• Robert DESNOS :la Peste & autre poème

    Robert DESNOS :la Peste & autre poème

    La peste. 

     

    Dans la rue un pas retentit. La cloche n’a qu’un seul

    battant. Où va-t-il le promeneur qui se rapproche

    lentement et s’arrête par instant ? Le voici devant

    la maison. J’entends son souffle derrière la porte.

     

    Je vois le ciel à travers la vitre. Je vois le ciel où les

    astres roulent sur l’arête des toits. C’est la grande

    Ourse ou Bételgeuse, c’est Vénus au ventre blanc, c’est

    Diane qui dégrafe sa tunique près d’une fontaine de lumière.

     

    Jamais lunes ni soleils ne roulèrent si loin de la

    terre, jamais l’air de nuit ne fut si opaque et si

    lourd. Je pèse sur ma porte qui résiste…

     

    Elle s’ouvre enfin, son battant claque contre le

    mur. Et tandis que le pas s’éloigne je déchiffre

    sur une affiche jaune les lettres noires du mot « Peste ».

     

    ___

    J'AI TANT REVE DE TOI

     

     

     

    J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

    Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant

    Et de baiser sur cette bouche la naissance

    De la voix qui m’est chère?

     

    J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués

    En étreignant ton ombre

    A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas

    Au contour de ton corps, peut-être.

    Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante

    Et me gouverne depuis des jours et des années,

    Je deviendrais une ombre sans doute.

    O balances sentimentales.

     

    J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps

    Sans doute que je m’éveille.

    Je dors debout, le corps exposé

    A toutes les apparences de la vie

    Et de l’amour et toi, la seule

    qui compte aujourd’hui pour moi,

    Je pourrais moins toucher ton front

    Et tes lèvres que les premières lèvres

    et le premier front venu.

     

     

    J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,

    Couché avec ton fantôme

    Qu’il ne me reste plus peut-être,

    Et pourtant, qu’a être fantôme

    Parmi les fantômes et plus ombre

    Cent fois que l’ombre qui se promène

    Et se promènera allègrement

    Sur le cadran solaire de ta vie.


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