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Il est le Souffle des souffles...
Je ris de voir que le poisson dans l’eau a soif
La perle est dans ton cœur, ne cherche pas ailleurs
Comme l’iris est dans l’œil
Qui ne voit pas cela le cherche en vain ailleurs
O Kabir, le daim cherche dans la forêt
Le musc caché dans son nombril
Et l’homme cherche ailleurs
Celui qui est dans son cœur
N’imite pas le daim qui, cherchant dans les herbes
Veut déterrer le musc que secrète son nombril
Ils cherchent tous ailleurs
Celui qui est dans le cœur
A cause du voile épais de l’ignorance
Nul ne voit l’Un
Comme l'huile dans le grain de sésame
Et l’étincelle dans la pierre de silex
Il est en toi
Fais-le jaillir si tu peux
Je croyais qu'Il était loin
Mais Il est en chacun
En chaque forme vit le Sans-Forme
Mais nul n’a compris ce mystère
Rien en moi n’est à moi
Car toute chose T’appartient
Que puis-je perdre, en vérité
Si je T’offre tout ce qui est à Toi
Comme le suc de couleur rouge
Qui imprègne les feuilles de myrte
Ton essence imprègne tout ce qui vit
Invisible dans le cœur
Depuis longtemps errant, cherchant l’essence universelle
Si tu es las, pourquoi te tourmenter encore
Fais jaillir cette étincelle divine
De toute éternité, cachée en toi, elle brille
कबीर
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Officine et dénonciation
A Fernando Vela
Sous les multiplications
il y a une goutte de sang de canard ;
sous les divisions
il y a une goutte de sang de marin ;
sous les additions, un fleuve de sang tendre.
Un fleuve qui avance en chantant
par les chambres des faubourgs,
qui est argent, ciment ou brise
dans l’aube menteuse de New York.
Les montagnes existent. Je le sais.
Et les lunettes pour la science.
Je le sais. Mais je ne suis pas venu voir le ciel.
Je suis venu voir le sang trouble,
Le sang qui porte les machines aux cataractes
et l’esprit à la langue du cobra.
Tous les jours on tue à New York
quatre millions de canards,
cinq millions de porcs,
deux mille pigeons pour le plaisir des agonisants,
un million de vaches,
un million d’agneaux
et deux millions de coqs,
qui font voler les cieux en éclats.
Mieux vaut sangloter en aiguisant son couteau
ou assassiner les chiens
dans les hallucinantes chasses à courre
que résister dans le petit jour
aux interminables trains de lait,
aux interminables trains de sang,
et aux trains de roses aux mains liées
par les marchands de parfums.
Les canards et les pigeons,
les porcs et les agneaux
mettent leurs gouttes de sang
sous les multiplications,
et les terribles hurlements des vaches étripées
emplissent de douleur la vallée
où l’Hudson s’enivre d’huile.
Je dénonce tous ceux
qui ignorent l’autre moitié,
la moitié non rachetable
qui élève ses montagnes de ciment
où battent les coeurs
des humbles animaux qu’on oublie
et où nous tomberons tous
à la dernière fête des tarières.
Je vous crache au visage.
L’autre moitié m’écoute
dévorant, chantant, volant dans sa pureté,
comme les enfants des conciergeries
qui portent de fragiles baguettes
dans les trous où s’oxydent
les antennes des insectes.
Ce n’est pas l’enfer, c’est la rue.
Ce n’est pas la mort, c’est la boutique de fruits.
Il y a un monde de fleuves brisés et de distances insaisissables
dans la petite patte de ce chat
cassée par l’automobile,
et j’entends le chant du lombric
dans le coeur de maintes fillettes.
Oxyde, ferment, terre secouée.
Terre toi-même qui nage
dans les nombres de l’officine.
Que vais-je faire ? mettre en ordre les paysages ?
Mettre en ordre les amours qui sont ensuite photographies,
Qui sont ensuite morceaux de bois et bouffées de sang?
Non, non, non, non ; je dénonce.
Je dénonce la conjuration
de ces officines désertes
qui n’annoncent pas à la radio les agonies,
qui effacent les programmes de la forêt,
et je m’offre à être mangé par les vaches étripées
quand leurs cris emplissent la vallée
où l’Hudson s’enivre d’huile.
Federico Garcia Lorca
Un poète à new York, “Officine et dénonciation”,
tr. fr. Pierre Darmangeat modifiée, Gallimard, 1961.
*
Couleurs
Au-dessus de Paris
la lune est violette.
Elle devient jaune
dans les villes mortes.
Il y a une lune verte
dans toutes les légendes.
Lune de toile d’araignée
et de verrière brisée,
et par-dessus les déserts
elle est profonde et sanglante.
Mais la lune blanche,
la seule vraie lune,
brille sur les calmes
cimetières de villages.
Federico Garcia Lorca, Chansons sous la lune
*
Lune de fête
La lune
on ne la voit dans les fêtes.
Il y a trop de lunes
sur la pelouse !
Tout veut jouer à être lune.
La même fête
C’est une lune blessée
qui est tombée sur la ville.
Des lunes microscopiques
dansent sur les vitres
Et certaines restent
Sur les gros nuages
De la fanfare.
La lune de l’azur
on ne la voit pas dans les fêtes
Elle se voile et soupire :
” J’ai mal aux yeux !”
