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Mahmoud Darwich :OISEAUX & autres poèmes

 

 Mahmoud Darwich :OISEAUX & autres poèmes

 

 

L’on se verra bientôt…

dans un an,

deux ans, dans un siècle…

et dans l’appareil photographique

furent jetés

vingt jardins

et les oiseaux de la Galilée

et la voilà partie, au-delà de la mer

cherchant un sens nouveau à la vérité.

ma patrie est une corde à sécher

et les rubans du sang répandu à

chaque minute…

Et sable, et palmiers, je me suis

étendu sur le rivage

Les oiseaux ne savent point, ma Rita,

que la mort et moi t’avons donné

le secret de la joie fanée

à la barrière douanière…

Et nous voilà, la mort et moi,

renaissant

dans ton front premier,

et dans la fenêtre de ta maison…

deux visages… moi et la mort.

Pourquoi fuis-tu?

Pourquoi fuis-tu, à présent, ce qui

de l’épi, fait les cils de la terre

et du volcan, un autre visage du jasmin

Mais pourquoi fuis-tu?

Rien, la nuit, ne me fatiguait autant

que son silence

quand il s’étirait devant ma porte

comme la rue, comme le vieux quartier…

qu’il soit fait selon ta volonté,

Rita !

Le silence serait une cloche

des cadres d’étoiles

ou un climat ou la sève bout ans

les flancs de l’arbre.

Je bois le baiser au tranchant des

couteau

Viens ! Qu’on appartienne à la boucherie !…

comme des feuilles inutiles

sont tombées les vols d’oiseaux

dans les puits du temps

ET me voilà, ma Rita, repêchant leurs ailes bleues.

Je suis celui qui porte dans sa peau,

gravée par les chaînes,

une forme de la patrie.

____

 

extrait de Rameaux d’olivier - 1964 :  INSCRIS

Inscris !

Je suis Arabe

Le numéro de ma carte : cinquante mille

Nombre d’enfants : huit

Et le neuvième… arrivera après l’été !

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine

Et j’ai huit bambins

Leur galette de pain

Les vêtements, leur cahier d’écolier

Je les tire des rochers…

Oh ! je n’irai pas quémander l’aumône à ta porte

Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Sans nom de famille - je suis mon prénom

« Patient infiniment » dans un pays où tous

Vivent sur les braises de la Colère

Mes racines…

Avant la naissance du temps elles prirent pied

Avant l’effusion de la durée

Avant le cyprès et l’olivier

…avant l’éclosion de l’herbe

Mon père… est d’une famille de laboureurs

N’a rien avec messieurs les notables

Mon grand-père était paysan - être

Sans valeur - ni ascendance.

Ma maison, une hutte de gardien

En troncs et en roseaux

Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?

Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

 

Inscris !

Je suis Arabe

Mes cheveux… couleur du charbon

Mes yeux… couleur de café

Signes particuliers :

Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré

Et ma paume est dure comme une pierre

…elle écorche celui qui la serre

La nourriture que je préfère c’est

L’huile d’olive et le thym

 

Mon adresse :

Je suis d’un village isolé…

Où les rues n’ont plus de noms

Et tous les hommes… à la carrière comme au champ

Aiment bien le communisme

Inscris !

Je suis Arabe

Et te voilà furieux !

 

Inscris

Que je suis Arabe

Que tu as rafflé les vignes de mes pères

Et la terre que je cultivais

Moi et mes enfants ensemble

Tu nous as tout pris hormis

Pour la survie de mes petits-fils

Les rochers que voici

Mais votre gouvernement va les saisir aussi

…à ce que l’on dit !

 

DONC

 

Inscris !

En tête du premier feuillet

Que je n’ai pas de haine pour les hommes

Que je n’assaille personne mais que

Si j’ai faim

Je mange la chair de mon Usurpateur

Gare ! Gare ! Gare

À ma fureur !

 

____

 

Rien ne me plaît ,traduction par Jalel El Gharbi  :

 

 

« Rien ne me plaît, dit un voyageur dans le bus, ni la radio

 

Ni les journaux du matin, ni les citadelles sur les collines. 

 

J’ai envie de pleurer»

 

« Attends qu’on arrive et pleure tout ton saoul, répondit le chauffeur »

 

« Moi non plus, dit une dame, rien ne me plaît. J’ai montré ma tombe à mon fils.

 

Elle lui a plu : il s’y est endormi et ne m’a pas dit adieu »

 

L’universitaire dit « Moi non plus, rien ne me plaît. 

