les villes au temps des désordres et de la famine
    Je vécus parmi les hommes au temps de la révolte
    Et je m’insurgeais avec eux
    Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre
    Je mangeais en pleine bataille
    Je me couchais parmi des assassins
    Négligemment je faisais l’amour et je dédaignais la nature
    Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre
    De mon temps les rues conduisaient aux marécages
    La parole me livra aux bourreaux
    J’étais bien faible mais je gênais les puissants
    Ou du moins je le crus
    Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre
    Les forces étaient comptées
    Le but se trouvait bien loin il était visible pourtant
    Mais je ne pouvais pas en approcher
    Ainsi passa le temps qui me fut donné sur la Terre
    Vous qui surgirez du torrent où nous nous sommes noyés
    Songez quand vous parlez de nos faiblesses
    A la sombre époque dont vous êtes sortis
    Nous traversions les luttes de classes
    Changeant de pays plus souvent que de souliers
    Désespérés que la révolte ne mît pas fin à l’injustice
    Nous le savons bien
    La haine de la misère creuse les rides
    La colère de l’injustice rend la voix rauque
    Ô nous qui voulions préparer le terrain de l’amitié
    Nous ne sûmes pas devenir des amis
    Mais vous quand l’heure viendra où l’homme aide l’homme
    Pensez à nous avec indulgence
    Pour ceux qui souhaitent la version intégrale :
    A ceux qui viendront après nous.
    I
    Vraiment, je vis en de sombre temps ! Un langage sans malice est signe De sottise, un front lisse D’insensibilité. Celui qui rit N’a pas encore reçu la terrible nouvelle.
    Que sont donc ces temps, où Parler des arbres est presque un crime Puisque c’est faire silence sur tant de forfaits ! Celui qui là-bas traverse tranquillement la rue N’est-il donc plus accessible à ses amis Qui sont dans la détresse ?
    C’est vrai : je gagne encore de quoi vivre. Mais croyez-moi : c’est pur hasard. Manger à ma faim, Rien de ce que je fais ne m’en donne le droit. Par hasard je suis épargné. (Que ma chance me quitte et je suis perdu.)
    On me dit : mange, toi, et bois ! Sois heureux d’avoir ce que tu as ! Mais comment puis-je manger et boire, alors Que j’enlève ce que je mange à l’affamé, Que mon verre d’eau manque à celui qui meurt de soif ? Et pourtant je mange et je bois.
    J’aimerais aussi être un sage. Dans les livres anciens il est dit ce qu’est la sagesse : Se tenir à l’écart des querelles du monde Et sans crainte passer son peu de temps sur terre. Aller son chemin sans violence Rendre le bien pour le mal Ne pas satisfaire ses désirs mais les oublier Est aussi tenu pour sage. Tout cela m’est impossible : Vraiment, je vis en de sombre temps !
    II
    Je vins dans les villes au temps du désordre Quand la famine y régnait. Je vins parmi les hommes au temps de l’émeute Et je m’insurgeai avec eux. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.
    Mon pain, je le mangeais entre les batailles, Pour dormir je m’étendais parmi les assassins. L’amour, je m’y adonnais sans plus d’égards Et devant la nature j’étais sans indulgence. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.
    De mon temps, les rues menaient au marécage. Le langage me dénonçait au bourreau. Je n’avais que peu de pouvoir. Mais celui des maîtres Etait sans moi plus assuré, du moins je l’espérais. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.
    Les forces étaient limitées. Le but Restait dans le lointain. Nettement visible, bien que pour moi Presque hors d’atteinte. Ainsi se passa le temps Qui me fut donné sur terre.
    III
    Vous, qui émergerez du flot Où nous avons sombré Pensez Quand vous parlez de nos faiblesses Au sombre temps aussi Dont vous êtes saufs.
    Nous allions, changeant de pays plus souvent que de souliers, A travers les guerres de classes, désespérés Là où il n’y avait qu’injustice et pas de révolte.
    Nous le savons : La haine contre la bassesse, elle aussi Tord les traits. La colère contre l’injustice Rend rauque la voix. Hélas, nous Qui voulions préparer le terrain à l’amitié Nous ne pouvions être nous-mêmes amicaux.
    Mais vous, quand le temps sera venu Où l’homme aide l’homme, Pensez à nous Avec indulgence.

    .
    .

    Poème sur une jeune noyée

    Lorsqu’elle fut noyée et dériva
    De ruisseaux en plus grandes rivières
    L’opale du ciel prit un ton étrange
    Comme s’il devait apaiser le cadavre.

    Varech et algues s’enroulèrent à elle
    Et peu à peu elle s’alourdit
    Les poissons glacés glissaient près de sa jambe
    Plantes et animaux alourdirent encore son dernier voyage.

    Et le soir, le ciel s’assombrit comme de la fumée
    Et la nuit, il tint avec les étoiles, la lumière en échec.
    La clarté toutefois se fit tôt, afin
    Que pour elle aussi il y ait un matin et un soir.

    Lorsque son corps pâle fut pourri dans l’eau
    Il arriva (cela se fit lentement) que Dieu l’oublia peu à peu
    Tout d’abord son visage, puis les mains et enfin sa chevelure.
    Alors elle devint charogne parmi les charognes des rivières.

    .
    .

    L’heure n’est pas à la poésie

    Je sais bien: On n’aime que
    Les gens heureux. Leur voix
    Nous plaît. Leur visage est beau.

    L’arbre étiolé de la cour
    Dénonce l’aridité du sol, mais
    Les passants le traitent d’estropié
    A juste titre.

    Je ne vois
    Ni les bateaux verts ni les joyeuses voiles du Sund. De tout cela
    Je ne vois que le filet déchiré des pêcheurs.
    Pourquoi ne parlé-je que
    De la quadragénaire qui chemine le dos voûté?

    Les seins des jeunes filles
    Sont chauds comme aux temps passés.

    Une rime dans ma chanson
    Me semblerait presque être une insolence.

    En moi s’affrontent
    L’enthousiasme à la vue du pommier en fleurs
    Et l’effroi lorsque j’entends les discours du barbouilleur.*
    Mais seul le second
    Me pousse à ma table de travail.

    —-

    (*Brecht aimait utiliser ce sobriquet pour désigner Hitler qui voulait devenir peintre en suivant l’Ecole des Beaux-Arts de Vienne.)

    .
    .

    ELOGE DE LA DIALECTIQUE

    L’injustice aujourd’hui s’avance d’un pas sûr.
    Les oppresseurs dressent leurs plans pour dix mille ans.
    La force affirme: les choses resteront ce qu’elles sont.
    Pas une voix, hormis la voix de ceux qui règnent,
    Et sur tous les marchés l’exploitation proclame: c’est maintenant que je commence.
    Mais chez les opprimés beaucoup disent maintenant :
    Ce que nous voulons ne viendra jamais.

    Celui qui vit encore ne doit pas dire : jamais!
    Ce qui est assuré n’est pas sûr.
    Les choses ne restent pas ce qu’elles sont.
    Quand ceux qui règnent auront parlé,
    Ceux sur qui ils régnaient parleront.
    Qui donc ose dire: jamais ?
    De qui dépend que l’oppression demeure? De nous.
    De qui dépend qu’elle soit brisée? De nous.
    Celui qui s’écroule abattu, qu’il se dresse!
    Celui qui est perdu, qu’il lutte !
    Celui qui a compris pourquoi il en est là, comment le retenir?
    Les vaincus d’aujourd’hui sont demain les vainqueurs
    Et jamais devient: aujourd’hui.

    (traduction Maurice Regnaut)

    .
    .

    On dit que tu ne veux plus travailler avec nous

    Tu ne veux plus travailler avec nous, nous dit-on.
    Tu es fourbu, tu ne peux plus te traîner.
    Tu es trop las.
    Tu es au bout de ton rouleau.
    On ne saurait exiger de toi encore quelque action.

    Sache-le donc :
    Nous l’exigeons.

    Si tu es las, si tu t’endors
    Personne ne viendra t’éveiller et te dire :
    Debout le repas est prêt.
    Pourquoi le repas serait-il prêt?
    Si tu ne peux plus te traîner
    Tu resteras couché. Personne
    N’ira te chercher et te dire :
    Une révolution a eu lieu. Les usines
    T’attendent.
    Pourquoi y aurait-il eu une révolution?
    Quand tu mourras, on te mettra en terre
    Que ta mort soit ta faute ou non.

    Tu dis:
    J’ai trop lutté et je ne peux plus me battre.
    Ecoute:
    Si tu ne peux plus lutter, tu périras
    Que ce soit ta faute ou non.

    Tu dis: j’ai trop longtemps vécu d’espoir, je ne suis
    plus capable d’espérer.
    Et qu’espérais-tu donc?
    Que la lutte serait facile?

    Ce n’est pas le cas.
    Notre situation est pire que ce que tu croyais.

    Voici notre situation:
    A moins d’accomplir des actions surhumaines
    Nous sommes perdus.
    A moins de pouvoir faire ce que nul ne peut exiger
    Nous périrons.
    Nos ennemis attendent le moment
    Où nous laisserons tomber les bras.

    Plus le combat est acharné
    Et plus las sont les combattants.
    Les combattants trop las perdront cette bataille

    (Traduction Gilbert Badia et Claude Duchet)

    .
    .

    LA CROISADE DES ENFANTS 1939

    En l’an trente-neuf, en Pologne,
    Il y eut un combat d’enfer
    Qui de nombreux hameaux et villes
    Ne laissa plus rien qu’un désert.

    La soeur alors perdit le frêre,
    La femme le mari ; I’enfant,
    Entre les flammes et les ruines,
    Ne retrouva plus les parents.

    Plus rien n’est venu de Pologne,
    Rien au courrier, rien au journal.
    Mais il court une étrange histoire
    Dans tout le monde oriental.

    C’était à l’Est, un soir de neige,
    Dans une ville on raconta
    De quelle manière, en Pologne,
    Une croisade commença.

    A petits pas, par maigres troupes,
    Des enfants affamés allaient,
    Rencontrant dans les bourgs en ruines
    D’autres enfants qu’ils emmenaient.

    lls voulaient fuir, fuir ces batailles,
    Ce cauchemar, fuir à jamais,
    Ils voulaient un beau jour atteindre
    Un pays où règne la paix.

    Un jeune chef marchait en tête,
    Ce qui leur donnait de l’entrain.
    Mais grande était son inquiétude :
    Quel chemin ? Il n’en savait rien.

    Une enfant de onze ans traînait
    Un de quatre ans, mais elle avait
    Tout d’une véritable mère,
    Seul manquait un pays en paix.

    Un petit Juif était du nombre,
    Il portait un col de velours,
    Toujours nourri de pain très blanc,
    Il tenait bon au long des jours.

    Du nombre aussi étaient deux frères,
    Tous deux stratèges de génie,
    Ils forçaient des cabanes vides,
    Seule les en chassait la pluie.

    Et dans la campagne, à l’écart,
    Marchait un malingre au teint gris.
    Il venait, tare épouvantable,
    D’une ambassade des nazis.

    Un jeune musicien trouva,
    Au fond d’un magasin détruit,
    Un tambour, mais qu’il ne put battre,
    Car le bruit les aurait trahis.

    Et les accompagnait un chien,
    Pour le tuer on l’avait pris,
    A présent fallait le nourrir,
    Nul n’ayant pu prendre sur lui.

    Il y eut un maître d’école,
    Un élève qui s’appliquait,
    Qui sur la carcasse d’un tank
    Ecrivit presque le mot paix.

    Il y eut aussi un concert.
    Un torrent faisait tel fracas
    Qu’au bord on put battre tambour,
    Sans que personne entende, hélas.

    Il y eut aussi un amour.
    Elle douze ans, lui trois de mieux.
    Au milieu d’une ferme en ruines,
    Elle lui peigna les cheveux.

    Mais cet amour ne put survivre,
    Il vint des froids beaucoup trop grands :
    Comment pourrait fleurir la plante
    Sur qui la neige tombe tant ?

    Il y eut aussi une guerre,
    Car une autre bande existait,
    Guerre qui prit fin simplement,
    Puisque rien ne la motivait.

    On se battait autour des ruines
    De la maison d’un garde-voie,
    L’un des partis vit que ses vivres
    Avaient fondu sans qu’il le voie.

    A peine eut-il appris la chose,
    L’autre parti leur fit porter
    Un plein sac de pommes de terre,
    Car ventre creux ne peut lutter.

    Il y eut même un tribunal,
    Par deux cierges illuminé,
    L’audience n’alla pas sans mal,
    Le juge enfin fut condamné.

    D’un garçon au col de velours,
    Se déroula l’enterrement
    Et dans la terre le portèrent
    Deux Polonais, deux Allemands.

    Nazi, protestant, catholique,
    Tous étaient là et pour finir
    Parla un jeune communiste,
    Des vivants, de leur avenir.

    Foi, espoir, rien ne leur manquait,
    Que la viande et le pain. Celui
    Qui veut les accuser de vol
    Leur a-t-il offert un abri ?

    Et n’accusez pas l’homme pauvre
    Qui ne les a point invités :
    Pour cinquante il faut abondance
    De farine et non de bonté.

    Quand ils sont deux, ou trois encore,
    On les accueille volontiers,
    Mais devant un nombre pareil,
    On referme sa porte à clé.

    De la farine, ils en trouvèrent
    Dans les décombres d’une ferme.
    Une enfant mit un tablier,
    Durant sept heures pétrit ferme,

    La pâte fut bien travaillée,
    Le bois pour le feu bien fendu,
    Pas une miche ne leva,
    Cuire le pain, nul n’avait su.

    Ils se dirigeaient vers le Sud.
    Le Sud, c’est quand il est midi
    L’endroit où le soleil se trouve,
    On marche alors tout droit sur lui.

    Il y eut un soldat blessé
    Qu’ils trouvèrent sous un sapin.
    Pendant sept jours ils le soignèrent
    Pour qu’il leur montre le chemin.

    Puis il leur dit: Vers Bilgoray
    Mais tant de fièvre le fit taire,
    Au huitième jour il mourut
    Et lui aussi ils l’enterrèrent.

    Et les poteaux indicateurs,
    Ceux qui restaient étaient couverts
    De neige et n’indiquaient plus rien :
    Tous étaient tournés à l’envers.

    Ce n’était pas plaisanterie,
    C’était pour raisons militaires.
    Mais eux qui cherchaient Bilgoray,
    En vain, en vain ils le cherchèrent.

    Ils étaient là, autour du chef.
    Loin dans la neige il regarda,
    Puis tendit sa petite main
    Et dit: Ça doit être là-bas.

    Une fois, dans la nuit, ils virent
    Un feu et partirent ailleurs.
    Une fois passèrent trois tanks
    Et des soldats à l’intérieur.

    Une fois ce fut une ville
    Qui leur fit faire un long détour.
    Tant qu’ils eurent la ville en vue,
    Ils ne marchèrent pas de jour.

    Au sud de l’ancienne Pologne,
    Dans le vent de neige et le froid,
    On a vu les cinquante-cinq
    Pour la dernière fois.

    Quand je ferme les yeux,
    Je les vois qui cheminent
    Des ruines d’un hameau
    Vers un hameau en ruines.

    Je vois au-dessus d’eux, là-haut dans les nuages,
    Des cortèges nouveaux, des cortèges sans fin !
    Avançant avec peine au milieu des vents froids,
    Ceux qui sont sans patrie et qui vont sans chemin,

    Qui cherchent le pays en paix,
    Sans tonnerre, sans incendie,
    Tout autre que ceux d’où ils viennent,
    Leur cortège grandit, grandit,

    Et bientôt dans le crépuscule
    Il ne reste plus identique :
    Je vois d’autres petits visages,
    Espagnols, français, asiatiques !

    En Pologne, ce janvier-là,
    Fut trouvé un chien vagabond
    Qui promenait à son cou maigre
    Une pancarte de carton.

    Sur elle était écrit: A l’aide !
    Nous ne savons plus le chemin
    Et nous sommes cinquante-cinq.
    Vous n’avez qu’à suivre le chien.

    Si vous ne pouvez pas venir,
    Chassez-le.
    Ne tirez pas sur lui,
    Lui seul connait le lieu.

    C’était écrit par un enfant.
    Des paysans l’ont lu.
    Une année et demie est passée à présent.
    Le chien est mort de faim.

    Bertolt Brecht, poèmes


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    NÂZIM HIKMET : Mes frères et autres poèmes

     

     

    Mes frères

     

     

     

     

     

    En dépit de mes cheveux blonds

     

     

    Je suis Asiatique.

     

    En dépit de mes yeux bleus

     

    Je suis Africain.

     

    Chez moi, là-bas, les arbres n’ont pas d’ombre à leur pied

     

    Tout comme les vôtres, là-bas.

     

    Chez moi, là-bas, le pain quotidien est dans la gueule du lion.

     

    Et les dragons sont couchés devant les fontaines

     

    Et l’on meurt chez moi avant la cinquantaine

     

    Tout comme chez vous là-bas.

     

     

     

    En dépit de mes cheveux blonds

     

    Je suis Asiatique.

     

    En dépit de mes yeux bleus

     

    Je suis Africain.

     

    Quatre-vingts pour cent des miens ne savent ni lire ni écrire

     

    Et cheminant de bouche en bouche les poèmes deviennent chansons.

     

    Là-bas, chez moi, les poèmes deviennent drapeaux

     

    Tout comme chez vous, là-bas.

     

     

     

     

     

     

    .

     

     

    __

     

    Berceuse

     

     

     

    Dors ma belle, dors

    Des jardins je t'apporte à l'instant le sommeil

    Ah ! dans tes yeux marrons que sont vertes les treilles

    Dors ma belle, dors

    dors en souriant aux anges,

    do, do.

     

    Dors ma belle, dors

    De la mer je t'apporte à l'instant le sommeil

    Un sommeil vaste et frais, léger comme une abeille

    Dors ma belle, dors

    sous les voiles gonflées de vent,

    do, do.

     

    Dors ma belle, dors

    Des astres je t'apporte à l'instant le sommeil

    Un sommeil d'un bleu sombre à du velours pareil

    Dors ma belle, dors

    car à ton chevet mon cœur veille,

    do, do.

     

     

     

    Nazim Hikmet

     

    __

    Sur la vie.

    Source "Nazim Hikmet Anthologie poétique" éditions TEMPS ACTUELS

    traduit par Hasan Gureh

     

     

    La vie n'est pas une plaisanterie

    Tu la prendras au sérieux,

    Comme le fait un écureuil, par exemple,

    Sans rien attendre du dehors et d'au-delà

    Tu n'auras rien d'autre à faire que de vivre.

     

    La vie n'est pas une plaisanterie,

    Tu la prendras au sérieux,

    Mais au sérieux à tel point,

    Qu'adossé au mur, par exemple, les mains liées

    Ou dans un laboratoire

    En chemise blanche avec de grandes lunettes,

    Tu mourras pour que vivent les hommes,

    Les hommes dont tu n'auras même pas vu le visage,

    Et tu mourras tout en sachant

    Que rien n'est plus beau, que rien n'est plus vrai que la vie.

    Tu la prendras au sérieux

    Mais au sérieux à tel point

    Qu'à soixante-dix ans, par exemple, tu planteras des oliviers

    Non pas pour qu'ils restent à tes enfants

    Mais parce que tu ne croiras pas à la mort

    Tout en la redoutant

    mais parce que la vie pèsera plus lourd dans la balance

     

     

     

    __

    GLOBE

     

    Offrons le globe aux enfants.

    Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée.

    Donnons-leur afin qu’ils en jouent comme d’un ballon multicolore

    Pour qu’ils jouent en chantant parmi les étoiles.

    Offrons le globe aux enfants,

    Donnons-leur comme une pomme énorme,

    Comme une boule de pain tout chaude,

    Qu’une journée au moins ils puissent manger à leur faim.

    Offrons le globe aux enfants,

    Qu’une journée au moins le globe apprenne la camaraderie,

    Les enfants prendront de nos mains le globe

    Ils y planteront des arbres immortels.

     

     

     

    ____

    IL NEIGE DANS LA NUIT...

    Extrait.

     

     

     

    Cela fait cent ans

     

    que je n’ai pas vu ton visage

     

    que je n’ai pas passé mon bras

     

    autour de ta taille

     

    que je ne vois plus mon visage dans tes yeux

     

    cela fait cent ans que je ne pose plus de question

     

    à la lumière de ton esprit

     

    que je n’ai pas touché à la chaleur de ton ventre.

     

     

     

    Cela fait cent ans

     

    qu’une femme m’attend

     

    dans une ville.

     

    Nous étions perchés sur la même branche,

     

    sur la même branche

     

    nous en sommes tombés, nous nous sommes quittés

     

    entre nous tout un siècle

     

    dans le temps et dans l’espace.

     

    Cela fait cent ans que dans la pénombre

     

    je cours derrière toi.

     

    ____

    Traître à la Patrie 

     

     

     

    Näzım Hikmet est traître à la patrie,

    et il continue.

     

    “Nous sommes la demi-colonie de l’impérialisme capitaliste, dit Nâzım Hikmet.

    Näzım Hikmet est traître à la patrie,

    et il continue.”

     

    Voilà ce qu’on lit dans un journal d’Ankara,

    Sur trois colonnes,

    en caractères bien noirs et gras,

    dans un journal d’Ankara,

    à côté d’une photo de l’amiral Williamson

    qui rit jusqu’aux oreilles,

    sur 66 centimètres carrés.

    L’impérialisme de l’amiral capitaliste a fait

    À notre budget un don de 120 millions de livres.

    Oui, 120 millions de livres.

     

    “Nous sommes une demi-colonie de

    L’impérialisme capitaliste, dit Hikmet.

    Näzım Hikmet est traître à la patrie,

    et il continue.”

     

    Oui, je suis traître à cette patrie

    Si vous, vous êtes patriotes,

    Si vous êtes protecteurs de ce pays,

    Alors moi, je suis traître à ce faux pays,

    Je suis traître à cette fausse patrie.