Federico Garcia Lorca, Poemas de la Feria
Traduction de Winston Perez
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http://touaregsmirages.canalblog.com/archives/2009/03/10/14392623.html
et Rhissa Rhossey
"Jour et Nuit, Sable et Sang, poèmes sahariens »
Éditions Transbordeurs
*
Nomades
Hier encore
Ils comptaient les étoiles
Ils avaient tout le temps
Et tout l'espace
Solitaires et libres
N'écoutant que l'écho
De leur voix
Aujourd'hui
Contrariés
Leur lourd voile
Obstrue leur regard
Et ils ne peuvent compter les étoiles
Pourtant encore ils rêvent
Leurs rêves lumineux
Comme la voie lactée
Est en suspens dans le chant
Des canons.
Leur mouvement pris en otage
Dans le filet des frontières
Héritier d'une époque
Sans gloire
Les fils du vent et des étoiles
Font du Silence et de l'oubli
Leur triste mélodie
*
Prière d'un bouzou
Le charbon sort de chez moi
Mais je suis dans les ténèbres
L'Uranium sort de chez moi
Mais je suis pauvre.
L'Aïr est une immense nappe phréatique
Mais j'ai soif.
Chez moi, il y a d'immenses
Plaines fertiles ... inexploitées.
Chez moi il y a deux axes routiers :
Celui qui Exporte l'Uranium
Et celui qui Exploite le Charbon.
Et vous voudriez que je me taise
De toute façon je me tais
Puisque je suis en majorité Analphabète
Et patati patata
Que les bavards se taisent
Que les braves meurent
Et que les lâches coopèrent
Pour la pérennité du système
Des loups.
Amen!
*
Souvenir
Je me souviens
D'un jour et d'une nuit
D'un jour de soleil
D'une nuit de glace
Un souvenir de lutte
En ce temps-là
Mon passé entier
Était deux fois dix ans!
Mon avenir: : l'Éternité
Ou l'instant suivant
Parce que j'avais vingt ans J
E voulais changer le monde
Le modeler à ma guise
Le façonner à mon goût
C'est tout
J'avais lu un livre Vert
Et un autre Rouge
Et beaucoup d'autres
De toutes les couleurs
D'ailleurs
Tout cela est beau
Mais trop confus
J'avais besoin d'une chose :
La LIBERTÉ
Cela au moins était clair
Ironie du sort
Un jour ils m'ont pris
De ma maison
À leur prison
Ça n'a pas été long
*
Tam-tam
C'est la nuit profonde
Et le tam-tam gronde
Il gronde
Très fort
Encore baraqués
Devant les tentes
Chameaux et chameliers
S'impatientent
Car longue est l'attente.
C'est la nuit profonde
Et le tam-tam gronde
Il gronde
Très fort
Il appelle ceux des vallées
Et ceux des plaines
Il les appelle tous
A la grande fête.
C'est la nuit profonde
Et le tam-tam gronde
Tourbillon de poussière
Et vertige des âmes
Cadence des corps
Hommes et bêtes
Réconciliés
Par le tam-tam
Tournoient
Et tournoient encore.
C'est la nuit profonde
Et le tam-tam gronde
TENDEN Goumaten
Entraîne tout
Dans sa fureur
Elle viole les âmes
Les perce, les envole
Rien que déchaînement
Désordre, folie
Les mots délivrés d'eux-mêmes
Epousent la fuite
Des gestes
Dans l'espace
Nocturne
C'est la nuit profonde
Et le tam-tam gronde
Par la magie l'IRREEL
Côtoie le Réel
Le vrai et le faux se confondent.
*
Ténéré
Terre ancestrale
Terre mythique
Terre magique
Terre nombril de la terre
On te dit cruelle
Moi, je te dis maternelle
Non, je ne dirai jamais
Les secrets de ton lait
Mère, la manne de tes mamelles
Mais je dirai la magie
Ta magie
D'ensemencer la vie
Dans le vide
Tes dunes
Ne sont pas des ras de sable sans vie
Tes dunes sont vivantes
Vivante ta lune
Ton silence n'est pas un gouffre
Mais clémence pour qui souffre
Et qui s'interroge
Sur cette nature que l'on s'arroge
*
TENERE
Terre de méditation
Terre de création
Terre d' artistes
Terre ÉTERNELLE
L'Homme est peintre
Sur pierre
La femme est mannequin
Le jour lumière
La nuit poète
Le vent ciseleur
Sur marbre
TENERE
Tes enfants ne sont pas
Des marionnettes
Qu'on exhibe pour théâtre
A quatre sous
Ce sont des caravaniers
Qui tissent la fraternité
Ce sont de grands artisans
De l'Unité
TENERE
N'est-ce pas encore
Ta magie
Cette nostalgie
Qui toujours ramène à toi
Les Hommes de toutes les fois
Ta loi étant Ie toit
De l'Univers?
Mer autrefois
Paradis ou Enfer Demain?
Qui dira le mystère ?
*
Thingalène
Salut THINGALÈNE
Remparts où butent
Toutes les basses volontés
Tour au sommet
Réservée aux âmes pures
Tu es mon ARC DE TRIOMPHE
Monument divin
Tu es pétri de la pierre
De la pierre pure et dure
Larmes de feu
Vomissures des sables
Ou pilier de la terre
Dis-moi montagne qui es-tu
Vestige des hommes de prestige
Sommet aux grandeurs de vertiges
Kaocen et Dayak t'ont habité
Jamais je ne cesserai de te chanter
*
Imbroglio
Les jours passent
Les braves trépassent
La résistance s'effiloche
Et dans mon cœur
Le désenchantement
Va de sa pioche
Dans chaque vallée
Sur chaque colline
Chacun crie sa tribu
Et revendique déjà
Son lopin de terre
Celui-là dénonce son frère
Cet autre tue son père
'Oh ! Frère d'ÉGUIGUlRE
Oh ! Compagnon de TAZIRZlT
Étaient-ce les paroles prophétiques
Qui se réalisent ?