 

J’ai fait de l’archéologie et je n’ai jamais trouvé

 

Mon identité dans une pierre. Suis-je vraiment

 

Moi-même ? »

 

Un soldat dit alors : « Moi non plus, rien ne me plaît

 

Je traque une ombre qui me traque »

 

Nerveux, le chauffeur dit alors : « Terminus ! Préparez-vous

 

A descendre. 

 

Tous lui crièrent : « Nous voulons aller au-delà du terminus

 

Continuez donc ! »

 

Quant à moi, je dis : « Faites-moi descendre. Je suis comme eux, rien ne me plaît mais je suis fatigué du voyage. »

 

لاشيء يعجبني 

 

 

 

((لا شيءَ يُعْجبُني))

يقول مسافرٌ في الباصِ – لا الراديو

ولا صُحُفُ الصباح , ولا القلاعُ على التلال.

أُريد أن أبكي/

يقول السائقُ: انتظرِ الوصولَ إلى المحطَّةِ,

وابْكِ وحدك ما استطعتَ/

تقول سيّدةٌ: أَنا أَيضاً. أنا لا

شيءَ يُعْجبُني. دَلَلْتُ اُبني على قبري’

فأعْجَبَهُ ونامَ’ ولم يُوَدِّعْني/

يقول الجامعيُّ: ولا أَنا ’ لا شيءَ

يعجبني. دَرَسْتُ الأركيولوجيا دون أَن

أَجِدَ الهُوِيَّةَ في الحجارة. هل أنا 

حقاً أَنا؟/

ويقول جنديٌّ: أَنا أَيضاً. أَنا لا

شيءَ يُعْجبُني . أُحاصِرُ دائماً شَبَحاً

يُحاصِرُني/

يقولُ السائقُ العصبيُّ: ها نحن

اقتربنا من محطتنا الأخيرة’ فاستعدوا

للنزول.../

فيصرخون: نريدُ ما بَعْدَ المحطَّةِ’

فانطلق!

أمَّا أنا فأقولُ: أنْزِلْني هنا . أنا

مثلهم لا شيء يعجبني ’ ولكني تعبتُ

من السِّفَرْ.

 

_____

A MA MERE

 

 

Je me languis du pain de ma mère

du café de ma mère

des caresses de ma mère

jour après jour

l’enfance grandit en moi

j’aime mon âge

car si je meurs

j’aurai honte des larmes de ma mère

 

si un jour je reviens

fais de moi un pendentif à tes cils

recouvre mes os avec de l’herbe

qui se sera purifiée à l’eau bénite de tes chevilles

attache -moi avec une natte de tes cheveux

avec un fil de la traîne de ta robe

peut-être deviendrai-je un dieu

oui un dieu

si je parviens à toucher le fond de ton cœur

 

si je reviens

mets-moi ainsi qu’une brassée de bois dans ton four

fais de moi une corde à linge sur la terrasse de ta maison

car je ne peux plus me lever

quand tu ne fais pas ta prière du jour

 

j’ai vieilli

rends-moi la constellation de l’enfance

que je puisse emprunter avec les petits oiseaux

la voie du retour

au nid de ton attente

 

___

LE CYPRÈS S’EST BRISÉ

 

 

Le cyprès s’est brisé comme un minaret

et il s’est endormi

en chemin sur l’ascèse de son ombre,

vert, sombre,

pareil à lui-même. Tout le monde est sauf.

Les voitures

sont passées, rapides, sur ses branches.

La poussière a recouvert

les vitres … Le cyprès s’est brisé mais

la colombe n’a pas quitté son nid déclaré

dans la maison voisine.

Deux oiseaux migrateurs ont survolé

ses environs et échangé quelques symboles.

Une femme a dit à sa voisine :

Dis, as-tu vu passer une tempête ?

Elle répondit : Non, ni un bulldozer …

Le cyprès s’est brisé. Les passants sur ses débris ont dit :

Il en a eu assez d’être négligé,

il a sans doute vieilli

car il est grand

comme une girafe,

aussi vide de sens qu’un balai

et il n’ombrage pas les amoureux.

Un enfant a dit : Je le dessinais parfaitement,

sa silhouette est facile. Une fillette a dit :

Le ciel est incomplet

aujourd’hui que le cyprès s’est brisé.

Une jeune homme a dit :

Le ciel est complet

aujourd'hui que le cyprès s’est brisé.

Et moi, je me suis dit :

Nul mystère,

le cyprès s’est brisé, un point c’est tout.

Le cyprès s’est brisé ! 

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