     

    Si la patrie, ce sont vos fermages,

    Si la patrie, c’est ce qu’il y a dans vos caisses

    et dans vos carnets de chèques,

    Si la patrie, c’est crever de faim au bord des routes, si la patrie, c’est trembler de froid,

    dehors, comme un chien,

    Et en été se tordre de paludisme,

    Si c’est pomper notre sang

    versé dans vos usines, la patrie,

    Si la patrie, ce sont les griffes

    de vos grands propriétaires terriens,

    Si la patrie, ce sont les livres religieux

    armés de lances, les matraques des policiers,

    si ce sont vos rémunérations et vos traitements, la patrie, si ce sont les bases militaires,

    les bombes atomiques, la patrie,

    les canons des flottes capitalistes,

    si la patrie, ce n’est pas nous délivrer

    de ces ténèbres putrescentes,

    alors moi je suis traître à la patrie.

    Ecrivez sur trois colonnes en caractères bien noirs et gras:

    “Nâzım Hikmet est traître à la patrie,

    et il continue.”

     

    Vatan Haini

     

    Nâzım Hikmet vatan hainliğine devam ediyor

    hâlâ.

     

    “Kapitalist emperyaliszminin yarı sömürgesiyiz,

    dedi Hikmet.

    Nâzım Hikmet vatan hainliğine devam ediyor

    hâlâ.”

     

    Bir Ankara gazetesinde çıktı bunlar,

    üç sütun üstüne,

    kapkara haykıran puntolarla,

    bir Ankara gazetesinde,

    fotoğrafıında

    Amiral Vilyamson’un

    66 santimetre karede gülÿor,

    ağzı kulaklarıinda,

    kapitalist amirali emperatorluk,

    bütçemize 120 milyon lira hibe etti,

    120 miliyon lira.

     

    “Kapitalist emperyalizminin yarı sömürgesiyiz,

    dedi Hikmet.

    Nâzım Hikmet vatan hainliğine devam ediyor

    hâlâ.”

     

    Evet, sahte vatanın hainiyim,

    siz sahte vatanperverseniz,

    sahte yurtseverseniz,

    ben tuzak olduğunun yurdun hainiyim,

    ben sahte vatanın hainiyim. 

     

    Vatan çiftliklerinizse, kasalarınızın

    ve çek defterlerinizin içindekilerse vatan,

    Vatan, şose boylarında gebermekse açlıktan,

    Vatan, soğukta it gibi titremek ve

    sıtmadan kıvranmaksa yazın,

    fabrikalarınızda al kanımızı içmekse vatan,

    Vatan tırnaklarıysa ağalarınızın,

    Vatan, mızraklı ilmûhalse,

    vatan, polis copuysa,

    Ödeneklerinizse, maaşlarınızsa vatan,

    Vatan, asker üsleri, atom bombaları,

    Kapitalist donanması topuysa,

     

    Vatan, kurtulmamaksa kokmuş karanlığımızdan,

    Ben vatan hainiyim.

    Yazın üç sütun üstüne kapkara haykıran

    puntolarla:

     

    “Nâzım Hikmet vatan hainliğine devam ediyor

    hâlâ. “ 

     

    ___

     

    ARBRE 

     

     

    J'ai un arbre en moi.

    J'ai un arbre en moi

    Dont j'ai rapporté le plan du soleil

    Poissons de feu ses feuilles se balancent

    Ses fruits tels des oiseaux gazouillent

    Les voyageurs depuis longtemps sont

    Descendus de leur fusée

    Sur l'étoile qui est en moi

    Ils parlent ce langage entendu dans mes rêves

    Ni ordres, ni vantardises, ni prières.

    J'ai une route blanche en moi

    Y passent les fourmis avec les grains de blé

    Les camions pleins de cris de fête

    Mais cette route est interdite aux corbillards.

    Le temps reste immobile en moi,

    Comme une odorante rose rouge,

    Que l'on soit vendredi et demain samedi

    Que soit passé beaucoup de moi, qu'il en reste peu ou prou

    Je m'en fous !

     

    ___


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  •  

    KATEB Yacine : LES FOURMIS ROUGES et POUSSIÈRES DE JUILLET

     

    Fallait pas partir.

    Si j'étais resté au collège, ils ne m'auraient pas arrêté.

    Je serais encore étudiant, pas manoeuvre, et je ne serais pas enfermé une seconde fois, pour un coup de tête.

    Fallait rester au collège, comme disait le chef de district.

    Fallait rester au collège, au poste.

    Fallait écouter le chef de district.

    Mais les Européens s'étaient groupés.

    Ils avaient déplacé les lits.

    Ils se montraient les armes de leurs papas.

    Y avait plus ni principal ni pions.

    L'odeur des cuisines n'arrivait plus.

    Le cuisinier et l'économe s'étaient enfuis.

    Ils avaient peur de nous, de nous, de nous !

    Les manifestants s'étaient volatilisés.

    le suis passé à l'étude. J'ai pris les tracts.

    J'ai caché la Vie d'Abdelkader .

    J'ai ressenti la force des idées.

    J'ai trouvé l'Algérie irascible. Sa respiration...

    La respiration de l'Algérie suffisait.

    Suffisait à chasser les mouches.

    Puis l'Algérie elle même est devenue...

    Devenue traîtreusement une mouche.

    Mais les fourmis, les fourmis rouges,

    Les fourmis rouges venaient à la rescousse.

    Je suis parti avec les tracts.

    Je les enterrés dans la rivière.

    J'ai tracé sur le sable un plan...

    Un plan de manifestation future.

    Qu'on me donne cette rivière, et je me battrai.

    je me battrai avec du sable et de l'eau.

    De l'eau fraîche, du sable chaud. Je me battrai.

    J'étais décidé. Je voyais donc loin. Très loin.

    Je voyais un paysan arc-bouté comme une catapulte.

    Je l'appelai, mais il ne vint pas. Il me fit signe.

    Il me fit signe qu'il était en guerre.

    En guerre avec son estomac, Tout le monde sait...

    Tout le monde sait qu'un paysan n'a pas d'esprit.

    Un paysan n'est qu'un estomac. Une catapulte.

    Moi j'étais étudiant. J'étais une puce.

    Un puce sentimentale... Les fleurs des peupliers...

    Les fleurs des peupliers éclataient en bourre soyeuse.

    Moi j'étais en guerre. je divertissais le paysan.

    Je voulais qu'il oublie sa faim. Je faisais le fou. Je faisais le fou devant

    mon père le paysan. Je bombardais la lune dans la rivière.

     

    ____

     

    POUSSIÈRES DE JUILLET 

     

    Le sang

    Reprend racine

    Oui

    Nous avions tout oublié

    Mais notre terre

    En enfance tombée

    Sa vieille ardeur se rallume 

     

    Et même fusillés

    Les hommes s’arrachent la terre

    Et même fusillés

    Ils tirent la terre à eux

    Comme une couverture

    Et bientôt les vivants n’auront plus où dormir 

     

    Et sous la couverture

    Aux grands trous étoilés

    Il y a tant de morts

    Tenant les arbres par la racine

    Le cœur entre les dents 

     

    Il y a tant de morts

    Crachant la terre par la poitrine

    Pour si peu de poussière

    Qui nous monte à la gorge

    Avec ce vent de feu

     

    N’ enterrez pas l’ancêtre

    Tant de fois abattu

    Laissez-le renouer la trame de son massacre 

     

    Pareille au javelot tremblant

    Qui le transperce

    Nous ramenons à notre gorge

    La longue escorte des assassins.

     

     ______

     

    BONJOUR

     

     

     

    Bonjour ma vie 

    Et vous mes désespoirs. 

    Me revoici aux fossés 

    Où naquit ma misère ! 

    Toi mon vieux guignon, 

    Je te rapporte un peu de cœur 

     

    Bonjour, bonjour à tous 

    Bonjour mes vieux copains ; 

    Je vous reviens avec ma gueule 

    De paladin solitaire, 

    Et je sais que ce soir 

    Monteront des chants infernaux… 

    Voici le coin de boue 

    Où dormait mon front fier, 

    Aux hurlements des vents, 

    Par les cris de Décembre ; 

    Voici ma vie à moi, 

    Rassemblée en poussière… 

     

    Bonjour, toutes mes choses, 

    J'ai suivi l'oiseau des tropiques 

    Aux randonnées sublimes 

    Et me voici sanglant 

    Avec des meurtrissures 

    Dans mon cœur en rictus !… 

     

    Bonjour mes horizons lourds, 

    Mes vieilles vaches de chimères : 

    Ainsi fleurit l'espoir 

    Et mon jardin pourri ! 

    - Ridicule tortue, 

    J'ai ouvert le bec 

    Pour tomber sur des ronces 

     

    Bonjour mes poèmes sans raison…

    ___

    MORTS POUR RIEN

     

     

    « Il est de jeunes bras

    Qui sont morts tendus

    Vers une mère…

    Et ces morts qui ont bâti pour d’autres

    Et ceux qui sont partis en chantant

    Pour dormir dans la boue anonyme de l’oubli.

    Et ceux qui meurent toujours,

    Dans la gaucherie des godillots

    Et des habits trop grands

    pour des enfants ! Aux soirs tristes

    De mortes minutes,Il est un gars qui tombe

    Et sa mère qui meurt pour lui, de toute la force de son vieux cœur

    …..Mais les morts les plus à plaindre,

    Ceux que mon cœur veut consoler,

    Ce sont les pauvres d’un pays de soleil,

    Ce sont les champions d’une cause étrangère,

    Ceux qui sont morts pour les autres,

    ET POUR RIEN ! »

     

    ___

    Vous, les pauvres !

     

     

    Vous, les pauvres,

    Dites-moi

    Si la vie

    N'est pas une -----!

     

    Ah! Dire que

    Vous êtes les indispensables!…

     

    Ouvriers, gens modestes

    Pourquoi les gros

    Vous étouffent-ils en leur graisse

    Malsaine de profiteurs?

     

    Ouvriers,

     

    Les premiers à la tâche,

    Les premiers au combat,

    Les premiers au sacrifice,

    Et les premiers dans la détresse…

     

    Ouvriers,

     

    Mes frères au front songeur,

    Je voudrais tant

    Mettre un juste laurier,

     

    A vos gloires posthumes

    De sacrifiés.

    - La grosse machine humaine

    A beuglé sur leurs têtes,

    Et vente à leurs oreilles

    Le soupir gémissant des perclus !…

     

    Au foyer ingrat

    D’une infernale société,

    Vous rentrez exténués,

    Sans un réconfort

     

    Pour vos cœurs de « bétail pensif »…

    Et vos bras,

    Vos bras sains et lourds de sueur,

    Vos bras portent le calvaire

    De vos existences de renoncement !

     

     

     


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  •  

     Mahmoud Darwich :OISEAUX & autres poèmes

     

     

    L’on se verra bientôt…

    dans un an,

    deux ans, dans un siècle…

    et dans l’appareil photographique

    furent jetés

    vingt jardins

    et les oiseaux de la Galilée

    et la voilà partie, au-delà de la mer

    cherchant un sens nouveau à la vérité.

    ma patrie est une corde à sécher

    et les rubans du sang répandu à

    chaque minute…

    Et sable, et palmiers, je me suis

    étendu sur le rivage

    Les oiseaux ne savent point, ma Rita,

    que la mort et moi t’avons donné

    le secret de la joie fanée

    à la barrière douanière…

    Et nous voilà, la mort et moi,

    renaissant

    dans ton front premier,

    et dans la fenêtre de ta maison…

    deux visages… moi et la mort.

    Pourquoi fuis-tu?

    Pourquoi fuis-tu, à présent, ce qui

    de l’épi, fait les cils de la terre

    et du volcan, un autre visage du jasmin

    Mais pourquoi fuis-tu?

    Rien, la nuit, ne me fatiguait autant

    que son silence

    quand il s’étirait devant ma porte

    comme la rue, comme le vieux quartier…

    qu’il soit fait selon ta volonté,

    Rita !

    Le silence serait une cloche

    des cadres d’étoiles

    ou un climat ou la sève bout ans

    les flancs de l’arbre.

    Je bois le baiser au tranchant des

    couteau

    Viens ! Qu’on appartienne à la boucherie !…

    comme des feuilles inutiles

    sont tombées les vols d’oiseaux

    dans les puits du temps

    ET me voilà, ma Rita, repêchant leurs ailes bleues.

    Je suis celui qui porte dans sa peau,

    gravée par les chaînes,

    une forme de la patrie.

    ____

     

    extrait de Rameaux d’olivier - 1964 :  INSCRIS

    Inscris !

    Je suis Arabe

    Le numéro de ma carte : cinquante mille

    Nombre d’enfants : huit

    Et le neuvième… arrivera après l’été !

    Et te voilà furieux !

     

    Inscris !

    Je suis Arabe

    Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine

    Et j’ai huit bambins

    Leur galette de pain

    Les vêtements, leur cahier d’écolier

    Je les tire des rochers…

    Oh ! je n’irai pas quémander l’aumône à ta porte

    Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais

    Et te voilà furieux !

     

    Inscris !

    Je suis Arabe

    Sans nom de famille - je suis mon prénom

    « Patient infiniment » dans un pays où tous

    Vivent sur les braises de la Colère

    Mes racines…

    Avant la naissance du temps elles prirent pied

    Avant l’effusion de la durée

    Avant le cyprès et l’olivier

    …avant l’éclosion de l’herbe

    Mon père… est d’une famille de laboureurs

    N’a rien avec messieurs les notables

    Mon grand-père était paysan - être

    Sans valeur - ni ascendance.

    Ma maison, une hutte de gardien

    En troncs et en roseaux

    Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?

    Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

     

    Inscris !

    Je suis Arabe

    Mes cheveux… couleur du charbon

    Mes yeux… couleur de café

    Signes particuliers :

    Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré

    Et ma paume est dure comme une pierre

    …elle écorche celui qui la serre

    La nourriture que je préfère c’est

    L’huile d’olive et le thym

     

    Mon adresse :

    Je suis d’un village isolé…

    Où les rues n’ont plus de noms

    Et tous les hommes… à la carrière comme au champ

    Aiment bien le communisme

    Inscris !

    Je suis Arabe

    Et te voilà furieux !

     

    Inscris

    Que je suis Arabe

    Que tu as rafflé les vignes de mes pères

    Et la terre que je cultivais

    Moi et mes enfants ensemble

    Tu nous as tout pris hormis

    Pour la survie de mes petits-fils

    Les rochers que voici

    Mais votre gouvernement va les saisir aussi

    …à ce que l’on dit !

     

    DONC

     

    Inscris !

    En tête du premier feuillet

    Que je n’ai pas de haine pour les hommes

    Que je n’assaille personne mais que

    Si j’ai faim

    Je mange la chair de mon Usurpateur

    Gare ! Gare ! Gare

    À ma fureur !

     

    ____

     

    Rien ne me plaît ,traduction par Jalel El Gharbi  :

     

     

    « Rien ne me plaît, dit un voyageur dans le bus, ni la radio

     

    Ni les journaux du matin, ni les citadelles sur les collines. 

     

    J’ai envie de pleurer»

     

    « Attends qu’on arrive et pleure tout ton saoul, répondit le chauffeur »

     

    « Moi non plus, dit une dame, rien ne me plaît. J’ai montré ma tombe à mon fils.

     

    Elle lui a plu : il s’y est endormi et ne m’a pas dit adieu »

     

    L’universitaire dit « Moi non plus, rien ne me plaît. 

     

    J’ai fait de l’archéologie et je n’ai jamais trouvé

     

    Mon identité dans une pierre. Suis-je vraiment

     

    Moi-même ? »

     

    Un soldat dit alors : « Moi non plus, rien ne me plaît

     

    Je traque une ombre qui me traque »

     

    Nerveux, le chauffeur dit alors : « Terminus ! Préparez-vous

     

    A descendre. 

     

    Tous lui crièrent : « Nous voulons aller au-delà du terminus

     

    Continuez donc ! »

     

    Quant à moi, je dis : « Faites-moi descendre. Je suis comme eux, rien ne me plaît mais je suis fatigué du voyage. »

     

    لاشيء يعجبني 

     

     

     

    ((لا شيءَ يُعْجبُني))

    يقول مسافرٌ في الباصِ – لا الراديو

    ولا صُحُفُ الصباح , ولا القلاعُ على التلال.

    أُريد أن أبكي/

    يقول السائقُ: انتظرِ الوصولَ إلى المحطَّةِ,

    وابْكِ وحدك ما استطعتَ/

    تقول سيّدةٌ: أَنا أَيضاً. أنا لا

    شيءَ يُعْجبُني. دَلَلْتُ اُبني على قبري’

    فأعْجَبَهُ ونامَ’ ولم يُوَدِّعْني/

    يقول الجامعيُّ: ولا أَنا ’ لا شيءَ

    يعجبني. دَرَسْتُ الأركيولوجيا دون أَن

    أَجِدَ الهُوِيَّةَ في الحجارة. هل أنا 

    حقاً أَنا؟/

    ويقول جنديٌّ: أَنا أَيضاً. أَنا لا

    شيءَ يُعْجبُني . أُحاصِرُ دائماً شَبَحاً

    يُحاصِرُني/

    يقولُ السائقُ العصبيُّ: ها نحن

    اقتربنا من محطتنا الأخيرة’ فاستعدوا

    للنزول.../

    فيصرخون: نريدُ ما بَعْدَ المحطَّةِ’

    فانطلق!

    أمَّا أنا فأقولُ: أنْزِلْني هنا . أنا

    مثلهم لا شيء يعجبني ’ ولكني تعبتُ

    من السِّفَرْ.

     

    _____

    A MA MERE

     

     

    Je me languis du pain de ma mère

    du café de ma mère

    des caresses de ma mère

    jour après jour

    l’enfance grandit en moi

    j’aime mon âge

    car si je meurs

    j’aurai honte des larmes de ma mère

     

    si un jour je reviens

    fais de moi un pendentif à tes cils

    recouvre mes os avec de l’herbe

    qui se sera purifiée à l’eau bénite de tes chevilles

    attache -moi avec une natte de tes cheveux

    avec un fil de la traîne de ta robe

    peut-être deviendrai-je un dieu

    oui un dieu

    si je parviens à toucher le fond de ton cœur

     

    si je reviens

    mets-moi ainsi qu’une brassée de bois dans ton four

    fais de moi une corde à linge sur la terrasse de ta maison

    car je ne peux plus me lever

    quand tu ne fais pas ta prière du jour

     

    j’ai vieilli

    rends-moi la constellation de l’enfance

    que je puisse emprunter avec les petits oiseaux

    la voie du retour

    au nid de ton attente

     

    ___

    LE CYPRÈS S’EST BRISÉ

     

     

    Le cyprès s’est brisé comme un minaret

    et il s’est endormi

    en chemin sur l’ascèse de son ombre,

    vert, sombre,

    pareil à lui-même. Tout le monde est sauf.

    Les voitures

    sont passées, rapides, sur ses branches.

    La poussière a recouvert

    les vitres … Le cyprès s’est brisé mais

    la colombe n’a pas quitté son nid déclaré

    dans la maison voisine.

    Deux oiseaux migrateurs ont survolé

    ses environs et échangé quelques symboles.

    Une femme a dit à sa voisine :

    Dis, as-tu vu passer une tempête ?

    Elle répondit : Non, ni un bulldozer …

    Le cyprès s’est brisé. Les passants sur ses débris ont dit :

    Il en a eu assez d’être négligé,

    il a sans doute vieilli

    car il est grand

    comme une girafe,

    aussi vide de sens qu’un balai

    et il n’ombrage pas les amoureux.

    Un enfant a dit : Je le dessinais parfaitement,

    sa silhouette est facile. Une fillette a dit :

    Le ciel est incomplet

    aujourd’hui que le cyprès s’est brisé.

    Une jeune homme a dit :

    Le ciel est complet

    aujourd'hui que le cyprès s’est brisé.

    Et moi, je me suis dit :

    Nul mystère,

    le cyprès s’est brisé, un point c’est tout.

    Le cyprès s’est brisé ! 


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  • KABIR : Il est le Souffle des souffles...

    Il est le Souffle des souffles... 

     

    Je ris de voir que le poisson dans l’eau a soif 

    La perle est dans ton cœur, ne cherche pas ailleurs 

    Comme l’iris est dans l’œil

    Qui ne voit pas cela le cherche en vain ailleurs 

     

    O Kabir, le daim cherche dans la forêt

    Le musc caché dans son nombril 

    Et l’homme cherche ailleurs

    Celui qui est dans son cœur

     

    N’imite pas le daim qui, cherchant dans les herbes

    Veut déterrer le musc que secrète son nombril 

     

    Ils cherchent tous ailleurs

    Celui qui est dans le cœur 

    A cause du voile épais de l’ignorance

    Nul ne voit l’Un 

     

    Comme l'huile dans le grain de sésame

    Et l’étincelle dans la pierre de silex

    Il est en toi 

    Fais-le jaillir si tu peux 

     

    Je croyais qu'Il était loin

    Mais Il est en chacun 

     

    En chaque forme vit le Sans-Forme

    Mais nul n’a compris ce mystère

     

    Rien en moi n’est à moi

    Car toute chose T’appartient

    Que puis-je perdre, en vérité

    Si je T’offre tout ce qui est à Toi

     

    Comme le suc de couleur rouge

    Qui imprègne les feuilles de myrte

    Ton essence imprègne tout ce qui vit

    Invisible dans le cœur 

     

    Depuis longtemps errant, cherchant l’essence universelle

    Si tu es las, pourquoi te tourmenter encore

    Fais jaillir cette étincelle divine 

    De toute éternité, cachée en toi, elle brille 

     

    कबीर

    KABIR : Il est le Souffle des souffles...