La révolution est conçue par les savants
Les braves y meurent
Et les lâches en profitent
Qu'en penses-tu RABITINE ?
INZAD trouve-t-il toujours écho
Aux oreilles de ceux de l'épée?
*
PRIERE
Seigneur
Les charognes et les mangeurs de boue
Ont prostitué L'esprit du souffle
Ils ont péché contre
La pureté originelle du souffle
Oh qu'il était grand
Jadis le souffle
Quand il fusionnait les cœurs
Dans un même brasier d'espoir
Et subitement petit et vil Le souffle
Quand il dressait Frères contre frères
Pour un grain de riz
Et un océan de mensonges
Oh Seigneur
Ne leur pardonne point
Ceux-là qui ont falsifié
L'esprit du souffle
Par leurs ventres qui ne remplissent jamais.
Par leurs regards qui percent les mystère
Par leurs bouches qui disent plus
Qu'il ne faut dire
Oui ! Je les renie
*
Je n'oublierai jamais
Je n'oublierai jamais
Un enfant de l'AÏR
Qui mourut un soir
De grande gloire
Un jeune homme du terroir
Qui parlait le langage
De la terre
Partout il semait des étoiles
Aux enfants il parlait d'école
Aux femmes de machines à coudre
Aux hommes de chantiers
De grands champs de blé
Aux jeunes de son âge
Dans son langage sans nuage
Il ordonne la résistance
Jusqu'au bout du souffle
La lutte et le sacrifice
Marquèrent en lettres immuables
Son éphémère passage sur la terre
Étrange prophète de l'amour et du travail
Qui arrosa de son sang
Ses rêves innocents
Et nourrit de son corps
La glaise maternelle
Pour l'éternité
Il mourut un soir
Le cœur plein d' espoir.
Au milieu des cris et du vacarme
En démontant le tambour-major
D'une fête barbare
Où le sang coulait à flots
Rougissant encore plus l'aurore
Où la chair valsait avec le fer
Où le feu déchirait l'aube
Les années ont passé
Le Martyr demeure
Si vous voulez le sentir
Allez à TIMIA
Quand l'oasis sort de de son sommeil
Comme une coquille qui s'ouvre
Sur sa perle du matin
Offrant sa beauté à L'Espoir
D'un jour naissant
Là au milieu des jardins
Dans les sables
Ou sur les montagne
Il est dans chaque grenadier
Dans chaque dattier
Dans chaque barrement d'ailes
Il fait partie du paysage
Comme la cascade
Comme l'humus qui nourrit la fange
Comme le chant des petites bergères
Qui perce les nuages
Si vous voulez le sentir
Allez à TIGGUIDA
*
La Résistance était en moi
Il fut un temps j'ai porté la résistance
Au plus profond de mes fibres
Elle était dans mon sang
Elle était dans mes larmes
Elle était dans ma sueur
Elle était ma moelle épinière
La résistance était mon souffle
Elle était les pulsations mêmes de mon pouls
Elle était en chaque atome de mon corps
La résistance était en moi
Elle était dans mes nerfs
Et dans mes muscles
*
Lecture
À la lumière jaune
De ta lampe-tempête
Tu t'éclaires
Le soir quand
Tout repose
Et que le village
Retrouve son âme
Dans le sillage
De la nuit
Couché à plat ventre
Courbé sut ton livre
La face éclaboussée de lumière jaune
Tu déchiffres l'écriture
Qui déjà t'appelle à l'aventure
Énigmatique des temps
Futurs
Et puis la nuit s'éveille
*
Les mots
Les mots !
Ils sont dociles
Doux et charmants
Ils vous suivent partout
Tout au long des chemins
Et vous font tout dire
Il faut beaucoup de patience
Pour les apprivoiser
Surtout quand ils sont d'une autre race
Il suffit d'un rien pour les effaroucher
Je crois qu'ils n'aiment pas le bruit
Et préfèrent la solitude
Ils sont omnivores
Ils se nourrissent d'un grain de joie
D'un grain de douleur
Ils boivent l'eau des océans, des mers
Et même des petits ruisseaux
Le poète est leur berger
Il les compte et recompte chaque soir
Quand le silence descend sur la terre
Pourvu qu'ils soient au rendez-vous
Il y a des mots.. Blancs d'innocence
Gais comme des agneaux
Il y en a des Noirs comme des corbeaux
Amers comme des bourreaux
Et d'autres tristes comme des tombeaux
Ce sont là des mots douleurs
Et moi pour les exorciser je veux
Des mots volcans
Laves fumantes de vérité
Des mots tempêtes
Désarçonnant des remparts de préjugés
Des mots brasiers
Ce sont de grandes chevauchées
Des mots inapprivoisés
Des mots débridés
Qu'il me faut
Ce sont des mots indisciplinés
Des mots sans limite
Des mots sans entrave
Des mots sans papier
Des mots "viole-frontière qu'il me faut
Des mots nomades-sans-escale
Il me faut des mots boucliers
Des mots rebelles
Des mots pilonne-caserne
Des mots mine-Cubli
Des mots roquettes-mépris
Je veux des mots [eux follets Je veux des mots feux follets
Je veux des mots fous
Des mots, des mots furieux
Des mots Forts
*
Les Sept
Ils sont Sept
Sept
Un chiffre étrange
Étrange et mystique
Sept
Emportés du fin fond
De la nuit
Vers où
Par où
Sept hommes
emportés
disparus
Pourquoi
Pour qui
Ils sont sept
Je pose sept fois
La même question
TAMGAK
TAGUIRERTE
TINZAWATENE
Ou TAIKARENE
Montagnes majestueuses de mon bled
Ô rochers mystérieux
Et silencieux
N’avez-vous rien vu passer
AQMI Français ou Américains
De grâce
Allez-y ailleurs
Porter vos conflits
Nos enfants en ont assez
Assez du chant des canons
*
Hommage à Aimé Césaire
Le silence du Tambour-major
Jeudi 16 avril 2008
Au bout du petit matin...
