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Davertige : Anacaona et autres poèmes

Le poème de Davertige « La beauté et l'amour comme inquiétude » a été publié pour la première fois en 1962 dans la première édition d'Idem . « La Légende de Villard Denis », a été publié pour la première fois en 1964 dans la deuxième édition d'Idem. Villard Denis était le nom de peintre de Davertige à Haïti.

 

 

Davertige : Anacaona et autres poèmes

 

Anacaona

 

Magicienne de la confiance au fond des bois

Tu n'es plus fétiche aujourd'hui car ce dialecte

Lèche tes pampres de lait pur Tes yeux me broient

L'image déferlée hors sur les mares infectes

 

L'innocence avant le déluge ton corps vit

Sur la merveille assez de ma vierge fragile

L'immense Ô tendresse aux fumants doigts il est dit

Pour cette source claire un hymne dans leur ville

 

Je t'évoque rosée algues à travers la tour

Un seul soleil qui fuit où fouine la matière

Diamant miraculeux ton feu a fait le jour

 

De l'herbe et le serpent d'été mur de lumières

Quand la fumée aura construit son arche bleue

J'inscrirai sur ma porte Agi-Aya Bombé

 

*

La beauté et l'amour comme inquiétude

_

Nous ignorons peut-être l'évolution des arbres et des forêts

Nous qui sommes poètes et fils de la nature

Car à l'heure où j'écris sur cette table chargée de fossiles

Un peuple de bonheur meurt par dessus le voile de l'aurore

Des fruits profonds s'adoucissent sur des branches

La mer franchit cette frontière de l'extase et de la passion

La Beauté et l'amour sont donc à reconstruire

Sur les astres et sur les joues la tour secrète unie à nos angoisses

Pardonne à mes rêveries et à mes errances

Une putain a le sexe pur de la tornade

Une aurore vagabonde change le jour et prend le centre

Des tourments qui viennent sur le dernier bateau

Mon dernier port galopant aux pieds de la prairie

Petit cheval du soir aux yeux de romarin

J'ai tourné sur ma tête l'herbe sans prix pour ma mémoire

Je m'en souviens et les vagues se remémorent

Où sont les joies et les plaisirs du Début de l'Amour

Je la connais la femme qui fait vibrer le paysage

La sève s'amplifie et recolore nos souvenirs anciens

L'amour nous prend et nous explique le chemin de l'Éden

Que l'enfant qui s'en va baise mes joues fanées

La roue de mer tourne les folles vagues et doit tourner

Hier la forêt près de nous était un livre

Et des oiseaux chantent sur nos épaules

L'hirondelle vers les Pôles tournait ses yeux opaques

Ce seul soleil de charbon contournant les larmes du ciel

Collier de voix autour du désert de nos corps

Celle qui venait avec cette aurore que j'aime

Qu'au centre de leur jardin se repose ma lampe

Elle s'éteint comme un tombeau sans souvenir

Cette mer fraîche c'est son profil scintillant dans le demi-soir

Un miroir aveugle aveuglant dans cette nuit sans chiffre

Ce fruit voyant dans le verger mûr de ma chambre

Ses doigts d'huile sensible réglant la geste d'incertitude

L'Équateur ce bâton de grains de réglisse dans l'émail du cancer

La structure broussailleuse limitant la vue du Poète

Au bas des ciels de zinc meurent mes yeux céruléens

Toute la NATURE est absente dans mes rêves

 