     

     


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  •  

    LORCA : Officine et dénonciation, et autres poèmes

    Officine et dénonciation

     

    A Fernando Vela

     

    Sous les multiplications

    il y a une goutte de sang de canard ;

    sous les divisions

    il y a une goutte de sang de marin ;

    sous les additions, un fleuve de sang tendre.

    Un fleuve qui avance en chantant

    par les chambres des faubourgs,

    qui est argent, ciment ou brise

    dans l’aube menteuse de New York.

    Les montagnes existent. Je le sais.

    Et les lunettes pour la science.

    Je le sais. Mais je ne suis pas venu voir le ciel.

    Je suis venu voir le sang trouble,

    Le sang qui porte les machines aux cataractes

    et l’esprit à la langue du cobra.

    Tous les jours on tue à New York

    quatre millions de canards,

    cinq millions de porcs,

    deux mille pigeons pour le plaisir des agonisants,

    un million de vaches,

    un million d’agneaux

    et deux millions de coqs,

    qui font voler les cieux en éclats.

    Mieux vaut sangloter en aiguisant son couteau

    ou assassiner les chiens

    dans les hallucinantes chasses à courre

    que résister dans le petit jour

    aux interminables trains de lait,

    aux interminables trains de sang,

    et aux trains de roses aux mains liées

    par les marchands de parfums.

    Les canards et les pigeons,

    les porcs et les agneaux

    mettent leurs gouttes de sang

    sous les multiplications,

    et les terribles hurlements des vaches étripées

    emplissent de douleur la vallée

    où l’Hudson s’enivre d’huile.

    Je dénonce tous ceux

    qui ignorent l’autre moitié,

    la moitié non rachetable

    qui élève ses montagnes de ciment

    où battent les coeurs

    des humbles animaux qu’on oublie

    et où nous tomberons tous

    à la dernière fête des tarières.

    Je vous crache au visage.

    L’autre moitié m’écoute

    dévorant, chantant, volant dans sa pureté,

    comme les enfants des conciergeries

    qui portent de fragiles baguettes

    dans les trous où s’oxydent

    les antennes des insectes.

    Ce n’est pas l’enfer, c’est la rue.

    Ce n’est pas la mort, c’est la boutique de fruits.

    Il y a un monde de fleuves brisés et de distances insaisissables

    dans la petite patte de ce chat

    cassée par l’automobile,

    et j’entends le chant du lombric

    dans le coeur de maintes fillettes.

    Oxyde, ferment, terre secouée.

    Terre toi-même qui nage

    dans les nombres de l’officine.

    Que vais-je faire ? mettre en ordre les paysages ?

    Mettre en ordre les amours qui sont ensuite photographies,

    Qui sont ensuite morceaux de bois et bouffées de sang?

    Non, non, non, non ; je dénonce.

    Je dénonce la conjuration

    de ces officines désertes

    qui n’annoncent pas à la radio les agonies,

    qui effacent les programmes de la forêt,

    et je m’offre à être mangé par les vaches étripées

    quand leurs cris emplissent la vallée

    où l’Hudson s’enivre d’huile.

    Federico Garcia Lorca

    Un poète à new York, “Officine et dénonciation”,

    tr. fr. Pierre Darmangeat modifiée, Gallimard, 1961.

    *

    Couleurs

     

    Au-dessus de Paris

    la lune est violette.

    Elle devient jaune

    dans les villes mortes.

    Il y a une lune verte

    dans toutes les légendes.

    Lune de toile d’araignée

    et de verrière brisée,

    et par-dessus les déserts

    elle est profonde et sanglante.

    Mais la lune blanche,

    la seule vraie lune,

    brille sur les calmes

    cimetières de villages.

    Federico Garcia Lorca, Chansons sous la lune

    *

    Lune de fête

     

    La lune

    on ne la voit dans les fêtes.

    Il y a trop de lunes

    sur la pelouse !

    Tout veut jouer à être lune.

    La même fête

    C’est une lune blessée

    qui est tombée sur la ville.

    Des lunes microscopiques

    dansent sur les vitres

    Et certaines restent

    Sur les gros nuages

    De la fanfare.

    La lune de l’azur

    on ne la voit pas dans les fêtes

    Elle se voile et soupire :

    ” J’ai mal aux yeux !”

     

    Federico Garcia Lorca, Poemas de la Feria

    Traduction de Winston Perez


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  • timia

     

    Pour la poésie touarègue en français et en tifinagh, cliquer sur :

    http://touaregsmirages.canalblog.com/archives/2009/03/10/14392623.html

    et Rhissa Rhossey

    "Jour et Nuit, Sable et Sang, poèmes sahariens »

    Éditions Transbordeurs

     

     

    Numériser0031 (2)

     

     

    *

     

    Nomades

     

    Hier encore

    Ils comptaient les étoiles

    Ils avaient tout le temps

    Et tout l'espace 

    Solitaires et libres

    N'écoutant que l'écho 

    De leur voix

     

    Aujourd'hui 

    Contrariés

    Leur lourd voile

    Obstrue leur regard

    Et ils ne peuvent compter les étoiles

    Pourtant encore ils rêvent

    Leurs rêves lumineux

    Comme la voie lactée

    Est en suspens dans le chant

    Des canons.

     

    Leur mouvement pris en otage

    Dans le filet des frontières

    Héritier d'une époque

    Sans gloire

    Les fils du vent et des étoiles

    Font du Silence et de l'oubli

    Leur triste mélodie

    *

    Prière d'un bouzou

     

    Le charbon sort de chez moi 

    Mais je suis dans les ténèbres 

    L'Uranium sort de chez moi 

    Mais je suis pauvre. 

    L'Aïr est une immense nappe phréatique 

    Mais j'ai soif. 

    Chez moi, il y a d'immenses

    Plaines fertiles ... inexploitées. 

    Chez moi il y a deux axes routiers :

    Celui qui Exporte l'Uranium

    Et celui qui Exploite le Charbon. 

    Et vous voudriez que je me taise 

    De toute façon je me tais 

    Puisque je suis en majorité Analphabète 

    Et patati patata 

    Que les bavards se taisent 

    Que les braves meurent

    Et que les lâches coopèrent 

    Pour la pérennité du système 

    Des loups. 

     

    Amen!

    *

    Souvenir

     

     

     

    Je me souviens

    D'un jour et d'une nuit 

    D'un jour de soleil 

    D'une nuit de glace

    Un souvenir de lutte 

    En ce temps-là 

    Mon passé entier 

    Était deux fois dix ans!

    Mon avenir: : l'Éternité 

    Ou l'instant suivant 

    Parce que j'avais vingt ans J

    E voulais changer le monde 

    Le modeler à ma guise 

    Le façonner à mon goût 

    C'est tout 

    J'avais lu un livre Vert

    Et un autre Rouge 

    Et beaucoup d'autres

    De toutes les couleurs 

    D'ailleurs 

    Tout cela est beau 

    Mais trop confus 

    J'avais besoin d'une chose : 

    La LIBERTÉ 

    Cela au moins était clair

    Ironie du sort

    Un jour ils m'ont pris 

    De ma maison 

    À leur prison

    Ça n'a pas été long 

    *

    Tam-tam

     

    C'est la nuit profonde 

    Et le tam-tam gronde

    Il gronde 

    Très fort

    Encore baraqués

    Devant les tentes

    Chameaux et chameliers

    S'impatientent

    Car longue est l'attente.

     

    C'est la nuit profonde

    Et le tam-tam gronde

    Il gronde

    Très fort

    Il appelle ceux des vallées

    Et ceux des plaines

    Il les appelle tous

    A la grande fête.

     

    C'est la nuit profonde

    Et le tam-tam gronde

    Tourbillon de poussière

    Et vertige des âmes

    Cadence des corps

    Hommes et bêtes

    Réconciliés

    Par le tam-tam

    Tournoient

    Et tournoient encore.

     

    C'est la nuit profonde

    Et le tam-tam gronde

    TENDEN Goumaten

    Entraîne tout

    Dans sa fureur

    Elle viole les âmes

    Les perce, les envole

    Rien que déchaînement

    Désordre, folie

    Les mots délivrés d'eux-mêmes 

    Epousent la fuite

    Des gestes

    Dans l'espace

    Nocturne

     

    C'est la nuit profonde

    Et le tam-tam gronde 

    Par la magie l'IRREEL

    Côtoie le Réel

    Le vrai et le faux se confondent.

    *

    Ténéré

     

     

    Terre ancestrale 

    Terre mythique 

    Terre magique

    Terre nombril de la terre 

    On te dit cruelle 

    Moi, je te dis maternelle 

    Non, je ne dirai jamais 

    Les secrets de ton lait

    Mère, la manne de tes mamelles 

    Mais je dirai la magie 

    Ta magie 

    D'ensemencer la vie 

    Dans le vide 

    Tes dunes 

    Ne sont pas des ras de sable sans vie

    Tes dunes sont vivantes

    Vivante ta lune 

    Ton silence n'est pas un gouffre 

    Mais clémence pour qui souffre 

    Et qui s'interroge

    Sur cette nature que l'on s'arroge

     

    *

    TENERE 

     

    Terre de méditation 

    Terre de création 

    Terre d' artistes 

    Terre ÉTERNELLE

    L'Homme est peintre

    Sur pierre 

    La femme est mannequin

    Le jour lumière 

    La nuit poète 

    Le vent ciseleur

    Sur marbre 

     

     

    TENERE 

    Tes enfants ne sont pas

    Des marionnettes

    Qu'on exhibe pour théâtre 

    A quatre sous 

    Ce sont des caravaniers 

    Qui tissent la fraternité 

    Ce sont de grands artisans 

    De l'Unité 

     

     

    TENERE 

    N'est-ce pas encore 

    Ta magie 

    Cette nostalgie 

    Qui toujours ramène à toi 

    Les Hommes de toutes les fois 

    Ta loi étant Ie toit 

    De l'Univers?

    Mer autrefois 

    Paradis ou Enfer Demain? 

    Qui dira le mystère ?

    *

    Thingalène

     

     

    Salut THINGALÈNE

    Remparts où butent

    Toutes les basses volontés 

    Tour au sommet 

    Réservée aux âmes pures 

    Tu es mon ARC DE TRIOMPHE

    Monument divin 

    Tu es pétri de la pierre 

    De la pierre pure et dure

    Larmes de feu 

    Vomissures des sables 

    Ou pilier de la terre 

    Dis-moi montagne qui es-tu 

    Vestige des hommes de prestige 

    Sommet aux grandeurs de vertiges 

    Kaocen et Dayak t'ont habité 

    Jamais je ne cesserai de te chanter 

    *

    Imbroglio

     

     

    Les jours passent 

    Les braves trépassent

    La résistance s'effiloche

    Et dans mon cœur 

    Le désenchantement 

    Va de sa pioche 

    Dans chaque vallée

    Sur chaque colline 

    Chacun crie sa tribu 

    Et revendique déjà 

    Son lopin de terre

    Celui-là dénonce son frère 

    Cet autre tue son père 

    'Oh ! Frère d'ÉGUIGUlRE 

    Oh ! Compagnon de TAZIRZlT

    Étaient-ce les paroles prophétiques 

    Qui se réalisent ? 

    La révolution est conçue par les savants

    Les braves y meurent

    Et les lâches en profitent 

    Qu'en penses-tu RABITINE ?

    INZAD trouve-t-il toujours écho

    Aux oreilles de ceux de l'épée? 

    *

    PRIERE

     

    Seigneur 

    Les charognes et les mangeurs de boue

    Ont prostitué L'esprit du souffle 

    Ils ont péché contre 

    La pureté originelle du souffle 

    Oh qu'il était grand 

    Jadis le souffle

    Quand il fusionnait les cœurs

    Dans un même brasier d'espoir

    Et subitement petit et vil Le souffle 

    Quand il dressait Frères contre frères

    Pour un grain de riz 

    Et un océan de mensonges 

    Oh Seigneur 

    Ne leur pardonne point 

    Ceux-là qui ont falsifié 

    L'esprit du souffle 

    Par leurs ventres qui ne remplissent jamais. 

    Par leurs regards qui percent les mystère

    Par leurs bouches qui disent plus 

    Qu'il ne faut dire 

    Oui ! Je les renie 

    *

    Je n'oublierai jamais

     

     

    Je n'oublierai jamais

    Un enfant de l'AÏR 

    Qui mourut un soir

    De grande gloire 

    Un jeune homme du terroir 

    Qui parlait le langage

    De la terre 

    Partout il semait des étoiles 

    Aux enfants il parlait d'école 

    Aux femmes de machines à coudre

    Aux hommes de chantiers 

    De grands champs de blé

    Aux jeunes de son âge 

    Dans son langage sans nuage

    Il ordonne la résistance 

    Jusqu'au bout du souffle 

    La lutte et le sacrifice 

    Marquèrent en lettres immuables 

    Son éphémère passage sur la terre

    Étrange prophète de l'amour et du travail 

    Qui arrosa de son sang

    Ses rêves innocents

    Et nourrit de son corps 

    La glaise maternelle 

    Pour l'éternité 

     

    Il mourut un soir 

    Le cœur plein d' espoir. 

    Au milieu des cris et du vacarme

    En démontant le tambour-major

    D'une fête barbare 

    Où le sang coulait à flots

    Rougissant encore plus l'aurore

    Où la chair valsait avec le fer

    Où le feu déchirait l'aube

     

    Les années ont passé

    Le Martyr demeure

    Si vous voulez le sentir

    Allez à TIMIA 

    Quand l'oasis sort de de son sommeil

    Comme une coquille qui s'ouvre

    Sur sa perle du matin

    Offrant sa beauté à L'Espoir

    D'un jour naissant

    Là au milieu des jardins

    Dans les sables 

    Ou sur les montagne 

    Il est dans chaque grenadier

    Dans chaque dattier

    Dans chaque barrement d'ailes

    Il fait partie du paysage

    Comme la cascade

    Comme l'humus qui nourrit la fange

    Comme le chant des petites bergères

    Qui perce les nuages 

     

    Si vous voulez le sentir 

    Allez à TIGGUIDA

    *

    La Résistance était en moi

     

     

     

    Il fut un temps j'ai porté la résistance 

    Au plus profond de mes fibres 

    Elle était dans mon sang 

    Elle était dans mes larmes

    Elle était dans ma sueur 

    Elle était ma moelle épinière 

    La résistance était mon souffle

    Elle était les pulsations mêmes de mon pouls 

    Elle était en chaque atome de mon corps 

    La résistance était en moi 

    Elle était dans mes nerfs 

    Et dans mes muscles 

    *

    Lecture

     

     

    À la lumière jaune 

    De ta lampe-tempête 

    Tu t'éclaires 

    Le soir quand 

    Tout repose 

    Et que le village

    Retrouve son âme 

    Dans le sillage 

    De la nuit 

     

    Couché à plat ventre 

    Courbé sut ton livre 

    La face éclaboussée de lumière jaune 

    Tu déchiffres l'écriture 

    Qui déjà t'appelle à l'aventure 

    Énigmatique des temps 

    Futurs 

     

    Et puis la nuit s'éveille

    *

    Les mots

     

     

    Les mots ! 

    Ils sont dociles 

    Doux et charmants 

    Ils vous suivent partout 

    Tout au long des chemins 

    Et vous font tout dire

     

    Il faut beaucoup de patience 

    Pour les apprivoiser 

    Surtout quand ils sont d'une autre race 

    Il suffit d'un rien pour les effaroucher 

    Je crois qu'ils n'aiment pas le bruit 

    Et préfèrent la solitude 

     

    Ils sont omnivores 

    Ils se nourrissent d'un grain de joie 

    D'un grain de douleur 

    Ils boivent l'eau des océans, des mers 

    Et même des petits ruisseaux 

     

    Le poète est leur berger

    Il les compte et recompte chaque soir 

    Quand le silence descend sur la terre 

    Pourvu qu'ils soient au rendez-vous 

    Il y a des mots.. Blancs d'innocence

    Gais comme des agneaux 

    Il y en a des Noirs comme des corbeaux

    Amers comme des bourreaux

    Et d'autres tristes comme des tombeaux 

    Ce sont là des mots douleurs

    Et moi pour les exorciser je veux 

    Des mots volcans 

    Laves fumantes de vérité 

    Des mots tempêtes 

    Désarçonnant des remparts de préjugés 

    Des mots brasiers 

     

    Ce sont de grandes chevauchées

    Des mots inapprivoisés 

    Des mots débridés 

    Qu'il me faut 

    Ce sont des mots indisciplinés 

    Des mots sans limite

    Des mots sans entrave 

    Des mots sans papier

    Des mots "viole-frontière qu'il me faut

    Des mots nomades-sans-escale 

     

    Il me faut des mots boucliers

    Des mots rebelles 

    Des mots pilonne-caserne 

    Des mots mine-Cubli 

    Des mots roquettes-mépris 

    Je veux des mots [eux follets Je veux des mots feux follets

    Je veux des mots fous

    Des mots, des mots furieux 

    Des mots Forts

    *

    Les Sept

     

     

    Ils sont Sept 

    Sept 

    Un chiffre étrange 

    Étrange et mystique 

    Sept 

    Emportés du fin fond 

    De la nuit 

    Vers où 

    Par où 

    Sept hommes 

    emportés 

    disparus 

    Pourquoi 

    Pour qui 

    Ils sont sept 

    Je pose sept fois 

    La même question

     

    TAMGAK 

    TAGUIRERTE 

    TINZAWATENE 

    Ou TAIKARENE 

    Montagnes majestueuses de mon bled 

    Ô rochers mystérieux 

    Et silencieux 

    N’avez-vous rien vu passer 

    AQMI Français ou Américains 

    De grâce 

    Allez-y ailleurs 

    Porter vos conflits 

    Nos enfants en ont assez 

    Assez du chant des canons 

    *

    Hommage à Aimé Césaire

     

    Le silence du Tambour-major

     

    Jeudi 16 avril 2008 

    Au bout du petit matin... 

    L'immensité du désastre 

    L'humanité retient son souffle 

    Des larmes sur les cinq continents 

    Les océans stagnent 

    Les fleuves suspendent leurs cours 

    Tambours, koras et balafons 

    Ravalent leurs sons 

    Les rois des forêts, savanes et déserts 

    Retiennent leurs gestes 

    Qui se figent 

    Et même les oiseaux au fond du ciel 

    Immobilisent leur envol 

    Les chiens se taisent ...

    La tragédie des rois... 

    La tempête sanglote, 

    LUMUMBA tourne dans sa tombe 

    Un Nègre 

    Un très grand Nègre 

    Se retire 

    Un poing ferme et dur 

    Un poing de fraternité et de dignité 

    S'en va 

    Mais la Révolte 

    La Révolte demeure 

    Aimé Césaire

    *

     

    A l'abri de leur regard

     

     

    Les étoiles peuvent pâlir 

    Le soleil s'éclipser 

    Mon âme toujours s'éclaire 

    De sa lumière éternelle. 

    Je sais qu'ils titubent encore 

    Dans la nuit. 

    Ils tâtonnent hélas 

    Mais leurs mains sèches

    Ne caressent que des rêves morts. 

    Croyant meilleur leur sort 

    Ils ont tous abdiqué 

    Seigneur sauve-les de la nuit 

    La nuit douloureuse et sans fin 

    Qui entrave le mouvement 

    Qui aveugle le regard 

    Qui alourdit la langue 

    Cette nuit oppressante 

    Qui nous emportera tous Inéluctablement 

    Si nous ne fusionnons pas 

    Nos lumières éternelles 

    Qui palpitent secrètes 

    Au fond de nous 

    À l'abri de leur regard. 

    *

    Ashamor

     

    Seul

    Il n'a pas de toit

    A ses yeux

    Pas de lois qui tiennent

    Devant lui l'impossible recule

    Il recule chaque jour un peu plus

    Il n'est rien

    Il a tout

    De la vie en attendant le meilleur

    Il prend le pire

     

    Magicien de Génie

    De ces rêves, il fait des réalités

    *

    AÏR

     

    Pour Aboubé

     

     

    Au bout du monde 

    L'AIR 

    Chez moi, 

    Il y a plein de vallées 

    Peuplées de jardiniers 

    Au salut facile 

    Plein de plaines 

    Aux noms de femmes

    Des montagnes 

    Aux écritures oubliées.

     

    Dans ce pays 

    Il n'y a pas toujours 

    De quoi se vêtir 

    Mais le cœur y est 

    Chaud à l'amour

     

    Très souvent 

    Le ventre y est vide 

    Le cœur ramassé 

    Pour s'y amuser Il suffit d'une peau de chèvre 

    D'un mortier de bois 

    Quelques belles 

    Et la fête commence 

    Les fêtes balancent 

    Et cadencent

     

    Ce pays est beau 

    Et pour les yeux 

    Et pour le cœur

     

     

     

    *

    Au magicien de la boue

    A Mousa Abou,architecte touareg

     

     

    Enfant du terroir 

    Véritable fils de la glaise 

    Que de la fange 

    Tes doigts d'ange 

    Nous érigent des cités 

    Où il fera bon vivre

    La terre du Sahel 

    Craquelée et assoiffée 

    Devient matière première

    Entre tes mains de magicien 

     

    Fertilise-la 

    Cette terre d'abandon 

    Et dis-nous le secret de la création

    Érige-nous des villes

    Des villes saines 

    Des villes sans exclusion 

    Des villes sans bidonville 

    Oui, des cités sereines 

    Accordées à l'espace

    À l'air, à l'eau À la vie 

     

    Fils des tentes 

    Flottantes 

    À tous les vents 

    Qui saurait 

    Mieux que toi

    Donner un abri

    Aux sans-abri 

    Qui disputent 

    Aux rats 

    Le rez-de-chaussée? 

    Architecte aux doigts d'or

    Enracine-nous à la terre 

    *

    Blessure

     

    Vendredi 28 août 1992 

    Un jour macabre s'est levé 

    Sur la cité au Minaret millénaire 

    Comme un fleuve en crue 

    La haine a déferlé

    La haine Nue 

    Sauvage 

    Tumultueuse 

    Une meute désemparée 

    Sans chef ni subordonné 

    S'est ruée vers la ville 

    La ville innocente et docile. 