L'immensité du désastre
L'humanité retient son souffle
Des larmes sur les cinq continents
Les océans stagnent
Les fleuves suspendent leurs cours
Tambours, koras et balafons
Ravalent leurs sons
Les rois des forêts, savanes et déserts
Retiennent leurs gestes
Qui se figent
Et même les oiseaux au fond du ciel
Immobilisent leur envol
Les chiens se taisent ...
La tragédie des rois...
La tempête sanglote,
LUMUMBA tourne dans sa tombe
Un Nègre
Un très grand Nègre
Se retire
Un poing ferme et dur
Un poing de fraternité et de dignité
S'en va
Mais la Révolte
La Révolte demeure
Aimé Césaire
*
A l'abri de leur regard
Les étoiles peuvent pâlir
Le soleil s'éclipser
Mon âme toujours s'éclaire
De sa lumière éternelle.
Je sais qu'ils titubent encore
Dans la nuit.
Ils tâtonnent hélas
Mais leurs mains sèches
Ne caressent que des rêves morts.
Croyant meilleur leur sort
Ils ont tous abdiqué
Seigneur sauve-les de la nuit
La nuit douloureuse et sans fin
Qui entrave le mouvement
Qui aveugle le regard
Qui alourdit la langue
Cette nuit oppressante
Qui nous emportera tous Inéluctablement
Si nous ne fusionnons pas
Nos lumières éternelles
Qui palpitent secrètes
Au fond de nous
À l'abri de leur regard.
*
Ashamor
Seul
Il n'a pas de toit
A ses yeux
Pas de lois qui tiennent
Devant lui l'impossible recule
Il recule chaque jour un peu plus
Il n'est rien
Il a tout
De la vie en attendant le meilleur
Il prend le pire
Magicien de Génie
De ces rêves, il fait des réalités
*
AÏR
Pour Aboubé
Au bout du monde
L'AIR
Chez moi,
Il y a plein de vallées
Peuplées de jardiniers
Au salut facile
Plein de plaines
Aux noms de femmes
Des montagnes
Aux écritures oubliées.
Dans ce pays
Il n'y a pas toujours
De quoi se vêtir
Mais le cœur y est
Chaud à l'amour
Très souvent
Le ventre y est vide
Le cœur ramassé
Pour s'y amuser Il suffit d'une peau de chèvre
D'un mortier de bois
Quelques belles
Et la fête commence
Les fêtes balancent
Et cadencent
Ce pays est beau
Et pour les yeux
Et pour le cœur
*
Au magicien de la boue
A Mousa Abou,architecte touareg
Enfant du terroir
Véritable fils de la glaise
Que de la fange
Tes doigts d'ange
Nous érigent des cités
Où il fera bon vivre
La terre du Sahel
Craquelée et assoiffée
Devient matière première
Entre tes mains de magicien
Fertilise-la
Cette terre d'abandon
Et dis-nous le secret de la création
Érige-nous des villes
Des villes saines
Des villes sans exclusion
Des villes sans bidonville
Oui, des cités sereines
Accordées à l'espace
À l'air, à l'eau À la vie
Fils des tentes
Flottantes
À tous les vents
Qui saurait
Mieux que toi
Donner un abri
Aux sans-abri
Qui disputent
Aux rats
Le rez-de-chaussée?
Architecte aux doigts d'or
Enracine-nous à la terre
*
Blessure
Vendredi 28 août 1992
Un jour macabre s'est levé
Sur la cité au Minaret millénaire
Comme un fleuve en crue
La haine a déferlé
La haine Nue
Sauvage
Tumultueuse
Une meute désemparée
Sans chef ni subordonné
S'est ruée vers la ville
La ville innocente et docile.
Alors commença la danse barbare
Des proies faciles
Maison par maison
La horde écumait la ville
Mettait dans ses fourgons
Des civils innocents.
La peur s'installait
Les miens traqués
Rasaient les murs.
Partout on arrête
On torture sans murmure
Sous des yeux douloureusement
Indifférents
Exultant, applaudissant le carnage
Le deuil s'installait
La douleur incommensurable.
Dans les gares
Sur les routes
Dans les rues
Et jusqu'au fond des case
Sinistrement silencieuses
Ils arrêtent les miens
Tous les miens
Tapis à l 'ombre de la terreur
Les miens entassés
Dans la honte
Dans la sueur
Dans les larmes.
Les miens Au creux des cellules sordides
Puantes
Puantes de mille pourritures...
Oh Seigneur! De quel Répondaient les miens !
Pourquoi endossent-ils les péchés
De tout l'univers ?
Le fils et le père enchaînés
À la même chaîne de la honte.
Les frères rampant dans la sueur et le sang
Sous les caresses cruelles
Des lumières brûlantes.
Seules les femmes
Debout dans la tourmente
Le poing dur
L'insulte à la bouche
*
Chant funèbre pour Mano Dayak
Tu n'est plus
Et mes larmes ne tariront plus
Ton sang, ton corps et tes os
Sont à jamais mêlés à ces sables que tu as
tant aimés
Es-tu mort au-dessus de CHIRIET aux dunes
dorées
Ou en amont de TAMGAK qui rime avec ta
lutte ?