Et tournent et tournent les mers et les déserts

Les ciels gris de cristal les quais aux brides de l'Enfer de Rimbaud

Et non dans les mers de Cravan Arthur Arthur Artaud

Horizon lâché à midi du signe des yeux mortuaires du monde

Comme gueules battues aux battants pour l'embarcation

Le verre frotte ses doigts sur la pâleur de nos miroirs

Viennent des saisons au front de l'orage qui gronde

Horizon renversé d'obus derrière la course du mal-aimé

Apollinaire

L'azur dans la courbe des sens reprend sa douceur d'autrefois

Et au cœur du matin nous sommes à la rencontre de l'espérance

Mon île liée au péril de ma vie

Le piroguier Césaire dans les pirogues des Antilles

Marche marche dans les tuyaux de nos oiseaux aventureux

Et ce nuage d'homme d'une mémoire de course

Est le cœur plein de vie des astres de Tzara

L'amour entre et sort et fait de nous un lac sanguinolent

Dans la plainte des larmes qui charrient nos enfances

Ô larmes de la mort dans l'ivrognerie de Dylan Thomas

Corbeaux mon panthéon aux vitres de l'azur

Clouées au front du ciel entre les mains ouvertes d'Edgar Poe

Dans cet espace indivisible aucun ange n'a répondu

La chute de l'enfance a refermé le Temple

Et Rilke a ouvert la lumière sur le paysage inconnu

La rose parée de sève plus belle que le jour

Le couple de pluie Éluard et Nush se tenant d'innocence

S'en allait à travers le jour et se couchait partout

Et toi assise sur le seuil de ta grâce subtile

L'étoile que tu portes au front se souviendra de ma passion

Je me regarde dans le miroir ton enfance devient ma jeunesse

Et le vertige remplit le ciel du poids de ce poison Un pont sur ta main

Claire et tes doux yeux

Une ville reconstruite dans le parfum du demi-soir

Un oiseau chante au coin de mon miroir

Ô ciel fou de Goll au moulin de la jalousie

La PROSTITUTION a des cheveux malades comme des bêtes féroces

Dites Lautréamont derrière un vieil Océan

Ce sont les chants du monde et les nuits à la recherche du fantôme

Puisque poète ma voix a dénoué le ruisseau

Sous les arcades de l'amour des poissons au-dessus des eaux

Entourées de bois de chandelle et de quinine

La CONVULSION de L'Immaculée Conception au front de l'ombre de Breton

Ô Desnos sur le pont de la vie où passent les Nazis

Je découvre la lame sans queue mordant nos cœurs

Un seul amour ininterrompu persécuté dans cette nuit

De cyclamen quand la France dans son cycle par toi abat l'infini

Et c'est aussi sur une même route avec Elsa

Ô mes chants érigés en stèles de sable remarquable

Comme des ciels de tuf aux horizons tabous où dialoguent les Parias

Par-dessus St-Aude et le soleil au coin de la rue St-Honoré

Riez e ne riez pas de ceux qui veulent tuer leur Roi

Qui fut en pays étrange étranger de son labyrinthe de propriété

Car à chacun appartiennent les monstres qui rejettent les lois

Autour de toi Michaux l'abîme exorcise nos plaintes

Je les connais aussi ceux qui s'élèvent avec leur libation

La mer montée vers nous dans le Temple-de-Mer de Perse

L'océan dans son architecture plus grande que l'avenir

 

Merdre aux voyous décervelés

Merdre Merdre au Père-Ubu

Un poète fait son portrait en crabe

Là où Jésus déménage pour laisser ses cornets à dés

Ah qu'ils s'effritent ces paumes de chaux

J'ai péché sur la lampe les pierres et les hommes

Hommes de l'inquiétude je ne vous ai jamais connus

Tant que la pente sera mouvante je prendrai toujours mon bateau

Si c'est une fenêtre lyrique que l'on me donne des fleurs

J'ai des bras comme les autres pour travailler des lèvres pour baiser

Je me connais Davertige de tous les vertiges des siècles

Je les connais ces ciels de romarin où les enfants mal-nés gémirent

Où la patrie et ses nuits sauvages d'amour dialoguent

Passants dans la merveille des saisons arrêtez-vous devant ma lampe

Nos mains ont besoin d'écume et de sève

Ève ne portera plus le tort des désirs déchaînés par ses sens

Ni les voyous la puanteur qui accable le monde

Par-delà le vertige mon être pris de toute connivence

Avec les astres et les hommes

 

Au bras des ciels de zinc se raniment mes yeux céruléens

Toute la NATURE est présente dans mes rêves.

 

 

 

 

 

*

L'île déchaînée

 

Je ne suis qu'un adolescent qui cherche à se comprendre pour connaître le monde Ô vous les réverbères éteints sur les paupières du jour Ô grand midi parmi les fous illimité comme de vieux zombis en bobêche de souffrance Toutes les voix bivouaquent dans les plaines et dans la plainte des plantations Nombrils aux vents les yeux pleurants Omoplates et crânes huileux sur des bouteilles de fétiches L'aile d'ébène du soleil réchauffe la campagne et l'aveugle porte le poids de l'obscurité contre ses paupières Parias mon frère je vous suis montrez-moi la route des sources

 

Je ne suis qu'un adolescent qui cherche à se comprendre Soûlard mon Christ aux yeux d'absinthe la nuit est ivre de convulsion Par la taille le spasme l'agrippe Ô vie le bas-ventre chauffé sous le Poteau-mitan Je vais chercher une croyance Et ces jeunes nègres le cœur en sang se souviennent-ils des libations J'ai donc conscience des réverbères éteints des négresses perdues de cette flamme vive au fond des cales de l'émigration avec le diamant sur le sexe christes-marines dans la salive des mers glauques Montrez-moi la route des sources Je ne suis qu'un adolescent