    Alors commença la danse barbare 

    Des proies faciles 

    Maison par maison 

    La horde écumait la ville 

    Mettait dans ses fourgons 

    Des civils innocents. 

    La peur s'installait 

    Les miens traqués

    Rasaient les murs.

    Partout on arrête 

    On torture sans murmure 

    Sous des yeux douloureusement 

    Indifférents

    Exultant, applaudissant le carnage

    Le deuil s'installait 

    La douleur incommensurable.

     

    Dans les gares 

    Sur les routes 

    Dans les rues

    Et jusqu'au fond des case

    Sinistrement silencieuses 

    Ils arrêtent les miens 

    Tous les miens 

    Tapis à l 'ombre de la terreur

    Les miens entassés 

    Dans la honte 

    Dans la sueur 

    Dans les larmes.

    Les miens Au creux des cellules sordides

    Puantes

    Puantes de mille pourritures...

     

     

    Oh Seigneur! De quel Répondaient les miens !

    Pourquoi endossent-ils les péchés

    De tout l'univers ? 

    Le fils et le père enchaînés

    À la même chaîne de la honte.

    Les frères rampant dans la sueur et le sang 

    Sous les caresses cruelles

    Des lumières brûlantes. 

     

    Seules les femmes 

    Debout dans la tourmente 

    Le poing dur

    L'insulte à la bouche

    *

    Chant funèbre pour Mano Dayak

     

     

    Tu n'est plus

    Et mes larmes ne tariront plus 

    Ton sang, ton corps et tes os 

    Sont à jamais mêlés à ces sables que tu as

    tant aimés

    Es-tu mort au-dessus de CHIRIET aux dunes 

    dorées 

    Ou en amont de TAMGAK qui rime avec ta 

    lutte ? 

    Sont-ce les terres maternelles de TEMET qui 

    te retiennent 

    Qui te réclament pour l'Éternité ? 

    Le désert est FIDÈLE 

    Comme tu l'as porté à bout de bras, au 

    bout du monde 

    Le TÉNÉRÉ te porte désormais en son sein 

    Pour toujours ton ÂME aura la clarté de ses 

    dunes 

    Et ta MÉMOIRE la grandeur de ses montagnes 

    Ta mère est deuil, et tu es le Fils de

    toutes les mères 

    Ton père est en deuil, et tu es le Fils de tous

    les pères 

    Ton frère est en deuil, et tu es le Frère de

    TOUS les HOMMES, 

    GRAND GUIDE 

    La caravane est au bout de l'étape 

    Et la SOURCE annoncée n'est pas loin 

    Dans la nuit sans étoile et par la tempête 

    Tu nous as menés et à présent 

    REPOSE-TOI EN PAIX 

    *

    Foule

     

     

    Foule, Foule 

    Je t'aime dans ton docile 

    Mouvement 

    Dans ton harmonie 

    Dans ta cohérence 

    Foule, Foule 

    Fais corps avec mon corps 

    Fais de mon âme Ton Esprit 

     

     

    Foule, je te crains 

    Dans ta folie 

    Quand Furieuse

    Tu foules du pied 

    Ce que tu as construit 

    Foule, Foule 

    Tu es belle 

    Quand tu foules la tyrannie 

     

    Foule 

    Tu es à l'image 

    De l'homme 

    Insaisissable

    Dans ton élan 

    Imprévisible 

    Dans ton surgissement 

     

    Foule 

    Tu es femme 

    Quand tu aimes

    Et l'Amour 

    Coule

    De tes mains 

    De tes yeux 

    De ton cri 

     

    Foule 

    De tous les continents 

    De toutes les couleurs 

    J'aimerai toujours 

    Voir s'écraser

    À la face des tyrans 

    Ton cri

    Mon cri 

    Ton poing 

    Mon poing 

     

    Foule, fais foule avec mes Rêves 

    *

    Poème pour célébrer la paix

     

     

    Nigériens, mes frères 

    Quelle est donc cette brise 

    Qui souffle sur la terre 

    Du Moro Naba 

    Ce vent si frais gui souffle 

    Du pays des « hommes intégrés » 

    Ce vent aux relents de paix ? 

    Oh patrie 

    Patrie aimée 

    Patrie mienne 

    Rectifie ta marche

    Va droit sur le chemin 

    De la paix et de ]'amour 

    À la haine, à la violence 

    Fais volte-face pour toujours 

    PAIX 

     

    PAIX sur toutes les races de chagrins 

    Tant de vallées ont baigné dans le sang 

    Tant de koris où ne coulent plus

    Que des larmes 

    Tant de morts sans nom 

    Tant de haine dans les coeurs 

    Tant de chaînes sans raison 

    Tant d'innocents dans les fournaises 

    Des prisons 

    Souviens-toi PATRIE 

    Oh PATRIE 

    Des fuites éperdues des familles traquées

    Ah ! Les songes inachevés 

    Des nuits saturées de mensonges ! 

     

    PAIX

    Paix pour l'âme de mes morts 

    Pour les blessés dans leur corps 

    Pour les blessés dans leur coeur 

    Pour les mutilés 

    Pour les déportés 

    Pour les prisonniers 

    Pour les exilés 

    Pour les égarés

    Pour tous, PAIX et espoir

    Oh Patrie regarde

    Regarde autour de toi 

    Ce monde sans loi 

    Ce monde qui brûle 

    Qui hurle, hurle, hurle 

    J'ai dit : Libéria Taylor la mort ! Taylor la torture ! 

     

    Horreur ! 

    Les longues files

    Des orphelins et veuves qui enfilent 

    Les labyrinthes inhospitaliers des exils 

    J'ai dit : Burundi ! 

    Ces frères qui s'entre-déchirent!

    *

    POURTANT

     

    Au coin d'un lopin 

    De terre oublié 

    Je feuillette 

    Des rêves morts 

    Éclaboussés de nuit 

     

    Il n'y avait pas d'oiseau 

    Pas d'arbre 

    Pas même un brin d'herbe 

    Tout est triste 

    Et désolé 

     

    Pourtant 

    De mon talon nu 

    La source est née 

    Et mes rêves s'animèrent 

     

    Le jour fut 

    Il y eut plein d'oiseaux

    Beaucoup d'arbres 

    Et plein d'herbe 

     

    Tout est beau 

    Et charmant 

    Quand le jour s'élève !

    *

    Pas de nom

     

    Mon frère d'outre-mer

    Surtout pas de nom

    Je ne suis pas le fils 

    Du vent et des nuages

    Je suis le fils de la fange

    De la fange stérile et rouge

    Sables, montagnes et pierres

    Je suis le fils de la terre

    Maternelle

    Silence, oubli, mépris

    Je suis l'enfant des douleurs

    Éternelles

    Non, frère, je ne suis pas

    Je ne suis plus

    Le Seigneur du désert 

    Mais l'esclave 

    Des horizons nus

    *

    Para nymphe pour un muselé

    Pour Mamana Abou, directeur du journal «le Républicain», éd

     

     

     

     

    Ils l'ont encore arrêté 

    Mon pote

    Pour la énième fois

    Décidément tu n'as pas la cote 

    Oui ta salive est sabre 

    De canon contre leurs mensonges 

    Ton encre acide qui dévoile 

    La toile mesquine de leur supercherie 

    Rappelle-toi mon pote 

    Hier c'était le feu 

    Ils ont brûlé Le Républicain. 

    Naïfs, ils ont bastonné pour faire 

    Taire la conscience 

    Aujourd'hui ils bâillonnent 

    Ils bâillonnent la grande gueule 

    Ou la grande plume 

    Oui la conscience éclairée de 

    La presse nigérienne, j'ai dit :

    Mamane Abou !

    Et je vois le pays entier debout 

    Debout dans les rues pour dire NON !

    .Libérez-le, il n'a fait que DÉNONCER 

    Libérez-le, il n'a fait qu' ÉCRIRE

    Libérez-le, il n'a fait que DÉVOILE

    Dé-voi-lé ! 

     

     

     

    *

    JE N'OUBLIERAI JAMAIS

    pour Almoudou Introudourène  Zinder, 22 février 1999

     

    Je n'oublierai jamais / Un enfant de l'AÏR  / Qui mourut un soir / De grande gloire  / Un jeune homme du terroir  / Qui parlait le langage / De la terre  / Partout il semait des étoiles  / Aux enfants il parlait d'école  / Aux femmes de machines à coudre / Aux hommes de chantiers  / De grands champs de blé / Aux jeunes de son âge  / Dans son langage sans nuage / Il ordonne la résistance / Jusqu'au bout du souffle  / La lutte et le sacrifice  / Marquèrent en lettres immuables  / Son éphémère passage sur la terre / Étrange prophète de l'amour et du travail  / Qui arrosa de son sang / Ses rêves innocents / Et nourrit de son corps  / La glaise maternelle  / Pour l'éternité

    Il mourut un soir  / Le cœur plein d' espoir / Au milieu des cris et du vacarme / En démontant le rambour-:major / D'une fête barbare / Où le sang coulait à  flots /  Rougissant encore plus  l' aurore / Où la chair valsait avec le fer / Où le feu déchirait l'aube / Les années ont  passé / Le Martyr demeure /  Si vous voulez le sentir / Allez à TIMIA  / Quand  l'oasis sort de  de son sommeil / Comme une coquille qui s'ouvre / Sur sa perle du matin / Offrant sa beauté à L'Espoir / D'un jour naissant / Là au milieu des jardins / Dans les sables  / Ou sur les montagne / Il est dans chaque grenadier / Dans chaque dattier / Dans chaque battement d'ailes / Il fait partie du paysage / Comme la cascade / Comme l'humus qui nourrit la fange / Comme le chant des petites bergères / Qui perce les nuages

    Si vous voulez le sentir  / Allez à TIGGUIDA / Là  il est dans chaque épi de blé  / Qui défie le ciel bleu  / Si vous voulez le sentir / Allez à TIGGUIDIT  / Là il est dans chaque poignée de main  / Qui construit demain  / Je n'oublierai jamais  / La sentinelle fantôme / D'un enfant dans l'AÏR  / Qui veille sur le sommeil des petites gens / Par-delà les ténèbres 

     

    Rhissa Rhossey

     

     

     

    *

     

     

     

    POÈME POUR CÉLÉBRER LA PAIX

    Nigériens, mes frères / Quelle est donc cette brise / Qui souffle sur la terre / Du Moro Naba / Ce vent si frais gui souffle / Du pays des " hommes intégrés / Ce vent aux relents de paix ? / Oh patrie / Patrie aimée / Patrie mienne / Rectifie ta marche / Va droit sur le chemin / De la paix et de ]'amour / À la haine, à la violence / Fais volte-face pour toujours / PAIX

     

    PAIX sur toutes les faces de chagrins / Tant de vallées ont baigné dans le sang / Tant de koris  où ne coulent plus / Que des larmes / Tant de morts sans nom / Tant de haine dans les cœurs / Tant de chaînes sans raison / Tant d'innocents dans les fournaises / Des prisons / Souviens-toi PATRIE / Oh PATRIE / Des fuites éperdues des familles traquées / Ah ! Les songes inachevés / Des nuits saturées de mensonges !

     

    PAIX / Paix pour l'âme de mes morts / Pour les blessés dans leur corps / Pour les blessés dans leur cœur / Pour les mutilés / Pour les déportés / Pour les prisonniers / Pour les exilés / Pour les égarés / Pour tous, PAIX et espoir / Oh Patrie regarde / Regarde autour de toi / Ce monde sans loi / Ce monde qui brûle / Qui hurle, hurle, hurle / J'ai dit : Liberia Taylor la mort ! Taylor la torture !  / Horreur ! / Les longues files / Des orphelins et veuves qui enfilent / Les labyrinthes inhospitaliers des exils / J'ai dit: Burundi !

     

    Ces frères qui s'entre-déchirent !

     

     

     


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  • Le malheur d'aimer

     

    Que sais-tu des plus simples choses

    Les jours sont des soleils grimés

    De quoi la nuit rêvent les roses

    Tous les feux s'en vont en fumée

    Que sais-tu du malheur d'aimer

     

    Je t'ai cherchée au bout des chambres

    Où la lampe était allumée

    Nos pas n'y sonnaient pas ensemble

    Ni nos bras sur nous refermés

    Que sais-tu du malheur d'aimer

     

    Je t'ai cherchée à la fenêtre

    Les parcs en vain sont parfumés

    Où peux-tu où peux-tu bien être

    A quoi bon vivre au mois de mai

    Que sais-tu du malheur d'aimer

     

    Que sais-tu de la longue attente

    Et ne vivre qu'à te nommer

    Dieu toujours même et différente

    Et de toi moi seul à blâmer

    Que sais-tu du malheur d'aimer

     

    Que je m'oublie et je demeure

    Comme le rameur sans ramer

    Sais-tu ce qu'il est long qu'on meure

    A s'écouter se consumer

    Connais-tu le malheur d'aimer

     

    *

    Enfer-les-Mines

     

    Charade à ceux qui vont mourir Égypte noire

    Sans Pharaon qu'on puisse implorer à genoux

    Profil terrible de la guerre où sommes-nous

    Terrils terrils ô pyramides sans mémoire

     

    Est-ce Hénin-Liétard ou Noyelles-Godault

    Courrières-les-Morts Montigny-en-Gohelle

    Noms de grisou Puits de fureur Terres cruelles

    Qui portent çà et là des veuves sur leurs dos

     

    L'accordéon s'est tu dans le pays des mines

    Sans l'alcool de l'oubli le café n'est pas bon

    La colère a le goût sauvage du charbon

    Te souviens-tu des yeux immenses des gamines

     

    Adieu disent-ils les mineurs dépossédés

    Adieu disent-ils et dans le coeur du silence

    Un mouchoir de feu leur répond Adieu C'est Lens

    Où des joueurs de fer ont renversé leurs dès

     

    Etait-ce ici qu'ils ont vécu Dans ce désert

    Ni le lit de l'amour dans le logis mesquin

    Ni l'ombre que berçait l'air du Petit Quinquin

    Rien n'est à eux ni le travail ni la misère

     

    Ils s'en iront puisqu'on les chasse ils s'en iront

    C'est fini les enfants qu'on lave à la fontaine

    Tandis que chante sous un ciel tissé d'antennes

    La radio des bricoleurs dans les corons

     

    Ils n'iront plus le soir danser à la ducasse

    L'anthracite s'éteint aux pores de leur peau

    Ils n'allumeront plus la lampe à leur chapeau

    Ils s'en iront Ils s'en iront puisqu'on les chasse

     

    Les toits se sont assis sur le sol sans façon

    Qui marche en plein milieu des étoiles brisées

    Des fuyards jurent à mi-voix Une fusée

    Promène dans la nuit sa muette chanson

     

    ___

     

    MERVEILLES

     

     

    Tous ceux qui parlent des merveilles

    Leurs fables cachent des sanglots

    Et les couleurs de leur oreille

    Toujours à des plaintes pareilles

    Donnent leurs larmes pour de l'eau

     

    Le peintre assis devant sa toile

    A-t-il jamais peint ce qu'il voit

    Ce qu'il voit son histoire voile

    Et ses ténèbres sont étoiles

    Comme chanter change la voix

     

    Ses secrets partout qu'il expose

    Ce sont des oiseaux déguisés

    Son regard embellit les choses

    Et les gens prennent pour des roses

    La douleur dont il est brisé

     

    Ma vie au loin mon étrangère

    Ce que je fus je l'ai quitté

    Et les teintes d'aimer changèrent

    Comme roussit dans les fougères

    Le songe d'une nuit d'été

     

    Automne automne long automne

    Comme le cri du vitrier

    De rue en rue et je chantonne

    Un air dont lentement s'étonne

    Celui qui ne sait plus prier


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  • Un oiseau chante ne sais où

    C’est je crois ton âme qui veille

    Parmi tous les soldats d’un sou

    Et l’oiseau charme mon oreille

     

    Écoute il chante tendrement

    Je ne sais pas sur quelle branche

    Et partout il va me charmant

    Nuit et jour semaine et dimanche

     

    Mais que dire de cet oiseau

    Que dire des métamorphoses

    De l’âme en chant dans l’arbrisseau

    Du coeur en ciel du ciel en roses

     

    L’oiseau des soldats c’est l’amour

    Et mon amour c’est une fille

    La rose est moins parfaite et pour

    Moi seul l’oiseau bleu s’égosille

     

    Oiseau bleu comme le coeur bleu

    De mon amour au coeur céleste

    Ton chant si doux répète-le

    À la mitrailleuse funeste

     

    Qui chaque à l’horizon et puis

    Sont-ce les astres que l’on sème

    Ainsi vont les jours et les nuits

    Amour bleu comme est le coeur même

    *

    Obus couleur de lune 

    Voici de quoi est fait le chant symphonique de l’amour

    Il y a le chant de l’amour de jadis

    Le bruit des baisers éperdus des amants illustres

    Les cris d’amour des mortelles violées par les dieux

    Les virilités des héros fabuleux érigées comme des pièces contre avions

    Le hurlement précieux de Jason

    Le chant mortel du cygne

    Et l’hymne victorieux que les premiers rayons du soleil ont fait chanter à

    Memnon l’immobile

    Il y a le cri des Sabines au moment de l’enlèvement

    Il y a aussi les cris d’amour des félins dans les jongles

    La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales

    Le tonnerre des artilleries qui accomplissent le terrible amour des peuples

    Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté

     

    Il y a là le chant de tout l’amour du monde

     

    *

    Mon très cher petit Lou je t’aime

     

    Ma chère petite étoile palpitante je t’aime

    Corps délicieusement élastique je t’aime

    Vulve qui serre comme un casse-noisette je t’aime

    Sein gauche si rose et si insolent je t’aime

    Sein droit si tendrement rosé je t’aime

    Mamelon droit couleur de champagne non champagnisé je t’aime

    Mamelon gauche semblable à une bosse du front d’un petit veau 

    qui vient de naître je t’aime

    Nymphes hypertrophiées par tes attouchements fréquents je vous aime

    Fesses exquisément agiles qui se rejettent bien en arrière je vous aime

    Nombril semblable à une lune creuse et sombre je t’aime

    Toison claire comme une forêt en hiver je t’aime

    Aisselles duvetées comme un cygne naissant je vous aime

    Chute des épaules adorablement pure je t’aime

    Cuisse au galbe aussi esthétique qu’une colonne de temple antique je t’aime

    Oreilles ourlées comme de petits bijoux mexicains je vous aime

    Chevelure trempée dans le sang des amours je t’aime

    Pieds savants pieds qui se raidissent je vous aime

    Reins chevaucheurs reins puissants je vous aime

    Taille qui n’a jamais connu le corset taille souple je t’aime

    Dos merveilleusement fait et qui s’est courbé pour moi je t’aime

    Bouche Ô mes délices ô mon nectar je t’aime

    Regard unique regard-étoile je t’aime

    Mains dont j’adore les mouvements je vous aime

    Nez singulièrement aristocratique je t’aime

    Démarche onduleuse et dansante je t’aime

    Ô petit Lou je t’aime je t’aime je t’aime.

     

     

    note de Jean Pierre Pinon : En septembre, à Nice depuis le début du mois, Apollinaire rencontre Louise de Coligny-Châtillon

    le 27 septembre 1914. Il la courtise sans la vaincre et lui envoie des poèmes (Poèmes à Lou

    & Lettres à Lou).

    Le 6 décembre 1914, il arrive au 38e Régiment d'artillerie de Campagne de Nîmes. 'Lou' le rejoint

    le 7 decembre pour une semaine de passion. Les 27 et 28 mars 1915, il passe sa troisième et dernière

    permission auprès de Lou. C'est la rupture définitive mais les deux amants promettent de rester amis...

     

    ____

     

    LE POÈTE

     

    Je me souviens ce soir de ce drame indien

    Le Chariot d’Enfant un voleur y survient

    Qui pense avant de faire un trou dans la muraille

    Quelle forme il convient de donner à l’entaille

    Afin que la beauté ne perde pas ses droits

    Même au moment d’un crime

    Et nous aurions je crois

    À l’instant de périr nous poètes nous hommes

    Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes

     

    Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté

    N’est la plupart du temps que la simplicité

    Et combien j’en ai vu qui morts dans la tranchée

    Étaient restés debout et la tête penchée

    S’appuyant simplement contre le parapet

     

    J’en vis quatre une fois qu’un même obus frappait

    Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes

    Avec l’aspect penché de quatre tours pisanes

     

    Depuis dix jours au fond d’un couloir trop étroit

    Dans les éboulements et la boue et le froid

    Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture

    Anxieux nous gardons la route de Tahure

     

    J’ai plus que les trois coeurs des poulpes pour souffrir

    Vos coeurs sont tous en moi je sens chaque blessure

     

    Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir

    Cette nuit est si belle où la balle roucoule

    Tout un fleuve d’obus sur nos têtes s’écoule

    Parfois une fusée illumine la nuit

    C’est une fleur qui s’ouvre et puis s’évanouit

     

    La terre se lamente et comme une marée

    Monte le flot chantant dans mon abri de craie

    Séjour de l’insomnie incertaine maison

    De l’Alerte la Mort et la Démangeaison

    LA TRANCHÉE

     

    Ô jeunes gens je m’offre à vous comme une épouse

    Mon amour est puissant j’aime jusqu’à la mort

    Tapie au fond du sol je vous guette jalouse

    Et mon corps n’est en tout qu’un long baiser qui mord

     

    LES BALLES

     

    De nos ruches d’acier sortons à tire-d’aile

    Abeilles le butin qui sanglant emmielle

    Les doux rayons d’un jour qui toujours renouvelle

    Provient de ce jardin exquis l’humanité

    Aux fleurs d’intelligence à parfum de beauté

     

    LE POÈTE

     

    Le Christ n’est donc venu qu’en vain parmi les hommes

    Si des fleuves de sang limitent les royaumes

    Et même de l’Amour on sait la cruauté

    C’est pourquoi faut au moins penser à la Beauté

    Seule chose ici-bas qui jamais n’est mauvaise

    Elle porte cent noms dans la langue française

    Grâce Vertu Courage Honneur et ce n’est là

    Que la même Beauté

    LA FRANCE

     

    Poète honore-là

    Souci de la Beauté non souci de la Gloire

    Mais la Perfection n’est-ce pas la Victoire

     

    LE POÈTE

     

    Ô poètes des temps à venir ô chanteurs

    Je chante la beauté de toutes nos douleurs

    J’en ai saisi des traits mais vous saurez bien mieux

    Donner un sens sublime aux gestes glorieux

    Et fixer la grandeur de ces trépas pieux

     

    L’un qui détend son corps en jetant des grenades

    L’autre ardent à tirer nourrit les fusillades

    L’autre les bras ballants porte des seaux de vin

    Et le prêtre-soldat dit le secret divin

     

    J’interprète pour tous la douceur des trois notes

    Que lance un loriot canon quand tu sanglotes

     

    Qui donc saura jamais que de fois j’ai pleuré

    Ma génération sur ton trépas sacré

     

    Prends mes vers ô ma France Avenir Multitude

    Chantez ce que je chante un chant pur le prélude

    Des chants sacrés que la beauté de notre temps

    Saura vous inspirer plus purs plus éclatants

    Que ceux que je m’efforce à moduler ce soir

    En l’honneur de l’Honneur la beauté du Devoir

     

    17 décembre 1915 – pour toi mon grand-père inconnu mort des suites de cette guerre !

