L’on se verra bientôt…
dans un an,
deux ans, dans un siècle…
et dans l’appareil photographique
furent jetés
vingt jardins
et les oiseaux de la Galilée
et la voilà partie, au-delà de la mer
cherchant un sens nouveau à la vérité.
ma patrie est une corde à sécher
et les rubans du sang répandu à
chaque minute…
Et sable, et palmiers, je me suis
étendu sur le rivage
Les oiseaux ne savent point, ma Rita,
que la mort et moi t’avons donné
le secret de la joie fanée
à la barrière douanière…
Et nous voilà, la mort et moi,
renaissant
dans ton front premier,
et dans la fenêtre de ta maison…
deux visages… moi et la mort.
Pourquoi fuis-tu?
Pourquoi fuis-tu, à présent, ce qui
de l’épi, fait les cils de la terre
et du volcan, un autre visage du jasmin
Mais pourquoi fuis-tu?
Rien, la nuit, ne me fatiguait autant
que son silence
quand il s’étirait devant ma porte
comme la rue, comme le vieux quartier…
qu’il soit fait selon ta volonté,
Rita !
Le silence serait une cloche
des cadres d’étoiles
ou un climat ou la sève bout ans
les flancs de l’arbre.
Je bois le baiser au tranchant des
couteau
Viens ! Qu’on appartienne à la boucherie !…
comme des feuilles inutiles
sont tombées les vols d’oiseaux
dans les puits du temps
ET me voilà, ma Rita, repêchant leurs ailes bleues.
Je suis celui qui porte dans sa peau,
gravée par les chaînes,
une forme de la patrie.
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extrait de Rameaux d’olivier - 1964 : INSCRIS
Inscris !
Je suis Arabe
Le numéro de ma carte : cinquante mille
Nombre d’enfants : huit
Et le neuvième… arrivera après l’été !
Et te voilà furieux !
Inscris !
Je suis Arabe
Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine
Et j’ai huit bambins
Leur galette de pain
Les vêtements, leur cahier d’écolier
Je les tire des rochers…
Oh ! je n’irai pas quémander l’aumône à ta porte
Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais
Et te voilà furieux !
Inscris !
Je suis Arabe
Sans nom de famille - je suis mon prénom
« Patient infiniment » dans un pays où tous
Vivent sur les braises de la Colère
Mes racines…
Avant la naissance du temps elles prirent pied
Avant l’effusion de la durée
Avant le cyprès et l’olivier
…avant l’éclosion de l’herbe
Mon père… est d’une famille de laboureurs
N’a rien avec messieurs les notables
Mon grand-père était paysan - être
Sans valeur - ni ascendance.
Ma maison, une hutte de gardien
En troncs et en roseaux
Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?
Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.
Inscris !
Je suis Arabe
Mes cheveux… couleur du charbon
Mes yeux… couleur de café
Signes particuliers :
Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré
Et ma paume est dure comme une pierre
…elle écorche celui qui la serre
La nourriture que je préfère c’est
L’huile d’olive et le thym
Mon adresse :
Je suis d’un village isolé…
Où les rues n’ont plus de noms
Et tous les hommes… à la carrière comme au champ
Aiment bien le communisme
Inscris !
Je suis Arabe
Et te voilà furieux !
Inscris
Que je suis Arabe
Que tu as rafflé les vignes de mes pères
Et la terre que je cultivais
Moi et mes enfants ensemble
Tu nous as tout pris hormis
Pour la survie de mes petits-fils
Les rochers que voici
Mais votre gouvernement va les saisir aussi
…à ce que l’on dit !
DONC
Inscris !
En tête du premier feuillet
Que je n’ai pas de haine pour les hommes
Que je n’assaille personne mais que
Si j’ai faim
Je mange la chair de mon Usurpateur
Gare ! Gare ! Gare
À ma fureur !
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Rien ne me plaît ,traduction par Jalel El Gharbi :
« Rien ne me plaît, dit un voyageur dans le bus, ni la radio
Ni les journaux du matin, ni les citadelles sur les collines.
J’ai envie de pleurer»
« Attends qu’on arrive et pleure tout ton saoul, répondit le chauffeur »
« Moi non plus, dit une dame, rien ne me plaît. J’ai montré ma tombe à mon fils.
Elle lui a plu : il s’y est endormi et ne m’a pas dit adieu »
L’universitaire dit « Moi non plus, rien ne me plaît.