 

Soûlard mon Christ les cheveux de sisal vert sale Illimité comme les zombis de la nuit à naître Et qui naîtra à l'arc roux de notre île Ô grands cierges allumés pourquoi notre équilibre se trouve hors de son centre Ô souvenirs Les carrefours se dévident sur l'infini le Guédé de soleil fait des pirouettes Les foules la tête au Levant lancées à l'assaut des yeux du soleil pour ce topaze de la lumière Le sable ivre recrée la chair et la pierre de la fronde ressuscite les fruits Ô saisons mortes de notre île nous vivons dans la mort comme hier vous vécûtes près des tambours à taille de vache

 

Entre les lianes du vent

Nous nous révélons des passants

Et nous passons sous les orages

Nos corps liés autour des âges

 

Cassés et ressoudés par la transe des nuits nos corps inscrits dans leur mouvement de pierre ont des gestes de moundongs d'yeux de mille lucioles Le silex initie la puissance de la sève Montrez-moi la route des sources

 

Je ne suis qu'un adolescent soûlard les réverbères éteints Nous entrons dans la vie et lions notre adolescence au secret de l,amour éclatant de corail sur les étoiles et les soleil Midi de tuf s'illimitant lui-même sur les incantations de l'homme Que les momies adossées à la voix des ombres les cercueils pris de pleurs s'élèvent sur les déserts les paysages et les maisons craquant de trop de sortilèges à l'ombre des visages amers et amarrés autour de soi Miroir d'ombre agissante et pourquoi s'élever dans les grottes des grillons Et la rivière descend la pluie cassée par le vent violet Nos doigts s'élèvent aux sons des nuits

 

Nuit de baume et de basilic

Sous le ciel le destin tragique

Attendue trop longtemps la nuit

En tes cheveux la mort nous suit

 

Je ne suis qu'un adolescent qui cherche les réverbères éteints car ma jeunesse est passée ainsi que la St-Jean La mer baisait la paume des boumbas et les champs amarrés autour du midi Les plantes délient l'été sur les sables Nos fronts mâchent les serpentins de rides Et les menottes du soleil défont la transe de la nuit Grand jour de maïs d'or et de poissons les fétiches se gargarisent sur nos poitrines Le siam pendu au fond du lac et sur l'étang On se réveille d'idolâtrie du grand lit de putain les yeux hypnotisés Aux flammes délirent les sables Je n'ai qu'à ouvrir les cheveux

 

Les chevaux refont le silence

Et je détruis tout le passé

À mes narines de fumée

Le jour par Toi reprend conscience

 

Les soûlards se défilent dans leur mouvement hors de nous-mêmes sur le pavé de leur délire et les grands genoux lézardés des déserts Sur nos talons anesthésiés sur nos visages fulgurants l'empreinte des scorpions renoue le fil arraché à l'hameçon et autour des vieux mâts qui supportent nos pleurs Dans la baie graisseuse des cuisses et dans le wharf étroit du sexe du printemps le ciel se mit à la dimension des sens en lit d'alcool Les lèvres se rencontrèrent sangsues mortes comme la mare éteinte hors de la nudité de la lune La foule plantée dans la persistance de l'orage ce mapou millénaire les racines de sortilège les cheveux verts de latanier dans le puits de la terre et de la chair où la Femme-Cacique disait Agi-Aya-Bombé Oh si vient le printemps les papillons seront mes frères et le suicide aux voleurs de la nuit comme Anacaona allongée et empaillée de souffrances centenaires Je ne connais rien de la vie je ne fais que parler de moi comme un vent galopant dans un toit

 

La nuit pleure autour de nos voix

Qu'elles montent au-dessus des eaux

Ces sirènes aux yeux de fantômes

Qu'elles s'allongent sur nos croix

 

Je ne sais rien hors de moi-même ce ne sont que mensonges Tout va tourner La plaine immense prend le grillon et jusqu'au bout du jour la lune folle d'abeilles a laissé couler sa chanson Ô mon ombre millénaire dans la plaine pâlissent les doigts des tambours Toutes les tombes s'ouvrent toutes les cordes s'usent par la puissance inverse de la nuit Nos yeux qui l'an passé moururent allument la chanson le front béni entre le bruissement des étoiles filantes Le grand fantôme déchaîné comme l'eau de l'écluse la sueur brûlante de la cascade des colonnes vertébrales comme la mémoire huileuse La nuit les seins ouverts croisée et décroisée sur la trace boueuse et chaude de l'homme et de la femme Le lard des lèvres se suicide sur le cramoisi de jouvence Le sang aux joues des fruits la sève aux bras des mers

 

Mes papillons pourquoi mes pas vous recherchent toujours La source je dois la suivre jusqu'à trouver les citronnelles et les papillons C'est la route promise...