     

    ____

    Per te praesentit aruspex

     

     

    O mon très cher amour, toi mon œuvre et que j'aime,

    A jamais j'allumai le feu de ton regard,

    Je t'aime comme j'aime une belleœuvre d'art,

    Une noblestatue, un magique poème.

     

    Tu seras, mon aimée, un témoin de moi-même.

    Je te crée à jamais pour qu'après mon départ,

    Tu transmettes mon nom aux hommes en retard

    Toi, la vie et l'amour, ma gloire et mon emblème; 

     

    Et je suis soucieux de ta grande beauté

    Bien plus que tu ne peux toi-même en être fière:

    C'est moi qui l'ai conçue et faite toute entière.

     

    Ainsi, belle œuvre d'art, nos amours ont été

    Et seront l'ornement du ciel et de la terre,

    O toi, ma créature et ma divinité !

     

     

    ___

     

     

    Sanglots.

     

     

     

    Notre amour est réglé par les calmes étoiles

     

    Or nous savons qu'en nous beaucoup d'hommes respirent

     

    Qui vinrent de très loin et sont un sous nos fronts

     

    C'est la chanson des rêveurs

     

    Qui s'étaient arraché le coeur

     

    Et le portaient dans la main droite 

     

    Souviens-t'en cher orgueil de tous ces souvenirs

     

     

     

    Des marins qui chantaient comme des conquérants

     

    Des gouffres de Thulé, des tendres cieux d'Ophir

     

    Des malades maudits, de ceux qui fuient leur ombre

     

    Et du retour joyeux des heureux émigrants.

     

    De ce coeur il coulait du sang

     

    Et le rêveur allait pensant

     

    À sa blessure délicate 

     

    Tu ne briseras pas la chaîne de ces causes

     

    Et douloureuse et nous disait

     

    Qui sont les effets d'autres causes

     

    Mon pauvre coeur, mon coeur brisé

     

    Pareil au coeur de tous les hommes

     

    Voici nos mains que la vie fit esclaves

     

    Est mort d'amour ou c'est tout comme

     

    Est mort d'amour et le voici Ainsi vont toutes choses

     

    Arrachez donc le vôtre aussi

     

    Et rien ne sera libre jusqu'à la fin des temps

     

    Laissons tout aux morts

     

    Et cachons nos sanglots

    ____

     

    MAI

     

    Le mai le joli mai en barque sur le Rhin

    Des darnes regardaient du haut de la montagne

    Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne

    Qui donc a fait pleurer les saules riverains

     

    Or des vergers fleuris se figeaient en arrière

    Les pétales tombés des cerisiers de mai

    Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée

    Les pétales flétris sont comme ses paupières

     

    Sur le chemin du bord du fleuve lentement

    Un ours un singe un chien menés par des tziganes

    Suivaient une roulotte traînée par un âne

    Tandis que s'éloignait dans les vignes rhénanes

    Sur un fifre lointain un air de régiment

     

    Le mai le joli mai a paré les ruines

    De lierre de vigne vierge et de rosiers

    Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers

    Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes.


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    http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/monchoachi_sosthene.html

    http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/monchoachi_danse.html

     

    Monchoachi : Sosthène et autres Poèmes

    Sosthène

     

    1.

     

    Nous sommes partis

    Le cœur plein des gribouillages

    D'histoires de la veille

    Que la pluie qui tombait

    S'efforçait d'effacer.

    Chemin de latérite entre nous deux, infranchissable.

    L'odeur des moubins nous ouvrit la clairière

    Enivrante

    Avec en bordure un immense fromager,

    Des pierres amoncelées comme des tombes.

    La pluie battait toujours nos corps

    Et les rafraîchissait

    Quand elle s'accroupit et que son sexe illumina

    L'herbe verte.

    Nous nous sommes rencontrés

    Là où le temps et l'espace

    Se rejoignent, à ciel ouvert.

    Longtemps après que la nuit soit tombée,

    Le ciel restait rouge.

     

     

     

    2.

     

    Chaque matin la maison était assaillie 

    Percée de toutes parts de jets dorés 

    De cette lumière onctueuse des mois du carême 

    Qui pénétrait entre les lames des persiennes

    Avec le chant volubile des oiseaux

    Entre les parois et la tôle

    Sous la porte rognée par la pluie et le sel.

    Tout est maudit

    Pas seulement les figuiers et les poètes

    Puisque toute fin est tragique

    Et que — c'est comme ça — tout a une fin

    Même si nous en cherchons toujours

    Et encore bêtement la raison

    Depuis que nous nous sommes éloignés de l'idée,

    Qui pourtant nous remplissait la paume de la main

    Du même bonheur que nous procure un galet —

    L'idée que nous puissions être gouvernés par le destin.

     

    Eux, les figuiers, sont beaux et pathétiques

    Dans leur élan vers la vie

    Pour la retenir,

    La serrer contre leur poitrine

    Pour la chanter.

    Et l'amour, avec le parfum

    Et la profondeur de la rose

    Que nous voudrions

    Comme le regard de certains animaux encore

    Inépuisable.

     

     

     

    3.

     

    Maintenant que tu respires

    Que le poids de ta chair s'est allégé

    Ton corps qui s'était noué comme le cep —

    Réponds.

    La fille morte de bon matin

    S'est recroquevillée dans son linceul

    Tandis que la chatte s'abandonne

    Aux trois chatons nés avec la dernière lune

    Qui cherchent à tâtons

    Un sein.

     

    Accueille mon exaspération

     

    Arbre indicible accablé de ses rentes 

    Et qui scintille.

     

     

     

    4.

     

    Toute la nuit

    Nous avons marché dans la rocaille

    Roche sur roche, l'un sur l'autre

    À nous repenter.

    Une lune s'était levée tard

    Qui nous avait tourmentés.

    Il y avait là

    Un puits de lune

    Et des arbres qui suaient la lune

    Éclaboussés de clartés

    Vert sombre

    Et ombres chatoyantes.

    Tendu vers — Trop escarpé ?

    Alerté

    Insoutenable car

     

    Vienne quelque chose enfin 

    Qui doit sourdre.

     

     

     

    5.

     

    Ils sont exsangues

    Ils n'ont rien à raconter

    Ils n'entendent pas, à quoi bon parler

    Ils se dessèchent

    Derrière le masque étincelant

    La pourriture,

    Le progrès nous a tous étriqué et la douleur,

    Genoux remontés, dos raboté,

    Une tombe de sel

    Qui malheureusement

    A toujours un bord.

    Rien évidemment ne sortira de cette forge sans être

    Étiré

    Pas plus chien battu à verse

    Ni le vieux mulet qui se laisse si docilement

    Lourdes paupières baissées

    Bâter.

     

    Une femme par là-bas

    S'était levée

    Au beau milieu d'une algarade

    Debout sur un tapis de feuilles roussies

    Les deux poignets retournés — cassés

    Sur les hanches

    Qui lorsqu'elle s'en est allée

    Eût un geste ancestral pour

    Déprire sa culotte d'entre

    De la fente de ses fesses.

     

    Tout ce que le monde raconte 

    Est vrai

    Et suffisant.

    Pourtant tu veux sans cesse

    Encore l'éprouver

    Le fruit, comme un vieux sein

    Flétri déjà

    Il te faut y enfoncer le pouce

    Avant de le tendre.

     

     

     

    6.

     

    À peine rejointes

    La douceur infinie des paupières — 

    Deux feuilles de menthe lorsqu'elles 

    S'abaissent — les épaules frêles 

    Comme ces nuits d'avril ;

    À peine rejointes

    Les mains effilées et les doigts — 

    Caresses d'aiguilles de pins 

    Sous le vent.

     

    Brusquement

    Nous nous sommes retrouvés seuls

    De part et d'autre du désert,

    Les ailes ployées

    Le regard sourd sous les cils.

     

    Femme qui balaye les feuilles mortes

    Chaque matin devant sa porte

    Lèvres sèches, cheveux défaits

    Invisible

    Regard perdu comme une vie perdue

    Sur la route qui tantôt l'a vue passer

    Fleurant la fleur de campêche

    La peau tendue comme baie de jujubier,

     

    Le monde aussi est comme la douleur, 

    Fragmenté.

     

     

     

    7.

     

    Je t'embrassais,

    II y avait de la terre qui remontait

    Par ta bouche

    Sans arrêt tu dégorgeais de la terre.

    Je t'embrassais toujours.

    Et tes seins qui frondaient l'air

    Sous le corsage de taffetas rose

    Ajouré.

     

    Longtemps nous avons espéré ce poudroiement

    Matinal

    Là où nous portions nos yeux,

    Une allumette qui craque

    Et qui s'élève

    Ardente

    Derrière la scène.

     

    Longtemps,

    Depuis que cette lente mélancolie 

    Intarissable s'est installée 

    Flanquée de sonorités de tuba 

    Lorsque les pluies tombaient à verse

    Et s'engouffraient par les gouttières. 

    Parfois une fraîche et joyeuse bourrasque 

    Faisait gicler

    L'eau du prunier sur les tôles.

     

    Alors, chaque mot tu l'as bégayé, 

    Nous avons ensemble ressassé chaque mot — 

    Comment aurions-nous pu en être insoucieux 

    Puisque nous savions que chacun était une promesse

    Et une blessure

    Qu'il nous faudrait à la fois endurer

    Et restituer —

    Puis, l'un sur l'autre,

    Nous les avons cachés sous les roses

    Dans le voisinage de poussières d'or.

     

    Toute la démesure de la nature 

    Dans le figuier maudit.

     

     

     

    8.

     

    Peut-être les mots ne sont-ils

    Que des pelles

    Parfois ardentes

    Qui servent à ensevelir la douleur. Sans doute

    Avons-nous offensé le messager

    Venu pour nous délier ta langue.

     

    Et tandis que

    Là il s'élance vers la lumière

    En l'enlaçant et en l'étreignant,

    Lui, abaisse les cils

    Consentant : d'être sous ce destin,

    En lui, de sombrer.

    Il n'y a guère que les oiseaux

    Qui ont ces gestes qui nous vont droit

    Au cœur

    Lorsqu'ils volent dans le sel gemme

    Et disparaissent silencieux

    Entre la frange obscure

    Et la lumière,

    S'efforçant de leurs ailes d'éventer

    L'insondable conjuration.

    Et aussi bien, nous

    Avec eux, devons nous contenter

    De la suave et ineffable splendeur

    D'un mèsi, délivré

    Et dissipé dans l'instant.

     

     

     

    9.

     

    Mais de l'amour

    Plus que de tout autre chose,

    Nous voulons être assurés

    Autant, si cela se peut, que de l'existence

    Et de la vérité. Ô combien alors

    En pareil cas désapprenons-nous vite

    À être pleinement comblés

    Par une pure présence,

    À nous laisser aller dans l'extase !

    Comme le désir qui saisit soudain

    Remplit le corps de frémissements

    Et bientôt tout entier le prend

    Au travers d'une pièce de figues

    Parmi les troncs vigoureux et lustrés

    Les tiges noueuses et les lourdes grappes des fruits

    Au bout desquelles la grosse fleur conique

    Violacée et pulpeuse doucement abaisse

    Vers le sol un sexe mirifique.

    Or ce pur élan bientôt nous le voyons

    Contrarié.

    Et là où il y avait un regard

    Qui nous enveloppait et nous rafraîchissait

    II y a à présent un œil

    Qui fouille au fond d'un gouffre parmi

    Les nombreux édifices que la mémoire a bâti

    En empilant l'un sur l'autre

    Les images et les mots.

     

     

     

    10.

     

    Le diable a pris le monde

    Et l'illumine ;

    Nous avons atteint au bonheur : juste

    Une équation.

    Monte à présent l'odieux bruit

    Des onomatopées

    (Les gens font comme ça : A - A,

    voix d'infinie compassion conjuguée

    À un corps dont les affinités

    Chimiques sont satisfaites. 

    Un art

    Très phonétique).

    Des escargots envahissent nos maisons 

    Tapissent les murs bavent 

    Sur nos écrans — nos écrans ! — 

    Il faut débonder, répandre le sel 

    Dans les cours qui puent l'urine.

     

    Puisque nous ne savons rien,

    Maintenant que nous nous rapprochons du soleil

    Tu peux venir là à présent

    Vêtue de ta robe rouge

    Chaussée des escarpins festonnés d'or ;

    Si tu tombes dans le vide

    Je garde tes mains

    Entre mes mains.

     

     

     

    Ce poème « Sosthène » de Monchoachi est extrait de son recueil L'Espère-geste, publié à Sens (France) aux éditions Obsidiane (2002), pages 79-90.

     

     

     

     

     

     

     

    *

    La Danse au lieu vide

     

    1.

     

    Ce sera hors ce lieu

    — Flétris, flagellés —

    Ce sera hors ce lieu où nous sommes

    Reclus — Caparaçonnés de savoir

    Vitrifiés —

    Mais par dessus le mur carié

    (Louvri baryè, Ouvre pour nous ! )

    L'office inattendu.

    Laisse ça nous mener un côté.

     

     

     

    2.

     

    Infigurée

    Comme ça est-elle

    La chose

    Ni corps ni esprit

    Une seule bacchanale

    Dans un langage mêlé

    Elle dit

    Tout une seule fois tout à la fois

    Laisse ça nous dire

    Laisse ça parler pour nous.

     

     

     

    3.

     

    Derrière le nom qui nous nomme

    Et que nous renions

    Nous tournons dans les airs

    Derrière te corps que nous portons

    Et rêvons d'échapper

    Pièce côté.

    Flamme qui danse

    Dans ton envers et que

    Les yeux fermés, tu meurs

    Là même d'étreindre.

     

     

     

    4.

     

    Sans mère nous tournons

    Derrière le corps que nous portons

    Ensemble-ensemble confondus

    Nous roulons dans l'abîme

    Laissant l'air

    Lui donnant l'air pour qu'elle

    Paraisse elle même

    La chose même

    Qu'elle parle pour son corps

    Et annonce elle-même

    Qui ou Quoi elle est.

     

     

     

    5.

     

    Couverts de sueur

    Et de poussière de terre

    Reconvertis

    Nous tournons dans les aires

    Bandeau de coton blanc

    Echarpé sur la tête.

    Quelque chose tremble, une certaine

    Clarté, quand le dieu tombe

    D'un coup nous saisit :

    Virer la caye – faire retour 

    Dans la demeure ténébreuse.

     

     

     

    6.

     

    Comment chevauchés

    (Lespri-a pran nou !)

    Nous menons la ronde au lieu vide

    Montant en l'air le corps

    En même

    Tout entier contr'étrécis

    Dévastés, le regard inaltérable

    Chantant

    Aveugles désormais...

     

     

     

    7.

     

    ...Délivré

    Un même chant inépuisé

    Tout en aspergeant le sol

    Et puis la même boisson

    Qui dévale le corps

    — Du feu, di'ectement —

    L'ayant secoué

    Une fois d'abord tout partout

    En la bouche, toussant

    À n'en plus finir, la tête prise

    Enfumée.

     

     

     

    8.

     

    Pas plus, et ce fût

    À chaque passage dans

    La battue de la paupière —

    Ainsi est-elle comme ça

    La tête enrubannée, presqu'

    Évanescente, traçant

    Trois fois trois

    Croix

    Inexplicablement

    Et tout le long du mur

    Des voix bleues

    Des amers

    Puis la paume comme ça

    Tournée comme ça

    En l'air — 

    La mesure, 

    Plus haut.

     

     

     

    9.

     

    Deux pierres sur une grosse 

    Souche creuse

    Des voix sourdes et cassées 

    Des corps barbouillés 

    Maigres et ridés 

    Tout du long — Et 

    Le sang à terre lorsque 

    La lune a éclipsé.

     

    Trois fois trois

    Croix

    Et des voix bleues

    Tout le long du mur

    Des amers.

     

     

     

    10.

     

    À plus, encore un peu :

    Car le monde n'est pas

    Cela qu'on nomme

    Une chose qu'on nomme puis

    L'autre, qu'ainsi on tient

    À distance, empêché.

    Mais quand la langue l'appelle

    Et le crie

    Comme un sein qui s'ouvre

    II nous ravît

    Nous passons à l'autre bord

    Quelque chose là commence à

    Profonder.

     

     

    *

     

    La beauté noire

     

    Et là ils sont dans les nuages

              Errent les enfants

                        comme cheins fous au gré des vents

                                  dans les tourbillons et les turbulences du vent

         Sans rame, sans voile, sans barre, sans mire

              Seuls amers les constellations d'étoiles

                   Seuls paysages

                        des nuages la teinture fugace.

    Lors le criquet divinò poussa sa délirante stridente

         Nuages percés vers le bas

              tombées les eaux du ciel      en-bas

                   et au dessus du trou 

                        nimbés d'un vert guère comme les nuages

                             raides penchés ils virent :

     

                        Un la-chai' délectable, ils virent

                        (Pas une chair, un la-chai, entendez-le, un sacré la-chai', ouaille !)

                        Splendeur insoupçonnée en-bas là

                             Fèves et miel, 

                             Piments et boissons enivrantes

                             Et des oiseaux oranges dans l'air vert

                             Et des oiseaux rouges, et des oiseaux diaprés

                                       Et des poissons misant leurs belles lumières

                                            dans les cavernes de la mer

                                       Et des poissons rares

                                       Avec les belles arêtes qui font les belles parures

                             Et des fleurs, doux-Jésis !

                                                           Des fleurs comme tellement les enfants

                                                 Ne peuvent en voir sans laisser éclater leur joie

                                                                     Sans lasser les cueillir

                                                                     Les tresser et les offrir

                                                           Des néfliers, des baumes camphrés

                                                                               Des amarantes roses

                                                           Des fuchsias-montagne aux pétales laineux

                                                           Des bégonias, des grappes drues d'amanoa

     

    Et ils crièrent et dansèrent de joie

         Et on les envoya demeurer sur terre

         On les chassa avec des bourrades

                   Pour qu'ils ne reviennent pas mélanger les lignages

     

                        Et l'un derrière l'autre à la file ils coulissent vers le sol

    Et là ils foulent, 

                                  Ils pressent la terre en ses teintures

                                  dégraisseurs d'étoffes en leurs teintures

    Et les oppresse là-même

                             Là même tout aussitôt les oppresse la beauté noire.

     

     *

    La fille à la calebasse

    « Puis avons tous bu, puisant dans la coupe

    Avec nos mains ou un coquillage, 

    Suçant des cailloux ou des os,

    Les serrant ensuite à notre cœur pour nous rendre forts.

    Avons gardé la médecine forte et amère

                                       dans nos bouches

    Avons pris un morceau d'argile »

     

    Lui, parle de la sorte : « Écoute mes paroles. 

    Ne mange pas seul à tes repas, mais fais venir des gens

    Et partage ce que tu as » 

    (Conmèce grand-moun longtemps).

    Alors quand vient un homme pieds nus

    Quand vient surgir un homme qui marche, 

    Quand vient paraître un homme

    couvert rhades piècetés

    Sur la tête chapeau paille en filangue, 

                                       chapeau noir de fumée et de crasse,

    noir de la patine

                                       noir des concrétions 

     

    Alors ils baissent leur corps jusque terre

                                       alors ils flétrissent leur corps

    S'inclinent et se rabaissent 

                                       alors devant lui ils mangent la terre

    donnent un beau à ses pieds nus

    Puis mettant leur corps debout, 

    passent à son cou colliers

    guirlandes de fleurs

    colliers d'hélianthes et de magnolias, 

                                       colliers plusieurs rangées

    colliers nattés

                                       colliers en plumes tressées

    Le couvrent ainsi de fleurs

                             le couronnent de fleurs

     

    Et les femmes arrachent leurs parures pour l'en vêtir

    Garnissent ses doigts de bagues 

    Ornent ses oreilles 

    Lissent ses cheveux et les embaument

     

    Et elles crient, elles s'écrient, elles s'exclament, elles s'étonnent

    Elles s'émerveillent, elles restent bèbè

     

    Et, parmi, y' en a un qui dit en chantant : « Sois le bienvenu, frère. 

    Viens manger un peu, puisque tu es passé devant notre maison

    et que tu as faim, 

    Assurément tu dois manger.