Sont-ce les terres maternelles de TEMET qui
te retiennent
Qui te réclament pour l'Éternité ?
Le désert est FIDÈLE
Comme tu l'as porté à bout de bras, au
bout du monde
Le TÉNÉRÉ te porte désormais en son sein
Pour toujours ton ÂME aura la clarté de ses
dunes
Et ta MÉMOIRE la grandeur de ses montagnes
Ta mère est deuil, et tu es le Fils de
toutes les mères
Ton père est en deuil, et tu es le Fils de tous
les pères
Ton frère est en deuil, et tu es le Frère de
TOUS les HOMMES,
GRAND GUIDE
La caravane est au bout de l'étape
Et la SOURCE annoncée n'est pas loin
Dans la nuit sans étoile et par la tempête
Tu nous as menés et à présent
REPOSE-TOI EN PAIX
*
Foule
Foule, Foule
Je t'aime dans ton docile
Mouvement
Dans ton harmonie
Dans ta cohérence
Foule, Foule
Fais corps avec mon corps
Fais de mon âme Ton Esprit
Foule, je te crains
Dans ta folie
Quand Furieuse
Tu foules du pied
Ce que tu as construit
Foule, Foule
Tu es belle
Quand tu foules la tyrannie
Foule
Tu es à l'image
De l'homme
Insaisissable
Dans ton élan
Imprévisible
Dans ton surgissement
Foule
Tu es femme
Quand tu aimes
Et l'Amour
Coule
De tes mains
De tes yeux
De ton cri
Foule
De tous les continents
De toutes les couleurs
J'aimerai toujours
Voir s'écraser
À la face des tyrans
Ton cri
Mon cri
Ton poing
Mon poing
Foule, fais foule avec mes Rêves
*
Poème pour célébrer la paix
Nigériens, mes frères
Quelle est donc cette brise
Qui souffle sur la terre
Du Moro Naba
Ce vent si frais gui souffle
Du pays des « hommes intégrés »
Ce vent aux relents de paix ?
Oh patrie
Patrie aimée
Patrie mienne
Rectifie ta marche
Va droit sur le chemin
De la paix et de ]'amour
À la haine, à la violence
Fais volte-face pour toujours
PAIX
PAIX sur toutes les races de chagrins
Tant de vallées ont baigné dans le sang
Tant de koris où ne coulent plus
Que des larmes
Tant de morts sans nom
Tant de haine dans les coeurs
Tant de chaînes sans raison
Tant d'innocents dans les fournaises
Des prisons
Souviens-toi PATRIE
Oh PATRIE
Des fuites éperdues des familles traquées
Ah ! Les songes inachevés
Des nuits saturées de mensonges !
PAIX
Paix pour l'âme de mes morts
Pour les blessés dans leur corps
Pour les blessés dans leur coeur
Pour les mutilés
Pour les déportés
Pour les prisonniers
Pour les exilés
Pour les égarés
Pour tous, PAIX et espoir
Oh Patrie regarde
Regarde autour de toi
Ce monde sans loi
Ce monde qui brûle
Qui hurle, hurle, hurle
J'ai dit : Libéria Taylor la mort ! Taylor la torture !
Horreur !
Les longues files
Des orphelins et veuves qui enfilent
Les labyrinthes inhospitaliers des exils
J'ai dit : Burundi !
Ces frères qui s'entre-déchirent!
*
POURTANT
Au coin d'un lopin
De terre oublié
Je feuillette
Des rêves morts
Éclaboussés de nuit
Il n'y avait pas d'oiseau
Pas d'arbre
Pas même un brin d'herbe
Tout est triste
Et désolé
Pourtant
De mon talon nu
La source est née
Et mes rêves s'animèrent
Le jour fut
Il y eut plein d'oiseaux
Beaucoup d'arbres
Et plein d'herbe
Tout est beau
Et charmant
Quand le jour s'élève !
*
Pas de nom
Mon frère d'outre-mer
Surtout pas de nom
Je ne suis pas le fils
Du vent et des nuages
Je suis le fils de la fange
De la fange stérile et rouge
Sables, montagnes et pierres
Je suis le fils de la terre
Maternelle
Silence, oubli, mépris
Je suis l'enfant des douleurs
Éternelles
Non, frère, je ne suis pas
Je ne suis plus
Le Seigneur du désert
Mais l'esclave
Des horizons nus
*
Para nymphe pour un muselé
Pour Mamana Abou, directeur du journal «le Républicain», éd
Ils l'ont encore arrêté
Mon pote
Pour la énième fois
Décidément tu n'as pas la cote
Oui ta salive est sabre
De canon contre leurs mensonges
Ton encre acide qui dévoile
La toile mesquine de leur supercherie
Rappelle-toi mon pote
Hier c'était le feu
Ils ont brûlé Le Républicain.
Naïfs, ils ont bastonné pour faire
Taire la conscience
Aujourd'hui ils bâillonnent
Ils bâillonnent la grande gueule
Ou la grande plume
Oui la conscience éclairée de
La presse nigérienne, j'ai dit :
Mamane Abou !
Et je vois le pays entier debout
Debout dans les rues pour dire NON !
.Libérez-le, il n'a fait que DÉNONCER
Libérez-le, il n'a fait qu' ÉCRIRE
Libérez-le, il n'a fait que DÉVOILE
Dé-voi-lé !