J’ai fait de l’archéologie et je n’ai jamais trouvé
Mon identité dans une pierre. Suis-je vraiment
Moi-même ? »
Un soldat dit alors : « Moi non plus, rien ne me plaît
Je traque une ombre qui me traque »
Nerveux, le chauffeur dit alors : « Terminus ! Préparez-vous
A descendre.
Tous lui crièrent : « Nous voulons aller au-delà du terminus
Continuez donc ! »
Quant à moi, je dis : « Faites-moi descendre. Je suis comme eux, rien ne me plaît mais je suis fatigué du voyage. »
لاشيء يعجبني
((لا شيءَ يُعْجبُني))
يقول مسافرٌ في الباصِ – لا الراديو
ولا صُحُفُ الصباح , ولا القلاعُ على التلال.
أُريد أن أبكي/
يقول السائقُ: انتظرِ الوصولَ إلى المحطَّةِ,
وابْكِ وحدك ما استطعتَ/
تقول سيّدةٌ: أَنا أَيضاً. أنا لا
شيءَ يُعْجبُني. دَلَلْتُ اُبني على قبري’
فأعْجَبَهُ ونامَ’ ولم يُوَدِّعْني/
يقول الجامعيُّ: ولا أَنا ’ لا شيءَ
يعجبني. دَرَسْتُ الأركيولوجيا دون أَن
أَجِدَ الهُوِيَّةَ في الحجارة. هل أنا
حقاً أَنا؟/
ويقول جنديٌّ: أَنا أَيضاً. أَنا لا
شيءَ يُعْجبُني . أُحاصِرُ دائماً شَبَحاً
يُحاصِرُني/
يقولُ السائقُ العصبيُّ: ها نحن
اقتربنا من محطتنا الأخيرة’ فاستعدوا
للنزول.../
فيصرخون: نريدُ ما بَعْدَ المحطَّةِ’
فانطلق!
أمَّا أنا فأقولُ: أنْزِلْني هنا . أنا
مثلهم لا شيء يعجبني ’ ولكني تعبتُ
من السِّفَرْ.
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A MA MERE
Je me languis du pain de ma mère
du café de ma mère
des caresses de ma mère
jour après jour
l’enfance grandit en moi
j’aime mon âge
car si je meurs
j’aurai honte des larmes de ma mère
si un jour je reviens
fais de moi un pendentif à tes cils
recouvre mes os avec de l’herbe
qui se sera purifiée à l’eau bénite de tes chevilles
attache -moi avec une natte de tes cheveux
avec un fil de la traîne de ta robe
peut-être deviendrai-je un dieu
oui un dieu
si je parviens à toucher le fond de ton cœur
si je reviens
mets-moi ainsi qu’une brassée de bois dans ton four
fais de moi une corde à linge sur la terrasse de ta maison
car je ne peux plus me lever
quand tu ne fais pas ta prière du jour
j’ai vieilli
rends-moi la constellation de l’enfance
que je puisse emprunter avec les petits oiseaux
la voie du retour
au nid de ton attente
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LE CYPRÈS S’EST BRISÉ
Le cyprès s’est brisé comme un minaret
et il s’est endormi
en chemin sur l’ascèse de son ombre,
vert, sombre,
pareil à lui-même. Tout le monde est sauf.
Les voitures
sont passées, rapides, sur ses branches.
La poussière a recouvert
les vitres … Le cyprès s’est brisé mais
la colombe n’a pas quitté son nid déclaré
dans la maison voisine.
Deux oiseaux migrateurs ont survolé
ses environs et échangé quelques symboles.
Une femme a dit à sa voisine :
Dis, as-tu vu passer une tempête ?
Elle répondit : Non, ni un bulldozer …
Le cyprès s’est brisé. Les passants sur ses débris ont dit :
Il en a eu assez d’être négligé,
il a sans doute vieilli
car il est grand
comme une girafe,
aussi vide de sens qu’un balai
et il n’ombrage pas les amoureux.
Un enfant a dit : Je le dessinais parfaitement,
sa silhouette est facile. Une fillette a dit :
Le ciel est incomplet
aujourd’hui que le cyprès s’est brisé.
Une jeune homme a dit :
Le ciel est complet
aujourd'hui que le cyprès s’est brisé.
Et moi, je me suis dit :
Nul mystère,
le cyprès s’est brisé, un point c’est tout.
Le cyprès s’est brisé !