    Restez ici, assise vot' corps

                                            pose vot' sang »

    Et on lui donne à manger, 

    on lui porte à manger toutes qualtés :

    Paniers gâteaux galettes manioc galettes maïs

                                            bol sang caillé bouc

    Toutes sortes viandes : dindes et zoeufs dindes poules cabrites

    Toutes sortes fruits : sapotilles jaunes prines, griyaves

    figues-pommes jujubes caroubes

    Et à boire bons rafraichis sirop l'orgeat

    Sirop l'anis laloë.

     

    Et il mange puis il se lave les doigts.

    Et disant qu'il a bien mangé, il dit comme ça : 

    « J'ai bien mangé, frère. Je désire me préparer à partir. »

    Et on lui répond : « Va sans crainte, frère. Tu es venu chez nous

                        j'ai honte de la nourriture que je t'ai donnée. »

     

    Et un à un, tous viennent le saluer tour à tour

    les vieillards les premiers, 

    viennent au devant de lui, 

    viennent le voir 

    les vieillards douvant-douvant

    Tous devant lui placent leurs corps rangés

    Devant lui frottent leurs lèvres de farine 

                        Et ils soufflent trois fois vers l'Est.

    Et ils lui demandent de discourir

    Faire un causement tout simplement,

    un laudience

    « Tout simplement voyez et envoyez »

    Et il dit, il déclare, il indique, il raconte,

    il dépose en leur cœur 

    Un petit maintenant      un petit message

    Une petite offrande      une petite fumée

    « Quoi que ce soit, de quelque façon que ce soit,

    nous en serons émerveillés »

     

    « …ET ELLE TOMBA BLIP À TERRE SUR LE DOS, SON CORPS GONFLA LA-MÊME

    ET DE SES SEINS SORTIRENT DES COURS D'EAU QUI FORMÈRENT UN LAC ».

     

    Et après ça, ils vont pour dire, ils parlent pour lui dire,

    ils disent

    ils veulent l'entendre

    tout simplement,

    seulement écouter le bruit de sa voix

    tout simplement,

    une petite fleur de montagne      un petit oiseau bleu

    une petite rosée

    « Quoi que ce soit, de quelque façon que ce soit,

    nous en serons émerveillés »

     

    « …ET IL OTA LES HUIT CORDES DE JONC QUI COUVRAIENT SA POITRINE

    ET IL PRIT LA FORME D'UN POISSON POUR S'INTRODUIRE DANS LA CALEBASSE

    QUE LA JEUNE FILLE REMPLISSAIT D'EAU À LA RIVIÈRE »,

     

    Il dit, il raconte, il dépose en leur cœur.

     

    Ainsi l'offrande dispose la parole,

    Et la parole est offrande portée dans le ventre fertile

    comme telle la vie naissante

    Portée devant ce qui est devant

                        et jetée bouler à côté      craps

     

                        comme un coute zos monté

     

    Et l'on donne à manger aux mendiants

    Comme on donne à manger aux dieux.

     

     *

    Ces deux poèmes de Monchoachi, « La beauté noire » et « La fille à la calebasse » sont extraits du recueil Lémistè, publié à Bussy-le-Repos (France) chez Obsidiane en 2012. « La beauté noire » est tirée de la partie « Les Voluptés » (pages 129 à 132) et « La fille à la calebasse » de la partie « Les pieds poudrés » (pages 129 à 132). 

    © 2013 Monchoachi


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  • Le poème de Davertige « La beauté et l'amour comme inquiétude » a été publié pour la première fois en 1962 dans la première édition d'Idem . « La Légende de Villard Denis », a été publié pour la première fois en 1964 dans la deuxième édition d'Idem. Villard Denis était le nom de peintre de Davertige à Haïti.

     

     

    Davertige : Anacaona et autres poèmes

     

    Anacaona

     

    Magicienne de la confiance au fond des bois

    Tu n'es plus fétiche aujourd'hui car ce dialecte

    Lèche tes pampres de lait pur Tes yeux me broient

    L'image déferlée hors sur les mares infectes

     

    L'innocence avant le déluge ton corps vit

    Sur la merveille assez de ma vierge fragile

    L'immense Ô tendresse aux fumants doigts il est dit

    Pour cette source claire un hymne dans leur ville

     

    Je t'évoque rosée algues à travers la tour

    Un seul soleil qui fuit où fouine la matière

    Diamant miraculeux ton feu a fait le jour

     

    De l'herbe et le serpent d'été mur de lumières

    Quand la fumée aura construit son arche bleue

    J'inscrirai sur ma porte Agi-Aya Bombé

     

    *

    La beauté et l'amour comme inquiétude

    _

    Nous ignorons peut-être l'évolution des arbres et des forêts

    Nous qui sommes poètes et fils de la nature

    Car à l'heure où j'écris sur cette table chargée de fossiles

    Un peuple de bonheur meurt par dessus le voile de l'aurore

    Des fruits profonds s'adoucissent sur des branches

    La mer franchit cette frontière de l'extase et de la passion

    La Beauté et l'amour sont donc à reconstruire

    Sur les astres et sur les joues la tour secrète unie à nos angoisses

    Pardonne à mes rêveries et à mes errances

    Une putain a le sexe pur de la tornade

    Une aurore vagabonde change le jour et prend le centre

    Des tourments qui viennent sur le dernier bateau

    Mon dernier port galopant aux pieds de la prairie

    Petit cheval du soir aux yeux de romarin

    J'ai tourné sur ma tête l'herbe sans prix pour ma mémoire

    Je m'en souviens et les vagues se remémorent

    Où sont les joies et les plaisirs du Début de l'Amour

    Je la connais la femme qui fait vibrer le paysage

    La sève s'amplifie et recolore nos souvenirs anciens

    L'amour nous prend et nous explique le chemin de l'Éden

    Que l'enfant qui s'en va baise mes joues fanées

    La roue de mer tourne les folles vagues et doit tourner

    Hier la forêt près de nous était un livre

    Et des oiseaux chantent sur nos épaules

    L'hirondelle vers les Pôles tournait ses yeux opaques

    Ce seul soleil de charbon contournant les larmes du ciel

    Collier de voix autour du désert de nos corps

    Celle qui venait avec cette aurore que j'aime

    Qu'au centre de leur jardin se repose ma lampe

    Elle s'éteint comme un tombeau sans souvenir

    Cette mer fraîche c'est son profil scintillant dans le demi-soir

    Un miroir aveugle aveuglant dans cette nuit sans chiffre

    Ce fruit voyant dans le verger mûr de ma chambre

    Ses doigts d'huile sensible réglant la geste d'incertitude

    L'Équateur ce bâton de grains de réglisse dans l'émail du cancer

    La structure broussailleuse limitant la vue du Poète

    Au bas des ciels de zinc meurent mes yeux céruléens

    Toute la NATURE est absente dans mes rêves

     

    Et tournent et tournent les mers et les déserts

    Les ciels gris de cristal les quais aux brides de l'Enfer de Rimbaud

    Et non dans les mers de Cravan Arthur Arthur Artaud

    Horizon lâché à midi du signe des yeux mortuaires du monde

    Comme gueules battues aux battants pour l'embarcation

    Le verre frotte ses doigts sur la pâleur de nos miroirs

    Viennent des saisons au front de l'orage qui gronde

    Horizon renversé d'obus derrière la course du mal-aimé

    Apollinaire

    L'azur dans la courbe des sens reprend sa douceur d'autrefois

    Et au cœur du matin nous sommes à la rencontre de l'espérance

    Mon île liée au péril de ma vie

    Le piroguier Césaire dans les pirogues des Antilles

    Marche marche dans les tuyaux de nos oiseaux aventureux

    Et ce nuage d'homme d'une mémoire de course

    Est le cœur plein de vie des astres de Tzara

    L'amour entre et sort et fait de nous un lac sanguinolent

    Dans la plainte des larmes qui charrient nos enfances

    Ô larmes de la mort dans l'ivrognerie de Dylan Thomas

    Corbeaux mon panthéon aux vitres de l'azur

    Clouées au front du ciel entre les mains ouvertes d'Edgar Poe

    Dans cet espace indivisible aucun ange n'a répondu

    La chute de l'enfance a refermé le Temple

    Et Rilke a ouvert la lumière sur le paysage inconnu

    La rose parée de sève plus belle que le jour

    Le couple de pluie Éluard et Nush se tenant d'innocence

    S'en allait à travers le jour et se couchait partout

    Et toi assise sur le seuil de ta grâce subtile

    L'étoile que tu portes au front se souviendra de ma passion

    Je me regarde dans le miroir ton enfance devient ma jeunesse

    Et le vertige remplit le ciel du poids de ce poison Un pont sur ta main

    Claire et tes doux yeux

    Une ville reconstruite dans le parfum du demi-soir

    Un oiseau chante au coin de mon miroir

    Ô ciel fou de Goll au moulin de la jalousie

    La PROSTITUTION a des cheveux malades comme des bêtes féroces

    Dites Lautréamont derrière un vieil Océan

    Ce sont les chants du monde et les nuits à la recherche du fantôme

    Puisque poète ma voix a dénoué le ruisseau

    Sous les arcades de l'amour des poissons au-dessus des eaux

    Entourées de bois de chandelle et de quinine

    La CONVULSION de L'Immaculée Conception au front de l'ombre de Breton

    Ô Desnos sur le pont de la vie où passent les Nazis

    Je découvre la lame sans queue mordant nos cœurs

    Un seul amour ininterrompu persécuté dans cette nuit

    De cyclamen quand la France dans son cycle par toi abat l'infini

    Et c'est aussi sur une même route avec Elsa

    Ô mes chants érigés en stèles de sable remarquable

    Comme des ciels de tuf aux horizons tabous où dialoguent les Parias

    Par-dessus St-Aude et le soleil au coin de la rue St-Honoré

    Riez e ne riez pas de ceux qui veulent tuer leur Roi

    Qui fut en pays étrange étranger de son labyrinthe de propriété

    Car à chacun appartiennent les monstres qui rejettent les lois

    Autour de toi Michaux l'abîme exorcise nos plaintes

    Je les connais aussi ceux qui s'élèvent avec leur libation

    La mer montée vers nous dans le Temple-de-Mer de Perse

    L'océan dans son architecture plus grande que l'avenir

     

    Merdre aux voyous décervelés

    Merdre Merdre au Père-Ubu

    Un poète fait son portrait en crabe

    Là où Jésus déménage pour laisser ses cornets à dés

    Ah qu'ils s'effritent ces paumes de chaux

    J'ai péché sur la lampe les pierres et les hommes

    Hommes de l'inquiétude je ne vous ai jamais connus

    Tant que la pente sera mouvante je prendrai toujours mon bateau

    Si c'est une fenêtre lyrique que l'on me donne des fleurs

    J'ai des bras comme les autres pour travailler des lèvres pour baiser

    Je me connais Davertige de tous les vertiges des siècles

    Je les connais ces ciels de romarin où les enfants mal-nés gémirent

    Où la patrie et ses nuits sauvages d'amour dialoguent

    Passants dans la merveille des saisons arrêtez-vous devant ma lampe

    Nos mains ont besoin d'écume et de sève

    Ève ne portera plus le tort des désirs déchaînés par ses sens

    Ni les voyous la puanteur qui accable le monde

    Par-delà le vertige mon être pris de toute connivence

    Avec les astres et les hommes

     

    Au bras des ciels de zinc se raniment mes yeux céruléens

    Toute la NATURE est présente dans mes rêves.

     

     

     

     

     

    *

    L'île déchaînée

     

    Je ne suis qu'un adolescent qui cherche à se comprendre pour connaître le monde Ô vous les réverbères éteints sur les paupières du jour Ô grand midi parmi les fous illimité comme de vieux zombis en bobêche de souffrance Toutes les voix bivouaquent dans les plaines et dans la plainte des plantations Nombrils aux vents les yeux pleurants Omoplates et crânes huileux sur des bouteilles de fétiches L'aile d'ébène du soleil réchauffe la campagne et l'aveugle porte le poids de l'obscurité contre ses paupières Parias mon frère je vous suis montrez-moi la route des sources

     

    Je ne suis qu'un adolescent qui cherche à se comprendre Soûlard mon Christ aux yeux d'absinthe la nuit est ivre de convulsion Par la taille le spasme l'agrippe Ô vie le bas-ventre chauffé sous le Poteau-mitan Je vais chercher une croyance Et ces jeunes nègres le cœur en sang se souviennent-ils des libations J'ai donc conscience des réverbères éteints des négresses perdues de cette flamme vive au fond des cales de l'émigration avec le diamant sur le sexe christes-marines dans la salive des mers glauques Montrez-moi la route des sources Je ne suis qu'un adolescent

     

    Soûlard mon Christ les cheveux de sisal vert sale Illimité comme les zombis de la nuit à naître Et qui naîtra à l'arc roux de notre île Ô grands cierges allumés pourquoi notre équilibre se trouve hors de son centre Ô souvenirs Les carrefours se dévident sur l'infini le Guédé de soleil fait des pirouettes Les foules la tête au Levant lancées à l'assaut des yeux du soleil pour ce topaze de la lumière Le sable ivre recrée la chair et la pierre de la fronde ressuscite les fruits Ô saisons mortes de notre île nous vivons dans la mort comme hier vous vécûtes près des tambours à taille de vache

     

    Entre les lianes du vent

    Nous nous révélons des passants

    Et nous passons sous les orages

    Nos corps liés autour des âges

     

    Cassés et ressoudés par la transe des nuits nos corps inscrits dans leur mouvement de pierre ont des gestes de moundongs d'yeux de mille lucioles Le silex initie la puissance de la sève Montrez-moi la route des sources

     

    Je ne suis qu'un adolescent soûlard les réverbères éteints Nous entrons dans la vie et lions notre adolescence au secret de l,amour éclatant de corail sur les étoiles et les soleil Midi de tuf s'illimitant lui-même sur les incantations de l'homme Que les momies adossées à la voix des ombres les cercueils pris de pleurs s'élèvent sur les déserts les paysages et les maisons craquant de trop de sortilèges à l'ombre des visages amers et amarrés autour de soi Miroir d'ombre agissante et pourquoi s'élever dans les grottes des grillons Et la rivière descend la pluie cassée par le vent violet Nos doigts s'élèvent aux sons des nuits

     

    Nuit de baume et de basilic

    Sous le ciel le destin tragique

    Attendue trop longtemps la nuit

    En tes cheveux la mort nous suit

     

    Je ne suis qu'un adolescent qui cherche les réverbères éteints car ma jeunesse est passée ainsi que la St-Jean La mer baisait la paume des boumbas et les champs amarrés autour du midi Les plantes délient l'été sur les sables Nos fronts mâchent les serpentins de rides Et les menottes du soleil défont la transe de la nuit Grand jour de maïs d'or et de poissons les fétiches se gargarisent sur nos poitrines Le siam pendu au fond du lac et sur l'étang On se réveille d'idolâtrie du grand lit de putain les yeux hypnotisés Aux flammes délirent les sables Je n'ai qu'à ouvrir les cheveux

     

    Les chevaux refont le silence

    Et je détruis tout le passé

    À mes narines de fumée

    Le jour par Toi reprend conscience

     

    Les soûlards se défilent dans leur mouvement hors de nous-mêmes sur le pavé de leur délire et les grands genoux lézardés des déserts Sur nos talons anesthésiés sur nos visages fulgurants l'empreinte des scorpions renoue le fil arraché à l'hameçon et autour des vieux mâts qui supportent nos pleurs Dans la baie graisseuse des cuisses et dans le wharf étroit du sexe du printemps le ciel se mit à la dimension des sens en lit d'alcool Les lèvres se rencontrèrent sangsues mortes comme la mare éteinte hors de la nudité de la lune La foule plantée dans la persistance de l'orage ce mapou millénaire les racines de sortilège les cheveux verts de latanier dans le puits de la terre et de la chair où la Femme-Cacique disait Agi-Aya-Bombé Oh si vient le printemps les papillons seront mes frères et le suicide aux voleurs de la nuit comme Anacaona allongée et empaillée de souffrances centenaires Je ne connais rien de la vie je ne fais que parler de moi comme un vent galopant dans un toit

     

    La nuit pleure autour de nos voix

    Qu'elles montent au-dessus des eaux

    Ces sirènes aux yeux de fantômes

    Qu'elles s'allongent sur nos croix

     

    Je ne sais rien hors de moi-même ce ne sont que mensonges Tout va tourner La plaine immense prend le grillon et jusqu'au bout du jour la lune folle d'abeilles a laissé couler sa chanson Ô mon ombre millénaire dans la plaine pâlissent les doigts des tambours Toutes les tombes s'ouvrent toutes les cordes s'usent par la puissance inverse de la nuit Nos yeux qui l'an passé moururent allument la chanson le front béni entre le bruissement des étoiles filantes Le grand fantôme déchaîné comme l'eau de l'écluse la sueur brûlante de la cascade des colonnes vertébrales comme la mémoire huileuse La nuit les seins ouverts croisée et décroisée sur la trace boueuse et chaude de l'homme et de la femme Le lard des lèvres se suicide sur le cramoisi de jouvence Le sang aux joues des fruits la sève aux bras des mers

     

    Mes papillons pourquoi mes pas vous recherchent toujours La source je dois la suivre jusqu'à trouver les citronnelles et les papillons C'est la route promise...

     

    Ô forêts sur vos tabacs vos ailes de libellules Que n'ai-je longtemps erré dans les déserts sur les pavois des rêves là où jamais le rêve ne s'éteint aux revers des lèvres sales les embouchures se raniment et le croupissement des jours éclate Qu'elle s'élève la sirène aux cheveux de jasmin de nuit au collier d'étoiles Mon grand tombeau de chaux comme un ciel arc-bouté à mon enfance Ah qu'il éclate avec le grand démon le grand poignard aux rires des rivières les mots tranchants comme des feuilles sauvages Mes mains mes pieds mon sang mes bras mes cheveux mes yeux ô Parias combien est grande la connivence Ô moi qui ne suis qu'un adolescent

     

    La nuit éclate sur ma tête

    La femme ouvre sa douce chair

    Le grillon reprend sa chaleur

    Je vais dormir avec mes rêves

    *

    La légende de Villard Denis

    _

     

    La légende de Villard Denis

    Est une légende simple et amère

    Sous le tournoiement des couteaux de l'ardoise

    Et de la corde en coryphée dans les branches

     

    Elle voit au loin la cendre du cœur tourner

    Entre des crocs et des salives

    Pour dire la geste du cœur-aux-chiens

    La légende était à leurs pieds

    Avec mes vitres brisées dévorantes

    Ma chemise trop fine voulant encercler l'incendie

     

    Voici la légende du cœur-aux-chiens

    Avec la célérité des flammes de la main

    Qui disent non pour son sang vif

    Ses cloches sonnent avec un bruit de bois sec

    Au-dessus des arbres brisés en paraboles

    Pour l'entraîner dans les dangers des fantômes tourbillonnants

    Près du parapet des noms en serpents

     

    La légende de Villard Denis à vos oreilles

    Court à pas d'enfant dans les feuilles

    Elle était docile aux pieds de la Sainte aux yeux d'argent

    Le brasier recouvrant sa face

    Elle était broyée par les bruyères de vos entrailles

    Et veut parler au braiment du soleil

    Le langage de l'homme pathétique

    Et que viennent les poètes d'antan

    Et s'en aillent ceux d'aujourd'hui

    Dans le cycle de ses lamentos

    Derrière le voile du crâne où se tissent les funérailles fissurées

     

    Pour contenir son dos dans la gloire de sa Parole revenue

    Un voyage qu'elle entreprend à sa façon

    Pour pénétrer dans l'or ouvert

    Des bras de la Vierge aux cheveux blonds

     

    C'est le cœur de Villard Denis

    Émerveillé dans un monde en pâtures

    Sous les nuages violets des chiens

    Où gisent le glas de la tombe et l'émerveillement de ses nuits

    Crépitant dessous les sanglots dans le crachoir imberbe de sa face

     

    Un cœur aux pourceaux dans la patrie brûlée des passants

    Et qui craque sur les fémurs de la fleur-aux-dents

    Dévidant la bouteille de ses mots sans âge

    Mourant dans la chaîne infinie des flots

    Sous les flûtes de farine du cœur

    Ô suaire de ma naissance

    Sur la table aux tiroirs ouverts

    Où le verre creuse le puits pour dévider enfin le miracle de l'arme des colonels

    Des roses fanées sur la surface de la légende

    S'appuyant la tête à nos genoux

     

    Ce n'est pas adieu que je dis aux étoiles de vos talons

     

    Qu'en Enfer les dieux vous bénissent

    Et sous la girouette du sang

    Chante la légende de Villard

    Qui est une légende immortelle.