*
JE N'OUBLIERAI JAMAIS
pour Almoudou Introudourène Zinder, 22 février 1999
Je n'oublierai jamais / Un enfant de l'AÏR / Qui mourut un soir / De grande gloire / Un jeune homme du terroir / Qui parlait le langage / De la terre / Partout il semait des étoiles / Aux enfants il parlait d'école / Aux femmes de machines à coudre / Aux hommes de chantiers / De grands champs de blé / Aux jeunes de son âge / Dans son langage sans nuage / Il ordonne la résistance / Jusqu'au bout du souffle / La lutte et le sacrifice / Marquèrent en lettres immuables / Son éphémère passage sur la terre / Étrange prophète de l'amour et du travail / Qui arrosa de son sang / Ses rêves innocents / Et nourrit de son corps / La glaise maternelle / Pour l'éternité
Il mourut un soir / Le cœur plein d' espoir / Au milieu des cris et du vacarme / En démontant le rambour-:major / D'une fête barbare / Où le sang coulait à flots / Rougissant encore plus l' aurore / Où la chair valsait avec le fer / Où le feu déchirait l'aube / Les années ont passé / Le Martyr demeure / Si vous voulez le sentir / Allez à TIMIA / Quand l'oasis sort de de son sommeil / Comme une coquille qui s'ouvre / Sur sa perle du matin / Offrant sa beauté à L'Espoir / D'un jour naissant / Là au milieu des jardins / Dans les sables / Ou sur les montagne / Il est dans chaque grenadier / Dans chaque dattier / Dans chaque battement d'ailes / Il fait partie du paysage / Comme la cascade / Comme l'humus qui nourrit la fange / Comme le chant des petites bergères / Qui perce les nuages
Si vous voulez le sentir / Allez à TIGGUIDA / Là il est dans chaque épi de blé / Qui défie le ciel bleu / Si vous voulez le sentir / Allez à TIGGUIDIT / Là il est dans chaque poignée de main / Qui construit demain / Je n'oublierai jamais / La sentinelle fantôme / D'un enfant dans l'AÏR / Qui veille sur le sommeil des petites gens / Par-delà les ténèbres
Rhissa Rhossey
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POÈME POUR CÉLÉBRER LA PAIX
Nigériens, mes frères / Quelle est donc cette brise / Qui souffle sur la terre / Du Moro Naba / Ce vent si frais gui souffle / Du pays des " hommes intégrés / Ce vent aux relents de paix ? / Oh patrie / Patrie aimée / Patrie mienne / Rectifie ta marche / Va droit sur le chemin / De la paix et de ]'amour / À la haine, à la violence / Fais volte-face pour toujours / PAIX
PAIX sur toutes les faces de chagrins / Tant de vallées ont baigné dans le sang / Tant de koris où ne coulent plus / Que des larmes / Tant de morts sans nom / Tant de haine dans les cœurs / Tant de chaînes sans raison / Tant d'innocents dans les fournaises / Des prisons / Souviens-toi PATRIE / Oh PATRIE / Des fuites éperdues des familles traquées / Ah ! Les songes inachevés / Des nuits saturées de mensonges !
PAIX / Paix pour l'âme de mes morts / Pour les blessés dans leur corps / Pour les blessés dans leur cœur / Pour les mutilés / Pour les déportés / Pour les prisonniers / Pour les exilés / Pour les égarés / Pour tous, PAIX et espoir / Oh Patrie regarde / Regarde autour de toi / Ce monde sans loi / Ce monde qui brûle / Qui hurle, hurle, hurle / J'ai dit : Liberia Taylor la mort ! Taylor la torture ! / Horreur ! / Les longues files / Des orphelins et veuves qui enfilent / Les labyrinthes inhospitaliers des exils / J'ai dit: Burundi !
Ces frères qui s'entre-déchirent !
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Le malheur d'aimer
Que sais-tu des plus simples choses
Les jours sont des soleils grimés
De quoi la nuit rêvent les roses
Tous les feux s'en vont en fumée
Que sais-tu du malheur d'aimer
Je t'ai cherchée au bout des chambres
Où la lampe était allumée
Nos pas n'y sonnaient pas ensemble
Ni nos bras sur nous refermés
Que sais-tu du malheur d'aimer
Je t'ai cherchée à la fenêtre
Les parcs en vain sont parfumés
Où peux-tu où peux-tu bien être
A quoi bon vivre au mois de mai
Que sais-tu du malheur d'aimer
Que sais-tu de la longue attente
Et ne vivre qu'à te nommer
Dieu toujours même et différente
Et de toi moi seul à blâmer
Que sais-tu du malheur d'aimer
Que je m'oublie et je demeure
Comme le rameur sans ramer
Sais-tu ce qu'il est long qu'on meure
A s'écouter se consumer
Connais-tu le malheur d'aimer
*
Enfer-les-Mines
Charade à ceux qui vont mourir Égypte noire
Sans Pharaon qu'on puisse implorer à genoux
Profil terrible de la guerre où sommes-nous
Terrils terrils ô pyramides sans mémoire
Est-ce Hénin-Liétard ou Noyelles-Godault
Courrières-les-Morts Montigny-en-Gohelle
Noms de grisou Puits de fureur Terres cruelles
Qui portent çà et là des veuves sur leurs dos
L'accordéon s'est tu dans le pays des mines
Sans l'alcool de l'oubli le café n'est pas bon
La colère a le goût sauvage du charbon
Te souviens-tu des yeux immenses des gamines
Adieu disent-ils les mineurs dépossédés
Adieu disent-ils et dans le coeur du silence
Un mouchoir de feu leur répond Adieu C'est Lens
Où des joueurs de fer ont renversé leurs dès
Etait-ce ici qu'ils ont vécu Dans ce désert
Ni le lit de l'amour dans le logis mesquin