 

Ô forêts sur vos tabacs vos ailes de libellules Que n'ai-je longtemps erré dans les déserts sur les pavois des rêves là où jamais le rêve ne s'éteint aux revers des lèvres sales les embouchures se raniment et le croupissement des jours éclate Qu'elle s'élève la sirène aux cheveux de jasmin de nuit au collier d'étoiles Mon grand tombeau de chaux comme un ciel arc-bouté à mon enfance Ah qu'il éclate avec le grand démon le grand poignard aux rires des rivières les mots tranchants comme des feuilles sauvages Mes mains mes pieds mon sang mes bras mes cheveux mes yeux ô Parias combien est grande la connivence Ô moi qui ne suis qu'un adolescent

 

La nuit éclate sur ma tête

La femme ouvre sa douce chair

Le grillon reprend sa chaleur

Je vais dormir avec mes rêves

*

La légende de Villard Denis

_

 

La légende de Villard Denis

Est une légende simple et amère

Sous le tournoiement des couteaux de l'ardoise

Et de la corde en coryphée dans les branches

 

Elle voit au loin la cendre du cœur tourner

Entre des crocs et des salives

Pour dire la geste du cœur-aux-chiens

La légende était à leurs pieds

Avec mes vitres brisées dévorantes

Ma chemise trop fine voulant encercler l'incendie

 

Voici la légende du cœur-aux-chiens

Avec la célérité des flammes de la main

Qui disent non pour son sang vif

Ses cloches sonnent avec un bruit de bois sec

Au-dessus des arbres brisés en paraboles

Pour l'entraîner dans les dangers des fantômes tourbillonnants

Près du parapet des noms en serpents

 

La légende de Villard Denis à vos oreilles

Court à pas d'enfant dans les feuilles

Elle était docile aux pieds de la Sainte aux yeux d'argent

Le brasier recouvrant sa face

Elle était broyée par les bruyères de vos entrailles

Et veut parler au braiment du soleil

Le langage de l'homme pathétique

Et que viennent les poètes d'antan

Et s'en aillent ceux d'aujourd'hui

Dans le cycle de ses lamentos

Derrière le voile du crâne où se tissent les funérailles fissurées

 

Pour contenir son dos dans la gloire de sa Parole revenue

Un voyage qu'elle entreprend à sa façon

Pour pénétrer dans l'or ouvert

Des bras de la Vierge aux cheveux blonds

 

C'est le cœur de Villard Denis

Émerveillé dans un monde en pâtures

Sous les nuages violets des chiens

Où gisent le glas de la tombe et l'émerveillement de ses nuits

Crépitant dessous les sanglots dans le crachoir imberbe de sa face

 

Un cœur aux pourceaux dans la patrie brûlée des passants

Et qui craque sur les fémurs de la fleur-aux-dents

Dévidant la bouteille de ses mots sans âge

Mourant dans la chaîne infinie des flots

Sous les flûtes de farine du cœur

Ô suaire de ma naissance

Sur la table aux tiroirs ouverts

Où le verre creuse le puits pour dévider enfin le miracle de l'arme des colonels

Des roses fanées sur la surface de la légende

S'appuyant la tête à nos genoux

 

Ce n'est pas adieu que je dis aux étoiles de vos talons

 

Qu'en Enfer les dieux vous bénissent

Et sous la girouette du sang

Chante la légende de Villard

Qui est une légende immortelle.

 

 

 

___

Omabarigore

 

Omabarigore la ville que j'ai créée pour toi

En prenant la mer dans mes bras

Et les paysages autour de ma tête

Toutes les plantes sont ivres et portent leur printemps

Sur leur tige que les vents bâillonnent

Au milieu des forêts qui résonnent de nos sens

Des arbres sont debout qui connaissent nos secrets

Toutes les portes s'ouvrent par la puissance de tes rêves

Chaque musicien a tes sens comme instrument

Et la nuit en collier autour de la danse

Car nous amarrons les orages

Aux bras des ordures de cuisine

La douleur tombe comme les murs de Jéricho

Les portes s'ouvrent par ta seule puissance d'amour

Omabarigore où sonnent

Toutes les cloches de l'amour et de la vie

La carte s'éclaire comme ce visage que j'aime

Deux miroirs recueillant les larmes du passé

Et le peuple de l'aube assiégeant nos regards

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