     

     

     

    ___

    Omabarigore

     

    Omabarigore la ville que j'ai créée pour toi

    En prenant la mer dans mes bras

    Et les paysages autour de ma tête

    Toutes les plantes sont ivres et portent leur printemps

    Sur leur tige que les vents bâillonnent

    Au milieu des forêts qui résonnent de nos sens

    Des arbres sont debout qui connaissent nos secrets

    Toutes les portes s'ouvrent par la puissance de tes rêves

    Chaque musicien a tes sens comme instrument

    Et la nuit en collier autour de la danse

    Car nous amarrons les orages

    Aux bras des ordures de cuisine

    La douleur tombe comme les murs de Jéricho

    Les portes s'ouvrent par ta seule puissance d'amour

    Omabarigore où sonnent

    Toutes les cloches de l'amour et de la vie

    La carte s'éclaire comme ce visage que j'aime

    Deux miroirs recueillant les larmes du passé

    Et le peuple de l'aube assiégeant nos regards


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  • extrait du Ma'navi , ouverture " La complainte de la flûte" 

     

    Mevlānā Jelālu'd-dīn er-Rūmī : Ecoute la flûte

    *

     

    Écoute la flûte de roseau, écoute sa plainte

    Des séparations elle dit la complainte

    Depuis que de la roselière on m'a coupée

    En écoutant mes cris, hommes et femmes ont pleuré

    Pour dire la douleur du désir sans fin

    Il me faut des poitrines lacérer le chagrin

    Ceux qui restent éloignés de leur origine

    Attendent ardemment d'être enfin réunis

    Moi j'ai chanté ma plainte auprès de tous

    Unis aux gens heureux, aux malheureux, à tous

    Chacun à son idée a cru être mon ami

    Mais personne n'a cherché le secret de mon âme

    Mon secret pourtant n'est pas loin de ma plainte

    Mais l'oeil ne voit pas et l'oreille est éteinte

    Le corps n'est pas caché à l'âme ni l'âme au corps

    Ce sont les yeux de l'âme seule qui pourraient le voir

    Le chant de cette flûte, c'est du feu, non du vent

    Quiconque n'a pas ce feu, qu'il devienne néant

    C'est le feu de l'amour qui en elle est tombé

    Et si le vin bouillonne, c'est d'amour qu'il le fait

    La flûte est la compagne des esseulés d'amour

    Et nos voiles par ces notes ont connu la déchirure "

     

     

     


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  • prosper EVE : Dialogue entre un élu et un minus

     

    Frère, on m’a dit que tu es un défenseur du patrimoine

    Oui, tu peux même dire un défenseur acharné du patrimoine

    Frère, alors pourquoi t’acharner sur ce bâtiment, il a une histoire ?

    Boucle-toi minus, il faut savoir mettre l’histoire de côté, quand il s’agit de donner à de grosses entreprises des marchés, créer des emplois pour quelques mois..

    Mais tu sais que des esclaves l’ont construit ?

    Et alors ?

    Tu sais que leurs fils à partir de 1846 l’ont fréquenté ?

    Et alors ?

    Tu sais qu’une fois affranchis le 20 décembre 1848 ils ont suivi là des cours du soir, ils ont cru en l’école 

    Et alors ?

    Et alors dis-moi pourquoi fêtes-tu le 20 décembre dans ta ville ?

    Le peuple a besoin de jeux, voilà pourquoi on ne lésine pas sur les moyens

    Je veux comprendre, frère, dis-moi pourquoi tu t’acharnes sur ce bâtiment ?

    Parce qu’il a été défiguré par des rajouts, il n’est plus dans son état premier

    Alors frère, je te dis tu as sorti là, le fouet pour te faire battre. Qu’un collectif se lève pour demander des comptes à toutes les cliques successives qui depuis la fin des années 1970 n’ont pas défendu ce patrimoine venu du monde esclave, ont laissé tous les marchands du temple l’occuper, le défigurer! 

    Quel juge donnera raison à ton collectif, la partie est perdue d’avance ? Dans ce bâtiment, à l’origine les enfants ont été formés par des frères des écoles chrétiennes, des religieux, des congréganistes, les juges qui sont de vrais républicains, de vrais fils de la séparation de l’Etat et de l’Eglise catholique ne protègeront pas un tel lieu. Aucun ministre de la Culture ne prendra un arrêté épousant ta cause. Tu oses vouloir sauver un bâtiment mettant en valeur le savoir-faire des esclaves, un lieu où ils ont fait la démonstration de leur intérêt pour la culture, c’est impensable ! Tu veux mettre des esclaves en avant, mais enfin ! 

    Frère, dis-moi alors ce qu’il faut protéger ? 

    Il faut protéger le château de Versailles, la maison Valliamée, le palais Ratenon, voilà ! Ce bâtiment-là, n’a aucune valeur, il ne ressemble à rien, ce n’est pas de l’architecture 

    Merci frère d’avoir parlé. Maintenant, je sais que tu nous méprises du plus profond de ton cœur, tu méprises les esclaves. De grâce, ne prononce plus le mot esclave désormais. Surtout sois très fier de toi lorsque tous les matins tu te regardes dans une glace. 

    Tu ne m’auras pas avec ce type d’arguments, je suis bien dans mes baskets, je suis un élu, j’ai ma légitimité, j’ai ma majorité.

    Je ne cherche pas à t’émouvoir frère. Mais, que comptes-tu faire de ce lieu, frère, quand tu auras démoli ce qui pour toi est une plaie ?

    Tu fais bien de me poser cette question, minus. Je ne démolis rien, moi. Je réhabilite ce bâtiment, je le transforme en un grand restaurant où l’on débite de la bière, des alcools fins, car il faut lutter contre l’alcoolisme, une salle des fêtes, des magasins pour vendre des produits importés des pays de la zone car c’est cela la bonne coopération régionale, c’est ainsi qu’on créera beaucoup d’emplois.

    Frère, tu as été très clair. J’ai compris pourquoi le pays est foutu. 

    Les opinions émises n'engagent que leurs auteurs


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  • Leon Gontran Damas : SOS et un autre poème

    S.O.S.

    extrait de PiGMENTS, Présence Africaine

     

    A ce moment-là seul

    comprendrez-vous donc tous

    quand leur viendra l'idée

    bientôt cette idée leur viendra

    de vouloir vous en bouffer du nègre

    à la manière d'Hitler

    bouffant du juif

    sept jours fascistes

    sur

    sept

     

    A ce moment-là seul

    comprendrez-vous donc tous

    quand leur supériorité

    s'étalera

    d'un bout à l'autre de leurs boulevards

    et qu'alors

    vous les verrez

    vraiment tout se permettre

    ne plus se contenter de rire avec l'index inquiet

    de voir passer un nègre

    mais

    froidement matraquer

    mais

    froidement descendre

    mais

    froidement étendre

    mais froidement

    matraquer

    descendre

    étendre

    et couper leur sexe aux nègres

    pour en faire des bougies pour leurs églises

     

    ____

     

    Un petit dernier pour le moment

     

     

    Un poème pour sûr s’en passe volontiers 

    mais il s'agit moins de recommencer à dire

    le gros mot

    le mot sale

    le mot défendu

    que de continuer à être

    contre

    la conspiration du silence autour de moi-même

    à moi-même imposée

    par moi-même admise

     

    Il s'agit moins de recommencer

    que de continuer à être

    contre

    le hara

    le musée

    la caserne

    la chapelle

    la doctrine

    le mot d'ordre

    le mot de passe

     

    Il s'agit moins de recommencer

    que de continuer à être

    contre

    le dressage

    le défilé

    le concours

    le mérite agricole

    le quitus

    le viatique

    le bon point

    le pourboire

    la médaille

    la menterie

    le système

    la débrouille

    le lâchage

    le salaire du lâchage

     

    Il s'agit moins de recommencer

    que de continuer à être

    contre

    la restriction

    la claustration

    la réserve

    la résignation

    la pudeur fausse

    la pitié

    la charité

    le refoulement

    toute honte bue

     

    Il s'agit moins de recommencer

    que de continuer à être

    contre

    la morale occidentale

    et son cortège de préceptes

    de préconceptions

    de présomptions

    de prénotions

    de prétentions

    de préjugés

     

    Il s'agit moins de recommencer

    que de continuer à vous refiler ma nausée

    continuer à vous surveiller

    continuer à ruer

    continuer à vous jouer plus d'un air

    de ma flûte en tibia de Karia

    Karia Rou-la-Gazelle

     

    continuer à vous navrer

    vous décevoir

    vous désarmer

     

    continuer à souhaiter

    que vienne enfin et sonne

    continuer à prier pour que vienne et sonne l'heure attendue

     *

    BLACK-LABEL À BOIRE

    pour ne pas changer

    Black-Label à boire

    à quoi bon changer

     

    LES SIÈCLES PASSÉS ONT VU

    les siècles à venir verront

    à chaque Crépuscule

    sur le fromager hanté

    les merles initiés

    s'en venir prier

    sans gants ni mitaines

    prier à genoux

    prier en cadence

    prier en créole

     

    PIÈ PIÈ PIÈ

    priè Bondjé

    mon fi

    priè Bondjé

    Angou ka bouyi

    Angou ké bouyi

     

    Pierre Pierre

    prie Dieu

    mon fiston

    prie Dieu

    mon fiston

    pour que soit fin prêt le maïs en crème

    à être savouré

     

    BLACK-LABEL À BOIRE

    pour ne pas changer

    Black-Label à boire

    *

    Nous les gueux

     

    Nous les peu

     

    nous les rien

     

    nous les chiens

     

    nous les maigres

     

    nous les nègres

     

     

     

    Nous à qui n'appartient

     

    guère plus même

     

    cette odeur blême

     

    des tristes jours anciens

     

     

     

    Nous les gueux

     

    nous les peu

     

    nous les riens

     

    nous les chiens

     

    nous les maigres

     

    nous les nègres

     

     

     

    Qu'attendons-nous

     

    les gueux

    les peu

    les rien

    les chiens

    les maigres

    les nègres

    pour jouer aux fous

    pisser un coup

    tout à l'envi

    contre la vie

    stupide et bête

    qui nous est faite

    à nous les gueux

    à nous les peu

    à nous les rien

    à nous les chiens

    à nous les maigres

    à nous les nègres...

     


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  • Reverdy : le bonheur des mots

    Je n’attendais plus rien quand tout est revenu, la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les ombres du passé, les ponts de l’avenir, surtout la joie de voir se tendre la distance. J’aurais toujours voulu aller plus loin, plus haut et plus profond et me défaire du filet qui m’emprisonnait dans ses mailles. Mais quoi, au bout de tous mes mouvements, le temps me ramenait toujours devant la même porte. Sous les feuilles de la forêt, sous les gouttières de la ville, dans les mirages du désert ou dans la campagne immobile, toujours cette porte fermée – ce portrait d’homme au masque moulé sur la mort, l’impasse de toute entreprise. C’est alors que s’est élevé le chant magique dans les méandres des allées.

    Les hommes parlent. Les hommes se sont mis à parler et le bonheur s’épanouit à l’aisselle de chaque feuille, au creux de chaque main pleine de dons et d’espérance folle. Si ces hommes parlent d’amour, sur la face du ciel on doit apercevoir des mouvements de traits qui ressemblent à un sourire.

    Les chaînes sont tombées, tout est clair, tout est blanc – les nuits lourdes sont soulevées de souffles embaumés, balayées par d’immenses vagues de lumières.

    L’avenir est plus près, plus souple, plus tentant.

    Et, sur le boulevard qui le lie au présent, un long, un lourd collier de cœurs ardents comme ces fruits de peur qui balisent la nuit à la cime des lampadaires.


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  • Boris Gamaleya est un poète français né le 18 décembre 1930 à Saint-Louis de La Réunion .Victime de l'ordonnance prise par le Premier ministre Michel Debré en 1960, l'ordonnance Debré, il est contraint de migrer en France métropolitaine et devient enseignant en région parisienne. Il milite alors contre l'instigateur de la mesure devenu député de l'île et contre toutes ses créations suivantes, au premier rang desquelles le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer, qui organise l'émigration des Domiens vers le continent à compter de 1963. De 1963 à 1980, 1 630 enfants ont été envoyés depuis La Réunion dans des départements de métropole en perte de vitesse démographique, cette affaire est connue sous le nom des enfants de la Creuse. Revenu à La Réunion un an avant la publication du Vali et après une grève de la faim, il y lance bientôt une revue engagée appelée Bardzour qui collecte les contes de tradition orale et publie des chroniques sur le créole réunionnais, entre autres choses.

     

    Boris Gamaleya : Sono Mundo et deux fragments

     

     

     

    1

    Mondo Sono

     Pour entendre l'auteur lire ce poème , cliquer sur  http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/gamaleya_mondo-sono.html 

    *

                     exercice précis               

                   perds-toi en Somnolence               

              L'aiguille force les ondes courtes jusque dans leurs petits serrés. Elle nasille, fait la grosse mouche énervée (ou la mozarelle râpée) s'emberlificote dans des bouchons de hoquets, tronçonne d'hétéroclites collisions, tombe sur l'Imaginary Landscape n° 4 pour douze postes de radio de John Cage, trébuche, déraille, se reprend . . .  Enfin comme un ange qui aurait délaissé la voile du Trisagion pour le parapente, elle descend apaisée et s'arrête subjuguée. Du fond de quelque Circassie, une voix s'élève:

     

              . . . proschaï . . . poïmi . . . prosti . . .

                   (adieux . . . comprends . . . pardonne . . . )

     

              Bien sûr!

              L'étoile de la Sourate peuple les pentes de coqs d'anthologie.

    Ne pars pas et que l'œuvre dans son meilleur trait se renouvelle.

     

              ............

              oi oi

              fond halluciné d'un quartier chaud

              un rire

                                                      et tout se brise

              Stridence ondulante d'une vieille canalisation dans la salle de bains d'un lêve-tôt.

              Au petit jour, la tondeuse du voisin . . .

              Le ciel est clair et pourtant l'esprit glisse sur une pente savonneuse. Et l'aiguille n'a pas tout dit . . . fa sol la do ré fa . . . le papillon dansant redevient chenillette . . . tali-tata . . . au théâtre des étoiles chante encore Nusrat Fateh Ali Khan

     

     

     

     

    ____

    2

    Ombline, ou le volcan à l'envers

     Pour entendre cet extrait dit par l'auteur, cliquer sur :  http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/gamaleya_ombline.html

    *

    Le récitant :

     

    Enfin, il nous est donné de pouvoir être

    tout cela. Une plaine de sable en surplomb

    du Cratère. Le vent glacé. Ses voix de fond.

    « Pahoé oé o Pahoé oé é ».

    Le brouillard monte mystifier les remparts.

    Je devine la lune comme un feu où nos souffles

    se mélangent. Elle prépare dans son caldère

    l'araignée d'or, la mère Kale du temps.

    Mais n'allons pas trop vite, liberté,

    il manque une lampe à ta fournaise...

     

    Simangavole

     

    Marron va cime vole – ne tirez pas sur la lune – 

    ne marchons pas trop vite...

     

    Matouté

     

    Une âme pulse à l'horizon – ma mémoire ouvre un

    œil – est-ce une île ? une étoile ? Une pointe

    d'oiseau...

     

    Le Chœur

     

         ... La porte acérée de la nuit !

     

     

     

     

     

    ____

    3

    Fragment 

    *

    émeutier ruisselant du rire des grenades

     

    du long spasme feuillu des brises saccagées

     

    les conques célèbrent l’adieu du flibustier

     

    ton sang est un envol d’aubes et de jungades

     

    il a éclos le ciel ancien qui te ressemble

     

    annonce millénaire essaim des astéries

     

    où fluent les grands singes de sable et les orphies

     

    une île impure fume au seuil noir de mon temple

     

    prince du matin clair filante javeline

     

    que loue le bleu vali les vierges citronniers

     

    et le spleen du dodo la gloire de l’aimée

     

    car voici qu’ont brouillé les banyans leurs racines

    _____________

     

     

      Note de Dominique Oriata Tron : Le présent  blog est la continuation du blog Editions A l'écoute,  arrivé à saturation vu qu'au delà de son remplissage actuel le site Blog4ever demande de payer, or je suis endetté à cause de problèmes administratifs artificiellement créés par des fonctionnaires  pour qui mes choix de vie menaceraient la civilisation des blancs   , ou leurs privilèges . Donc désormais  j'archiverai sur arevareva.eklablog.com    toutes sortes de textes que j'ai aimé lire , pour les relire, et je les effacerai  sur simple demande de l'auteur. Pour des explications détaillées  de ces problèmes voire des actions solidaires , consulter d'abord  les Editions à l'écoute , hors commerce, telles qu'elles ont rayonné de novembre 2012 à janvier 013  http://oriata.blog4ever.com/blog/index-515069.html  Pour mon blog central   ART CATALYTIQUE, cliquer sur : http://tronoriatadominique.over-blog.com/ , et pour d'autres poèmes : http://tron.eklablog.com/ 

     

     

     

     

     

     


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  • Ce poème et sa traduction sont copiés sur le blog auquel renvoie ce lien à copier coller dans la barre de recherche lien si cela ne s'ouvre pas en cliquant dessus  : 

    http://trianarts.com/jacques-darras-nombrar-namur-3-de-arqueologia-del-agua/

     

    Jacques Darras :  

    Jacques Darras :

     

     

    Baudelaire avait vu clair.
    Poète c’est désormais moine ou soldat.
    Lui choisit retraite au monastère de l’aphasie.
    Trop baroque.
    Trop jésuitement baroque à son goût sans doute encore pour lui-même.
    Pas assez janséniste.
    Trop Pascal défroqué.
    Trop divisé entre les pôles opposés de sa double postulation.
    Le 4 février 1866, à l’église Saint-Loup à Namur, tournant la tête
    vers l’étrange plafond sculpté en caissons vermiformes,
    Hémiplégie, le pulmonaire explose à la tête.
    Hémiplégie et aphasie.
    S’effondre Baudelaire et son poème.
    S’effondre avec lui la charpente.
    La clé de notre poésie.
    L’ogivale colonne lui retombe aux vertèbres.
    Tassement.
    Écrasement.
    L’accident de travail n’est remarqué, n’est déclaré par personne.
    « Aujourd’hui j’ai senti un singulier avertissement,
    J’ai senti passer sur moi le vent de l’aile de l’imbécillité »
    Ne quittons plus Namur.
    Nous y sommes.

    Versant poème français exposé au Nord.
    A la Germanie.
    Versant des catastrophes glaciaires hyperboréennes.
    Versant coup d’aile de cygne aléatoire mallarméen.
    Guettant avec l’immobilité de Gracq Julien dans sa forêt les armées
    romantiques pour lorsqu’elles dévaleront en vagues de sapins
    depuis la Thuringe.
    Guettant guetteur mélancolique souffle cou coupé.
    Guettant à Stavelot avec l’artilleur au nom d’eau minérale.
    Guettant le retour d’Arthur le grand quondam et futurus rex.
    Guettant son retour par les enluminures orientales de l’ancienne
    Meuse.
    Divertissant notre attente hémiplégique française.
    Avec des frôlements d’aile de l’imbécillité.
    Frôlements d’aile de grandes chauves-souris nocturnes qui ont nom la
    Parpue, la Darelette, L’Épigrue, la Cartive, la Meige, l’Émeu
    avec du pus dans les oreilles, la Courtipliane avec sa démarche
    d’eunuque etc.
    Frôlantes succions de grands fossiles de poulpes rhétoriqueurs congelés
    dans les houillères wallonnes comme d’un conservatoire
    d’animaux boschiens faisant la promotion de leur trou buccal ce
    trou cylindrique et bordélique foré au forcené dans mon babilaire
    foireux d’impénitent babbelaar.

    ___

    Bennasar : Figura en rojo

     

    Bennasar : Figura en rojo

    ___

    “Nombrar Namur”

    (Fragmento)

     

    Baudelaire lo había visto claro.
    Poeta quiere decir monje o soldado a partir de ahora.
    Él escogió el retiro en el monasterio de la afasia.
    Demasiado barroco.
     Demasiado jesuíticamente barroco para su gusto, incluso para el
    suyo.
    No lo bastante jansenista.
    Demasiado Pascal secularizado.
    Demasiada escisión entre los polos opuestos de su doble
    postulación.
    El 4 de febrero de 1866, en la iglesia de Saint-Loup de Namur,
    al alzar la cabeza hacia el extraño techo de artesonado
    gusaniforme.
    Hemiplegia, lo pulmomar explota en la cabeza.
    Hemiplegia y afasia.
    Se derrumban Baudelaire y su poema.
    Con él se derrumba la armazón.
    La llave de nuestra poesía.
    La ogival columna le cae sobre las vértebras.
    Apisonamiento.
    Aplastamiento.
    El accidente laboral no es advertido ni denunciado por nadie.
    «Hoy he sentido una señal singular,
    He sentido en mí el viento del ala de la imbecilidad».
    No abandonemos ya Namur.
    Aquí estamos.

    Vertiente de poema francés orientado al Norte.
    Hacia Germania.
    Vertiente de las catástrofes glaciares hiperbóreas.
    Vertiente batir de ala de cisne aleatorio mallarmeano.
    Acechando con la inmovilidad de Gracq Julien12 en su bosque a
    los ejércitos románticos cuando se desparramen en oleadas
    de pinos desde Turingia.
    Acechante acechador melancólico aliento cuellicortado.
    Acechando Stavelot con el artillero de nombre de agua mineral.
    Acechando el regreso de Arturo el grande quondam et futurus rex.
    Acechando su regreso a través de las ilustraciones orientales del
    viejo Mosa.
    Entreteniendo nuestra espera hemiplégica francesa.
    Con un frotar de alas de imbecilidad.
    Frotar de alas de grandes murciélagos nocturnos que tienen por
    nombre la Parpue, la Darelette, L’Épigrue, la Cartive, la
    Meige, l’Émeu con pus en las orejas, la Courtipliane con su
    caminar de eunuco, etc.
    Frotantes succiones de grandes fósiles de pulpos retoricistas
    congelados en las hulleras valonas como si se tratase de un
    conservatorio de animales boscosos promocionando su
    cavidad bucal ese agujero bucal cilíndrico y burdélico
    horadado enconadamente en mi chunga balbbuceadora de
    balbuciente imppeniteente.