Ni l'ombre que berçait l'air du Petit Quinquin
Rien n'est à eux ni le travail ni la misère
Ils s'en iront puisqu'on les chasse ils s'en iront
C'est fini les enfants qu'on lave à la fontaine
Tandis que chante sous un ciel tissé d'antennes
La radio des bricoleurs dans les corons
Ils n'iront plus le soir danser à la ducasse
L'anthracite s'éteint aux pores de leur peau
Ils n'allumeront plus la lampe à leur chapeau
Ils s'en iront Ils s'en iront puisqu'on les chasse
Les toits se sont assis sur le sol sans façon
Qui marche en plein milieu des étoiles brisées
Des fuyards jurent à mi-voix Une fusée
Promène dans la nuit sa muette chanson
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MERVEILLES
Tous ceux qui parlent des merveilles
Leurs fables cachent des sanglots
Et les couleurs de leur oreille
Toujours à des plaintes pareilles
Donnent leurs larmes pour de l'eau
Le peintre assis devant sa toile
A-t-il jamais peint ce qu'il voit
Ce qu'il voit son histoire voile
Et ses ténèbres sont étoiles
Comme chanter change la voix
Ses secrets partout qu'il expose
Ce sont des oiseaux déguisés
Son regard embellit les choses
Et les gens prennent pour des roses
La douleur dont il est brisé
Ma vie au loin mon étrangère
Ce que je fus je l'ai quitté
Et les teintes d'aimer changèrent
Comme roussit dans les fougères
Le songe d'une nuit d'été
Automne automne long automne
Comme le cri du vitrier
De rue en rue et je chantonne
Un air dont lentement s'étonne
Celui qui ne sait plus prier
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Un oiseau chante ne sais où
C’est je crois ton âme qui veille
Parmi tous les soldats d’un sou
Et l’oiseau charme mon oreille
Écoute il chante tendrement
Je ne sais pas sur quelle branche
Et partout il va me charmant
Nuit et jour semaine et dimanche
Mais que dire de cet oiseau
Que dire des métamorphoses
De l’âme en chant dans l’arbrisseau
Du coeur en ciel du ciel en roses
L’oiseau des soldats c’est l’amour
Et mon amour c’est une fille
La rose est moins parfaite et pour
Moi seul l’oiseau bleu s’égosille
Oiseau bleu comme le coeur bleu
De mon amour au coeur céleste
Ton chant si doux répète-le
À la mitrailleuse funeste
Qui chaque à l’horizon et puis
Sont-ce les astres que l’on sème
Ainsi vont les jours et les nuits
Amour bleu comme est le coeur même
*
Obus couleur de lune
Voici de quoi est fait le chant symphonique de l’amour
Il y a le chant de l’amour de jadis
Le bruit des baisers éperdus des amants illustres
Les cris d’amour des mortelles violées par les dieux
Les virilités des héros fabuleux érigées comme des pièces contre avions
Le hurlement précieux de Jason
Le chant mortel du cygne
Et l’hymne victorieux que les premiers rayons du soleil ont fait chanter à
Memnon l’immobile
Il y a le cri des Sabines au moment de l’enlèvement
Il y a aussi les cris d’amour des félins dans les jongles
La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales
Le tonnerre des artilleries qui accomplissent le terrible amour des peuples
Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté
Il y a là le chant de tout l’amour du monde
*
Mon très cher petit Lou je t’aime
Ma chère petite étoile palpitante je t’aime
Corps délicieusement élastique je t’aime
Vulve qui serre comme un casse-noisette je t’aime
Sein gauche si rose et si insolent je t’aime
Sein droit si tendrement rosé je t’aime
Mamelon droit couleur de champagne non champagnisé je t’aime
Mamelon gauche semblable à une bosse du front d’un petit veau
qui vient de naître je t’aime
Nymphes hypertrophiées par tes attouchements fréquents je vous aime
Fesses exquisément agiles qui se rejettent bien en arrière je vous aime
Nombril semblable à une lune creuse et sombre je t’aime
Toison claire comme une forêt en hiver je t’aime
Aisselles duvetées comme un cygne naissant je vous aime
Chute des épaules adorablement pure je t’aime
Cuisse au galbe aussi esthétique qu’une colonne de temple antique je t’aime
Oreilles ourlées comme de petits bijoux mexicains je vous aime
Chevelure trempée dans le sang des amours je t’aime
Pieds savants pieds qui se raidissent je vous aime
Reins chevaucheurs reins puissants je vous aime
Taille qui n’a jamais connu le corset taille souple je t’aime
Dos merveilleusement fait et qui s’est courbé pour moi je t’aime
Bouche Ô mes délices ô mon nectar je t’aime
Regard unique regard-étoile je t’aime
Mains dont j’adore les mouvements je vous aime
Nez singulièrement aristocratique je t’aime
Démarche onduleuse et dansante je t’aime
Ô petit Lou je t’aime je t’aime je t’aime.
note de Jean Pierre Pinon : En septembre, à Nice depuis le début du mois, Apollinaire rencontre Louise de Coligny-Châtillon
le 27 septembre 1914. Il la courtise sans la vaincre et lui envoie des poèmes (Poèmes à Lou
& Lettres à Lou).
Le 6 décembre 1914, il arrive au 38e Régiment d'artillerie de Campagne de Nîmes. 'Lou' le rejoint
le 7 decembre pour une semaine de passion. Les 27 et 28 mars 1915, il passe sa troisième et dernière
permission auprès de Lou. C'est la rupture définitive mais les deux amants promettent de rester amis...