    Jacques Darras

    Versión y edición de Miguel Veyrat

    ___

     Note de Dominique Oriata Tron : Le présent  blog est la continuation du blog Editions A l'écoute,  arrivé à saturation vu qu'au delà de son remplissage actuel le site Blog4ever demande de payer, or je suis endetté à cause de problèmes administratifs artificiellement créés par des fonctionnaires  pour qui mes choix de vie menaceraient la civilisation des blancs  . Donc désormais  j'archiverai sur arevareva.eklablog.com    toutes sortes de textes que j'ai aimé lire , pour les relire, et je les effacerai  sur simple demande de l'auteur. Pour des explications détaillées  de ces problèmes voire des actions solidaires , consulter d'abord  les Editions à l'écoute , hors commerce, telles qu'elles ont rayonné de novembre 2012 à janvier 013  http://oriata.blog4ever.com/blog/index-515069.html  Pour mon blog central   ART CATALYTIQUE, cliquer sur : http://tronoriatadominique.over-blog.com/ , et pour d'autres poèmes : http://tron.eklablog.com/ 

     


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  • Ce blog est la continuation du blog Editions A l'écoute,  arrivé à saturation vu qu'au delà de son remplissage actuel le site Blog4ever demande de payer. Donc j'archiverai sur arevareva.eklablog.com toutes sortes de textes que j'ai aimé lire , pour les relire, et je les effacerai  sur simple demande de l'auteur. Pour consulter les Editions à l'écoute , hors commerce, cliquer sur ces mots juste au dessous du titre du blog, ou copier coller dans la barre de recherche  http://oriata.blog4ever.com/blog/index-515069.html et pour ART CATALYTIQUE, copier coller : http://tronoriatadominique.over-blog.com/

    Nathalie Cougny : 

    Nathalie Cougny : Toucher mes seins

     

    Toucher mes seins,

    Serrer ma taille,

    Embrasser les matins,

    De nos vies qui déraillent.

     

    Vivre le plein de nos vides,

    Emplir nos bouches avides,

    Fermer les yeux sur l'existant,

    Nous livrer à ce contretemps.

     

    Je t'aime pour tout l'amour qu'on ne pourra pas se donner,

    Tout ce qu'on aimerait vivre et que le temps a emporté.

    Je t'aime pour tout ce qu'on devra délaisser,

    Les soupirs, les regrets, l'infini des années.

     

    Je t'aime dans ces instants à protéger,

    Enfermant nos corps de cette vérité,

    Le manque, terrible poison aux peurs abandonnées,

    Dans le lointain de la vie qui a trop espéré.

     


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  • Consulter la vidéo du poèmes sur http://bgueit.overblog.com/peuples-de-la-mer

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    Bernard Gueit : 

    Bernard Gueit : peuple de la Mer

     

     

    Nous descendons des Dieux.

     

    Peut-être ce souvenir de puissance

     

    Cet orgueil, cet inconnu aussi en nous

     

    qui nous pousse en avant

     

    Nous cherchons à comprendre ce petit bout d'étoile fêlé au coin du front

     

    Nous sommes les peuples de la mer

     

    habitués à nous battre avec l'écume

     

    la parole des vents

     

    à aimer les très grands poissons

     

    Nous portons le souvenir de l'eau au front

     

    un très vieil hippocampe,

     

    une pieuvre au regard vert

     

    Nous nous sommes apprivoisés tout seul

     

    Qui nous l'aurait appris ?

     

    dans la douceur des vagues

     

    ce très ancien remue-ménage au fond des eaux

     

    Nous en faisons une maison de voyage

     

    et nous voguons toujours vers l'Ouest

     

    comme pour fuir notre naissance

     

    ou faire le tour de nous-mêmes, de bout en bout,

     

    Voguons !

     

    Nous commençons seulement

     

    à parler

     

    par nous mêmes

     

    et pour nous-mêmes

     

    Nous nous faisons peur

     

    avec ces mots pas encore à nous

     

    ces bruits du coeur

     

    ces images remplies de sang

     

    Un jour

     

    nous passerons sous la lumière

     

    et nous vaincrons

     

    les taureaux d'ombre

     

    Un jour les étoiles

     

    se rapprocheront de nous

     

    à nous toucher

     

    dans leurs bras bleus scintillants

     

    Nous commençons seulement

     

    à compter les jours

     

    qui nous séparent du début

     

    et nous rapprochent de la fin

     

    Alphabet nous avons écrit

     

    sur les murs

     

    des chants sacrés des paroles funèbres

     

    Nous avons porté nos morts

     

    à bout de bras jusqu'à l'éternité

     

    l'éternité du désert

     

    où le temps ne passe plus

     

    qu'à dos de chameau parfois

     

    Où le vent charrie nos souvenirs si anciens

     

    qu'ils retombent en poussière

     

    Survivent les images

     

    dans nos livres de pierre

     

    de reines si belles et si mystérieuses

     

    retournées à leur paradis en secret

     

    On les croise parfois encore en rêve

     

    quand elles rêvent de leur terre de sable

     

    Alphabet tu montes au ciel

     

    et en redescends aussitôt les mains vides

     

    Alphabet le début du monde

     

    balbutié par un enfant

     

    abandonné sur le Nil

     

    Le fleuve cette fracture qui s'écoule

     

    Le fleuve et sa présence humaine du fond des âges

     

    Le fleuve et son âme dorée dans les remous

     

    Le fleuve et ses bonds dans les roseaux

     

    Le fleuve au ressac intérieur

     

    à la houle souterraine

     

    Le fleuve qui parle comme un homme en crue

     

    Le fleuve et son discours impétueux

     

    sa parole généreuse

     

    Le fleuve noyé dans ses pensées

     

    Le fleuve et ses débordements de larmes

     

    ses émotions incontrôlées

     

    ses éclats de voix ses écailles de lumière

     

    Le fleuve à la gaieté jaillissante parfois

     

    sa cour d'oiseaux

     

    ses poissons sages pêchés sous l'arc-en-ciel

     

    Le fleuve dans l'éternelle jeunesse du fleuve

     

    l'eau de l'instant vers l'océan éternel

     

    Les rivières meurent parfois dans la gorge

     

    jamais les fleuves

     

    aiguisés par le puissant aimant de la mer

     

    Les fleuves aux joues d'algues vertes

     

    creusées sous les yeux des berges

     

    Les fleuves et leur lit d'impatience sous la lune

     

    Désormais Dieu est parmi nous

     

    un morceau de notre coeur

     

    une étoile de mer échouée dans nos corps translucides

     

    et sa parole est de corail

     

    Désormais il faudra justifier toutes les guerres

     

    et la durée du travail

     

    Petite fourmi en exil

     

    tu comptes les grains de sable

     

    tu voudrais déplacer les montagnes

     

    ne compte que sur ta voix

     

    Derrière la cigale et son souffle

     

    petite fourmi qui s'essouffle

     

    ton drapeau est celui des sans voix

     

    Quels cris derrière la montagne ?

     

    Où sont les combats, les coqs, les armées ?

     

    Dans quel lit s'établissent les présages ?

     

    L'histoire est à vos pieds

     

    comme un loup docile

     

    Elle mord dans le futur de vos doigts

     

    et dévore vos projets

     

    Un loup immense couché dans son ombre

     

    qui prédit l'avenir

     

    en hurlant à la lune

     

    Le ciel est à ce point saturé d'images, celle du loup historique couché dans son ombre, celle des étoiles en fuite à la pointe du jour, celle des entrailles, celle des femmes tziganes, celle des guitares en feu près des roulottes, celle des pleurs crépitant dans la braise, celle des miroirs, celle des chevaux fumants noirs sous la pluie, celle des musiques qui tanguent doucement, celle des chants murmurés bas en rythme, psalmodiés dans le vent, accompagnés des vagues, O Marins, O Sirènes, O Nous tous égarés.

     

    Les éphémères se serrent l'un contre l'autre. Même le vent hésite à briser cette image. La poésie a des images réelles, des rochers posés devant la mer, depuis des siècles.

     

    Des siècles qui apprennent la patience et les langues étrangères de marins perdus dans les tempêtes. Les éphémères se serrent l'un contre l'autre, leur peau exulte une histoire tragique, Frères et soeurs punis des Dieux, sous le soleil de la vie.

     

    Les éphémères se serrent l'un contre l'autre, même le temps ne peut rien contre cette image, cette force intime, cette tendre résolution, cette clarté des évidences...

     

    Les éphémères se tiennent par la main pour des milliers d'années. Partis d'eux mêmes, du fond du coeur, ils s'arrachent aux temps immémoriaux, à la colline, aux rochers, à la mer, au souvenir de leur naissance, à leur superstition.

     

    Ils prennent connaissance et conscience d'eux-mêmes

     

    Ils se mettent à rêver debout

     

    à parler aux arbres

     

    à peindre pour leurs descendants

     

    De la peur ils ne retiennent que la course en avant

     

    De la tempête ils écrivent la voile

     

    De la condamnation, ils expriment le sursaut

     

    De la nuit, ils ne reconnaissent que l'amour...


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  • Vous allez demander: Où sont donc les lilas ?

    Et la métaphysique couverte de coquelicots ? 

    Et la pluie qui frappait si souvent 

    vos paroles les remplissant 

    de brèches et d'oiseaux?

     

    Je vais vous raconter ce qui m’arrive.

     

    Je vivais dans un quartier

    de Madrid, avec des cloches,

    avec des horloges, avec des arbres.

    De ce quartier on apercevait

    le visage sec de la Castille

    ainsi qu'un océan de cuîr.

     

    Ma maison était appelée

    la maison des fleurs, parce que des tous côtés

    éclataient les géraniums : c'était 

    une belle maison 

    avec, des chiens et des enfants.

     

    Raoul, te souviens-tu ?

    Te souviens-tu, Rafael ?

    Federico, te souviens-tu

    sous la terre,

    te souviens-tu de ma maison et des balcons où

    la lumière de juin noyait des fleurs sut ta bouche ?

    Frère, frère !

    Tout

    n'était que cris, sel de marchandises, 

    agglomérations de pain palpitant,

    marchés de mon quartier d'Arguelles avec sa statue 

    comme un encrier pâle parmi les merluches : 

    l'huile arrivait aux cuillères, 

    un profond battement

    de pieds et de mains emplissait les rues, 

    métros, litres, essence 

    profonde de la vie,

    poissons entassés,

    contexture de toits cernés d'un soleil froid dans lequel

    la flèche se fatigue,

    délirant ivoire des fines pommes de terre, 

    tomates recommencées jusqu'à la mer.

     

    Et un matin tout était en feu

    et un matin les bûchers 

    sortaient de terre 

    dévorant les êtres vivants, 

    et dès lors ce fut le feu, 

    ce fut la poudre, 

    et ce fut le sang.

    Des bandits avec des avions, avec des maures, 

    des bandits avec des bagues et des duchesses, 

    des bandits avec des moines noirs pour bénir 

    tombaient du ciel pour tuer des enfants, 

    et à travers les rues le sang des enfants

    coulait simplement, comme du sang d'enfants.

     

    Chacals que le chacal repousserait,

    pierres que le dur chardon mordrait en crachant, 

    vipères que les vipères détesteraient!

     

    Face à vous j'ai vu le sang 

    de l'Espagne se lever

    pour vous noyer dans une seule vague 

    d'orgueil et de couteaux!

     

    Généraux

    de trahison :

    regardez ma maison morte, 

    regardez l'Espagne brisée :

    mais de chaque maison morte surgit un métal ardent 

    au lieu de fleurs,

    mais de chaque brèche d'Espagne 

    surgit l'Espagne,

    mais de chaque enfant mort surgit un fusil avec des yeux, 

    mais de chaque crime naissent des balles 

    qui trouveront un jour l'endroit 

    de votre coeur.

     

    Vous allez demander pourquoi votre poésie 

    ne parle-t-elle pas du rêve, des feuilles, 

    des grands volcans de votre pays natal ?

    Venez voir le sang dans les rues, 

    venez voir

    le sang dans les rues, 

    venez voir le sang 

    dans les rues !

     

     extrait de Résidence sur la Terre, Editions Gallimard , 1969, traduction de Guy Suares, revue par Mélina Cariz

     

    __________________________

    : J'AI FAIM DE TES CHEVEUX

     

     

    J'ai faim de tes cheveux, de ta voix, de ta bouche, 

    sans manger je vais par les rues, et je me tais, 

    sans le soutien du pain, et dès l'aube hors de moi 

    je cherche dans le jour la bruit d'eau de tes pas. 

     

    Je suis affamé de ton rire de cascade, 

    et de tes mains couleur de grenier furieux, 

    oui, j'ai faim de la pâle pierre de tes ongles, 

    je veux manger ta peau comme une amande intacte, 

     

    et le rayon détruit au feu de ta beauté, 

    je veux manger le nez maître du fier visage, 

    Je veux manger l'ombre fugace de tes cils, 

     

    J'ai faim, je vais, je viens, flairant le crépuscule 

    et je te cherche, et je cherche ton coeur brûlant 

    comme un puma dans le désert de Quitratùe.

     

     

     *

     

    Ode à une Beauté Nue 

     

    Avec un coeur chaste

    Avec des yeux purs je célèbre ta beauté

    Tenant la bride du sang

    De sorte qu'il puisse jaillir et tracer ton contour

    Où tu es couchée dans mon Ode

    Comme dans une terre de forêts ou dans la vague déferlante

    Dans le terreau aromatique, ou dans la musique de la mer

     

    Beauté nue

    Également beaux tes pieds

    Cambrés par le tapement originel du vent ou du son

    Tes yeux, légers coquillages

    De la splendide mer américaine

    Tes seins de plénitude égale

    Faite de lumière vivante

    Tes paupières de blé qui battent

    Qui révèlent ou recèlent

    Les deux profonds pays de tes yeux 

     

    La ligne que tes épaules ont divisée en pales régions

    Se perd et se marie dans les compactes moitiés d'une pomme

    Continue pour trancher ta beauté en deux colonnes 

    D'or brun, de pur albâtre

    Pour se perdre en les deux grappes de tes pieds

    Où connaît un regain ton arbre double et symétrique,

    Et s'élève feu en fleur, lustre ouvert

    Un fruit qui se gonfle

    Au dessus du pacte de la mer et de la terre

     

    De quelle matière

    Agate, quartz, blé,

    Ton corps est-il fait?

    Enflant comme pain au four 

    Pour signaler argentées des collines

    Le clivage d'un seul pétale

    Suaves fruits d'un velours profond

    Jusqu'à demeurée seule

    Etonnée

    La délicate et ferme forme féminine

     

    Ce n'est pas seulement la lumière qui tombe sur le monde

    et se répand à l'intérieur de ton corps

    Et déjà s'étouffe 

    Sous tant de clarté

    Prenant congé de toi

    Comme si tu étais en feu à l'intérieur

     

    La lune vit dans le dessin de ta peau

     

    *

     

     

    Les vies 

     

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.

     

    Les vies (Las vidas, 1952)

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.Les vies (Las vidas, 1952)

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.Les vies (Las vidas, 1952)

    Ah ! comme je te sens parfois

    agacée

    contre moi, vainqueur au milieu des hommes !

    Et cela car tu ne sais pas

    que ma victoire est celle aussi

    de milliers de visages que tu ne peux voir,

    de milliers de pieds et de coeurs qui m’escortèrent,

    je ne suis rien

    et je n’existe aucunement,

    je ne suis que le front de ceux qui m’accompagnent,

    si je suis fort

    c’est parce que je porte en moi

    au lieu de ma médiocre vie

    toutes les vies,

    un millier d’yeux

    me permettant d’aller sans faille de l’avant,

    mille mains

    de frapper dur comme la pierre,

    et l’on entend ma voix à l’orée de toutes les terres

    parce qu’elle est la voix de tous

    ceux qui n’ont pas parlé,

    de tous ceux qui n’ont pas chanté

    et qui chantent aujourd’hui

    par cette bouche qui t’embrasse.

     

    *

     

    Fable de la sirène et des ivrognes

    (Fábula De La Sirena Y Los Borrachos, 1958)

     

     

     

    Tous ces messieurs étaient là-bas

    Lorsqu’elle entra complètement nue

    Ils avaient bu et commencèrent à lui cracher dessus

    Elle ne comprenait rien, elle sortait à peine du fleuve

    C’était une sirène qui s’était égarée

    Les insultes couraient sur sa chair lisse

    L’immondice couvrait ses seins d’or

    Elle ne savait pas pleurer c’est pourquoi elle ne pleurait pas

    Elle ne savait pas s’habiller c’est pourquoi elle ne s’habillait pas

    Ils la tatouèrent avec des cigarettes et des bouchons brûlés

    Et ils riaient jusqu’à tomber sur le sol de la taverne

    Elle ne parlait pas car elle ne savait pas parler

    Ses yeux étaient couleur d’amour lointain

    Ses bras bâtis de topazes jumeaux

    Ses lèvres se coupèrent dans la lumière du corail

    Et tout à coup elle sortit par cette porte

    À peine entra t-elle dans le fleuve qu’elle fut propre

    Elle resplendit comme une pierre blanche dans la pluie

    Et sans se retourner elle nagea à nouveau

    Elle nagea vers jamais plus vers la mort.

     

    *

     

    Belle

     

    Belle,

    pareil à l’eau qui sur la pierre fraîche

    de la source

    ouvre son grand éclair d’écume,

    est ton sourire,

    belle.

    Belle,

    aux fines mains, aux pieds déliés

    comme un petit cheval d’argent,

    fleur du monde, marchant,

    je te vois moi,

    belle.

    Belle,

    avec un nid de cuivre enchevêtré

    dans la tête, un nid

    d’une brune couleur de miel

    où mon coeur brûle et se repose,

    belle.

    Belle,

    aux yeux trop grands pour ton visage,

    aux yeux trop grands pour la planète.

    I1 y a des pays, des fleuves

    dans tes yeux,

    ma patrie se tient dans tes yeux,

    je vagabonde à travers eux,

    ils donnent sa clarté au monde

    partout où s’avancent mes pas,

    belle.

    Belle,

    tes seins sont pareils à deux pains

    - terre froment et lune d’or -,

    belle.

    Belle,

    ta taille

    mon bras l’a faite comme un fleuve

    mille années parcourant la douceur de ta chair,

    belle.

    Belle,

    rien n’a le charme de tes hanches,

    la terre en quelque lieu caché

    a peut-être, elle,

    la courbe de ton corps et son parfum,

    en quelque lieu peut-être,

    belle.

    Belle, ma belle,

    ta voix, ta peau, tes ongles,

    belle, ma belle,

    ton être, ta clarté, ton ombre,

    belle,

    tout cela est mien, belle,

    tout cela, mienne, m’appartient,

    lorsque tu marches ou te reposes,

    lorsque tu chantes ou que tu dors,

    lorsque tu souffres ou que tu rêves,

    toujours,

    lorsque tu es proche ou lointaine,

    toujours,

    ma belle, tu es mienne,

    toujours.

     

    ___

    LA MUERTA

    La morte

     

    Si brusquement tu cesses d’exister,

    Si brusquement tu ne vis plus,

    Moi je vivrai.

     

    Je n’ose pas,

    Je n’ose pas écrire:

    Si tu meurs.

     

    Moi je vivrai.

     

    Car là où on ne laisse pas parler un homme

    Ma voix s’élève.

     

    Là où le bâton s’abat sur les Noirs,

    Je ne peux pas, moi, être mort.

    Si l’on met en prison mes frères

    Il faudra qu’on m’y mette aussi.

     

    Quand la victoire,

    Non ma victoire,

    Mais la grande victoire

    Arrivera,

    Même muet je devrai parler:

    Je la verrai, serais-je aveugle, s’avancer.

     

    Mais non, pardonne-moi.

    Si toi tu ne vis plus,

    Si toi, ma chérie, mon amour,

    Si toi

    Tu meurs,

    Toutes les feuilles tomberont sur ma poitrine,

    Il pleuvra sur mon âme nuit et jour,

    La neige brûlera mon cœur,

    J’avancerai avec du froid, du feu, la mort, la neige,

    Mes pieds voudront marcher vers le lieu où tu dors,

    Pourtant

    Je resterai vivant,

    Puisque tu m’auras aimé en toutes choses

    Indomptable

    Et que tu sais bien, mon amour, que je ne suis pas seulement

    Un homme

    Mais tous les hommes.

     

     

     

     


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  •  

    Pour lui, l'art, la psychanalyse, la philosophie, les chansons d'amour, l'opéra, ça n'existe pas. 

     

    Papa est un atrophié de l'inconscient. Il dit n'avoir jamais rêvé de toute sa vie. 

     

    Papa est un handicapé sentimental. Il a été opéré du coeur il y a quelques années. Ca prouve que dans sa poitrine il y a quelque chose qui bat. 

     

    Papa est un piètre amant. Il a cessé d'embrasser ma mère quand elle est tombée enceinte de moi. Ensuite, il lui a encore fait trois enfants. 

     

    Papa est un intégriste. S'il prend l'autoroute dans le mauvais sens, il pense que c'est les autres qui se trompent. 

     

    Papa est raciste. L'aîné de mes frères a épousé une fille "noire comme la poix". 

     

    Papa est d'extrême-droite. Une autre de mes frères a épousé une CGTiste. 

     

    Papa mettrait en prison tous les sans domicile fixe. Il enverrait tous les artistes aux travaux forcés. Mon plus jeune frère est un jongleur de rue. 

     

    Papa trouve que la décadence du monde occidental vient du fait que les femmes travaillent. 

     

    Papa dit "soyez vous-même". Mais si vous-même, c'est un con ? 

     

    Papa, c'est Mister No. Il n'a jamais vu un film de Nanni Moretti. Pourquoi regarderait-il un film de quelqu'un qu'il n'aime pas? 

     

    Papa ne s'aperçoit pas quand il a froid. S'il pleut, il ne prend ni parapluie ni imperméable. Imperméable, c'est lui qui l'est. 

     

    Quand il était jeune, papa avait une tête d'acteur. Quand il était jeune, papa était un sprinteur. 

     

    Maman avait 16 ans quand elle l'a connu. Elle l'a quitté plein de fois. Papa a quand même réussi à l'épouser. Papa était obstiné. 

     

    Papa était riche. Entre 50 et 60 ans, il a tout dilapidé. Il ne voulait pas qu'on profite de ses sous. 

     

    Papa me lançait en l'air quand j'étais bébé. 

     

    Papa m'a tapé dessus jusqu'à 16 ans. Je suis partie de chez moi et je suis venue habiter à Paris. 

     

    Papa va mourir cet automne, ont dit les médecins. Peut-être qu'après, je me trouverai un fiancé. 

     

     

     

     *

     

    copyright Simonetta Greggio

     

     

     


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