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LE POÈTE
Je me souviens ce soir de ce drame indien
Le Chariot d’Enfant un voleur y survient
Qui pense avant de faire un trou dans la muraille
Quelle forme il convient de donner à l’entaille
Afin que la beauté ne perde pas ses droits
Même au moment d’un crime
Et nous aurions je crois
À l’instant de périr nous poètes nous hommes
Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes
Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté
N’est la plupart du temps que la simplicité
Et combien j’en ai vu qui morts dans la tranchée
Étaient restés debout et la tête penchée
S’appuyant simplement contre le parapet
J’en vis quatre une fois qu’un même obus frappait
Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes
Avec l’aspect penché de quatre tours pisanes
Depuis dix jours au fond d’un couloir trop étroit
Dans les éboulements et la boue et le froid
Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture
Anxieux nous gardons la route de Tahure
J’ai plus que les trois coeurs des poulpes pour souffrir
Vos coeurs sont tous en moi je sens chaque blessure
Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir
Cette nuit est si belle où la balle roucoule
Tout un fleuve d’obus sur nos têtes s’écoule
Parfois une fusée illumine la nuit
C’est une fleur qui s’ouvre et puis s’évanouit
La terre se lamente et comme une marée
Monte le flot chantant dans mon abri de craie
Séjour de l’insomnie incertaine maison
De l’Alerte la Mort et la Démangeaison
LA TRANCHÉE
Ô jeunes gens je m’offre à vous comme une épouse
Mon amour est puissant j’aime jusqu’à la mort
Tapie au fond du sol je vous guette jalouse
Et mon corps n’est en tout qu’un long baiser qui mord
LES BALLES
De nos ruches d’acier sortons à tire-d’aile
Abeilles le butin qui sanglant emmielle
Les doux rayons d’un jour qui toujours renouvelle
Provient de ce jardin exquis l’humanité
Aux fleurs d’intelligence à parfum de beauté
LE POÈTE
Le Christ n’est donc venu qu’en vain parmi les hommes
Si des fleuves de sang limitent les royaumes
Et même de l’Amour on sait la cruauté
C’est pourquoi faut au moins penser à la Beauté
Seule chose ici-bas qui jamais n’est mauvaise
Elle porte cent noms dans la langue française
Grâce Vertu Courage Honneur et ce n’est là
Que la même Beauté
LA FRANCE
Poète honore-là
Souci de la Beauté non souci de la Gloire
Mais la Perfection n’est-ce pas la Victoire
LE POÈTE
Ô poètes des temps à venir ô chanteurs
Je chante la beauté de toutes nos douleurs
J’en ai saisi des traits mais vous saurez bien mieux
Donner un sens sublime aux gestes glorieux
Et fixer la grandeur de ces trépas pieux
L’un qui détend son corps en jetant des grenades
L’autre ardent à tirer nourrit les fusillades
L’autre les bras ballants porte des seaux de vin
Et le prêtre-soldat dit le secret divin
J’interprète pour tous la douceur des trois notes
Que lance un loriot canon quand tu sanglotes
Qui donc saura jamais que de fois j’ai pleuré
Ma génération sur ton trépas sacré
Prends mes vers ô ma France Avenir Multitude
Chantez ce que je chante un chant pur le prélude
Des chants sacrés que la beauté de notre temps
Saura vous inspirer plus purs plus éclatants
Que ceux que je m’efforce à moduler ce soir
En l’honneur de l’Honneur la beauté du Devoir
17 décembre 1915 – pour toi mon grand-père inconnu mort des suites de cette guerre !
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Per te praesentit aruspex
O mon très cher amour, toi mon œuvre et que j'aime,
A jamais j'allumai le feu de ton regard,
Je t'aime comme j'aime une belleœuvre d'art,
Une noblestatue, un magique poème.
Tu seras, mon aimée, un témoin de moi-même.
Je te crée à jamais pour qu'après mon départ,
Tu transmettes mon nom aux hommes en retard
Toi, la vie et l'amour, ma gloire et mon emblème;
Et je suis soucieux de ta grande beauté
Bien plus que tu ne peux toi-même en être fière:
C'est moi qui l'ai conçue et faite toute entière.
Ainsi, belle œuvre d'art, nos amours ont été
Et seront l'ornement du ciel et de la terre,
O toi, ma créature et ma divinité !
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Sanglots.
Notre amour est réglé par les calmes étoiles
Or nous savons qu'en nous beaucoup d'hommes respirent
Qui vinrent de très loin et sont un sous nos fronts
C'est la chanson des rêveurs
Qui s'étaient arraché le coeur
Et le portaient dans la main droite
Souviens-t'en cher orgueil de tous ces souvenirs
Des marins qui chantaient comme des conquérants
Des gouffres de Thulé, des tendres cieux d'Ophir
Des malades maudits, de ceux qui fuient leur ombre
Et du retour joyeux des heureux émigrants.
De ce coeur il coulait du sang
Et le rêveur allait pensant
À sa blessure délicate
Tu ne briseras pas la chaîne de ces causes
Et douloureuse et nous disait
Qui sont les effets d'autres causes
Mon pauvre coeur, mon coeur brisé
Pareil au coeur de tous les hommes
Voici nos mains que la vie fit esclaves
Est mort d'amour ou c'est tout comme
Est mort d'amour et le voici Ainsi vont toutes choses
Arrachez donc le vôtre aussi
Et rien ne sera libre jusqu'à la fin des temps
Laissons tout aux morts
Et cachons nos sanglots
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MAI
Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des darnes regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains
Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s'éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régiment
Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes.
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